La Commission Nationale de contrôle de la protection des Données à caractère Personnel n'a pas tardé à réagir à la volonté du gouvernement de mettre en place une application de traçage pour préparer le déconfinement imposé par le coronavirus. Dans un communiqué daté du 16 avril, la CNDP écrit «avoir pris connaissance, par voie de presse, de la volonté du gouvernement de mettre en place une application de « contact tracing ». Cette annonce a immédiatement généré, une interrogation, et voire, une inquiétude citoyenne autour des risques de déploiement d'un Etat de surveillance dans le cas où les usages permis par cette application n'étaient pas respectueux des droits humains et encadrés juridiquement». La Commission rappelle que la loi 09-08, en alignement avec l'article 24 de la Constitution du Royaume, confère à la CNDP la mission publique de contrôle de la protection des données à caractère personnel et de la vie privée, en particulier au sein de l'écosystème numérique. «Il est louable que le gouvernement anticipe, et la CNDP salue le courage politique et opérationnel avec lequel le ministère de la santé et le ministère de l'intérieur adoptent cette démarche proactive», souligne le communiqué. Cependant, la CNDP insiste sur la nécessité de conforter la confiance, en particulier la confiance numérique : «Si celle-ci n'est pas assurée, le nécessaire large usage de l'application s'en trouvera affecté et les résultats escomptés altérés». «Il est recommandé que l'usage de ce type d'application soit déployé sur la base d'une confiance volontariste et non sur la base d'une obligation difficile à mettre en œuvre», insiste la CNDP.
Recommandations Pour assurer cette condition sine qua non de confiance concernant la collecte et l'utilisation des données à caractère personnel, la CNDP recommande fortement au gouvernement de : * Veiller à garantir la complémentarité annoncée comme nécessaire entre le pistage et l'usage de cette application, d'une part, et la politique de dépistage et de tests au COVID19, d'autre part. Ces deux dispositions vont de pair. L'insuffisance du dépistage peut remettre en cause l'intérêt du pistage. * Justifier que cette complémentarité et les algorithmes utilisés répondent effectivement à la finalité du contrôle de la propagation de la pandémie. * Veiller à définir, de façon explicite, la finalité stratégique et les moyens opérationnels et techniques pour l'atteindre. La finalité stratégique est le contrôle de la propagation de la pandémie. Les moyens opérationnels et techniques pour l'atteindre doivent distinguer les moyens de type « tracing » induits par des technologies comme le bluetooth et les moyens de type « tracking » induits par des technologies comme la géolocalisation et le GPS. Les moyens utilisés doivent être adéquats avec la finalité stratégique. * Veiller à informer, en application du principe de transparence, l'utilisateur ciblé de la finalité affichée et des moyens utilisés pour l'atteindre. * Veiller à ce que seules les autorités dûment habilitées (sanitaires, mais aussi le personnel d'autorité régulièrement affecté afin de faire respecter les décisions sanitaires), soient en mesure d'accéder, chaque agent selon ses missions, aux seules données à caractère personnel, jugées nécessaires à l'exécution de sesmissionspropres en conformité avec la finalité affichée. * Veiller à ne pas réutiliser les données à caractère personnel autrement que pour la finalité affichée. * Veiller à détruire les données collectées et générées à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, sauf celles pouvant alimenter, de façon anonymisée et réglementaire, la recherche scientifique. * Prendre en considération que l'administration, vu la sensibilité du sujet, ne peut recourir à l'acquisition de boîte noire (black box). Elle doit être en maîtrise complète des codes développés et des architectures mises en œuvre. * Veiller à partager, voire rendre publics, le code développé, les architectures et les technologies utilisées en autorisant leur audit citoyen, ce qui permet aussi de respecter le principe de la publication proactive mais aussi de la procédure d'urgence prévue par la loi n°31-13 relative au Droit d'Accès à l'Information. Cet audit peut être également sollicité, par tout autre acteur, selon les mécanismes constitutionnels existants.
La CNDP conclut son communiqué en se disant à la disposition des autorités gouvernementales pour les accompagner à conforter le cadre de confiance numérique pouvant contribuer à gérer les deux priorités du moment : la gestion du risque sanitaire et le maintien de l'activité économique.
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