Nezha Lahrichi, PDG du Conseil National du Commerce Extérieur Une première remarque s'impose : la situation de la femme n'est pas la même dans les mondes urbain et rural. D'ailleurs, les statistiques sont publiées séparément et expriment donc les différences dans le Maroc à deux vitesses. Cette remarque étant faite, les domaines d'appréciation du développement des conditions de la femme sont multiples : éducation, emploi, santé, fécondité, âge de mariage, accès aux postes politiques, représentativité dans les organes de gouvernance des entreprises…etc. Pour tous ces critères, les avancées sont certaines. A titre d'exemple, le taux de scolarisation des filles a fortement augmenté en 10 ans (près de 88%), le taux de fécondité à nettement baissé, réduisant ainsi les problèmes de santé liés à la reproduction et donnant plus d'autonomie à la femme …etc. Quant à la parité, elle est maintenant inscrite dans l'article 19 de la Constitution qui prévoit une instance spécifique pour veiller à son application. Mais il faut préciser qu'à court terme, un constat est admis par de nombreux acteurs : les quotas, comme disposition transitoire, sont incontournables car les évolutions sont lentes, les résistances culturelles fortes et les obstacles invisibles, d'où une question centrale : les conditions sociales et culturelles dans lesquelles s'exerce la politique sont-elles favorables à une véritable émergence de la femme ? Il faut aussi préciser que si le renforcement de la participation des femmes concerne le champ politique, il concerne également le champ économique car le pouvoir se conjugue au masculin au niveau de ces deux champs ; il s'agit de féminiser la démocratie, mais aussi les hautes sphères de l'économie, les organes de prise de décision, le top management…etc. Le défi est de se situer dans un élan d'évolution et non dans un processus de régression car l'enjeu est vital : c'est celui du développement économique et social qui permettra d'émanciper non seulement les femmes, mais également les hommes et de garantir leur liberté et leur dignité. Les femmes contribuent au développement économique directement, mais aussi et surtout indirectement. Elles gèrent des entreprises et sont chefs de ménage, même si les proportions restent inférieures à celles des hommes. Mais le plus important à souligner c'est leur contribution invisible qui mériterait d'être quantifiée; le problème est celui de la valorisation de trois activités où les femmes sont fortement présentes : domestiques, informelles et sociales. Les enquêtes menées ont montré que les ressources de travail disponibles sont presque partagées à égalité entre activités rémunérées et non rémunérées ; donner une valeur économique aux prestations non marchandes augmenterait notre richesse nationale (PIB) avec des implications sur la motivation et l'équilibre psychologique. Il n y a aucune raison de considérer une femme au foyer comme inactive et de la classer avec les vieillards, les malades comme le fait actuellement la statistique. Il n'y a aucune raison de négliger l'effort des femmes ayant un travail rémunéré pour gérer leur ménage et éduquer leurs enfants ou encore de faire l'impasse sur tout ce que fait la femme rurale ! La modernisation des systèmes de comptabilité nationale s'impose d'ailleurs dans tous les pays pour combler ce décalage statistique : une façon de rendre compte du partenariat effectif entre les sexes pour gagner la bataille du développement économique et social.