La bonne gouvernance est un ensemble de règles transparentes et un gage pour les investisseurs. Qu'en est-il au Maroc ? Zakaria Fahim, gérant associé chez BDO Maroc et président de la Commission éthique et bonne gouvernance à la CGEM, explique. Finances News Hebdo : Dans un premier temps, comment la bonne gouvernance a évolué au gré des mutations économiques? Zakaria Fahim : Avant tout, ne partons pas de zéro ! Le Maroc a un partenariat public-privé, nous avons des codes de bonne gouvernance et un conseil développé pour la PME. C'est une première dans la région MENA. Ces codes, nous les avons intégrés dans un projet pragmatique, orienté et utile pour la PME. On dit qu'il y a une bonne gouvernance quand les process de fonctionnement et de contrôle sont clairs tout au long de la chaîne. De telle sorte que tout le monde sait qui fait quoi ; Il y a une réédition, c'est-à-dire que ceux qui agissent pour le compte des autres doivent comprendre que tout doit être parfaitement fait, sinon il y a des sanctions qui sont prévues. Les règles du jeu doivent être claires pour tout le monde pour qu'il n'y ait pas de surprise. Ainsi, la bonne gouvernance est un ensemble de règles transparentes, mais surtout un état d'esprit qui veut que les process soient plus forts que les individus. Si quelqu'un arrive à manquer, l'entreprise doit continuer à tourner c'est-à-dire que la gouvernance permet de mettre en place une telle culture et une façon de faire suffisamment claires et bien intégrées. Très souvent, dans les entreprises marocaines, c'est une seule personne qui fait tout. Alors que la gouvernance aujourd'hui doit être un instrument pour attirer les talents. F. N. H. : L'accès au capital n'est pas en soi une source d'avantages. Comment les bonnes pratiques au sein de l'entreprise peuvent-elles améliorer le retour sur investissement ? Z. F. : Aujourd'hui, quand la Banque mondiale prête de l'argent, elle oblige à ce que la partie «corporate governance» soit notée par la due diligence RSE. Un grand cabinet international a fait une étude sur 200 investisseurs institutionnels dans 23 pays. Il en ressort que 85% de ces investisseurs déclarent que les performances économiques et financières sont aussi importantes que la gouvernance, et 73% sont prêts à payer plus cher quand il y a une bonne gouvernance. Aujourd'hui, la bonne gouvernance n'est plus un luxe pour les investisseurs ; elle est devenue une condition pour pouvoir s'engager et investir. F. N. H. : Qu'en est-il de l'équilibre hommes/femmes dans la composition des organes de gouvernance des entreprises marocaines ? Z. F. : Ce n'est pas moi qui le dis, mais beaucoup de gens le disent : si Lehman Brothers s'appelait Lehman Sisters, on n'aurait pas eu de crise ! Les femmes sont moins carriéristes. Elles sont très intuitives et souvent incorruptibles. Leur manière de faire fait qu'elles ont une autre façon de manager, cela ne veut pas dire que c'est la meilleure mais c'est une nouvelle façon différente ! Nombreuses sont les entreprises qui ont mis suffisamment de femmes dans les organes de gouvernance et qui ont vu leurs performances s'améliorer. Nous travaillons sur ce sujet dans le cadre d'un comité au sein de la Commission de la gouvernance et nous avons effectué une étude pour savoir où ça bloque. Au Maroc, c'est une culture qu'il faut développer. Aujourd'hui, les femmes managers ne sont pas suffisamment nombreuses pour avoir une réponse plus scientifique. Ce qui est sûr, c'est qu'elles ramènent une façon de faire et une sensibilité que nous n'avons pas nous, les hommes. Nous pouvons créer de la valeur différemment grâce à cette complémentarité. F. N. H. : Comment la cohérence de la formalisation des politiques publiques au sein des établissements publics peut-elle être un catalyseur de la bonne gouvernance publique ? Z. F. : Les entreprises publiques sont le bras armé de l'Etat pour animer et fructifier les entités détenues par celui-ci. Cela ne peut se faire sans une bonne gouvernance. Le code de la bonne gouvernance des établissements publics met le doigt sur ce sujet. Il paraît évident que dans un conseil d'administration, ce n'est pas l'Etat qui assiste au conseil mais une personne qui représente le ministère de tutelle. L'une de nos recommandations, c'est qu'on ne peut demander à des gens d'être des administrateurs responsables et avoir une responsabilité sans rémunération. Comme dans le secteur privé, il faut avoir des jetons de présence. De ce fait, si le code de la bonne gouvernance des établissements publics est correctement appliqué, cela va être une révolution dans les entreprises publiques. En outre, pour qu'il y ait une bonne gouvernance, il faut que la justice fonctionne. Et si demain, dans le privé ou dans le public, il y a des actions ayant trait à la corruption, les personnes concernées peuvent user du portail «Stop corruption» et dénoncer ces actes. On ne peut absolument avoir une bonne gouvernance avec des actes frauduleux. Les codes de bonne gouvernance permettent d'avoir des gardes-fous en amont.