■ La commission Règles de médiation vise à institutionnaliser la pratique de la médiation au Maroc. ■ Malgré une augmentation des conflits résolus par les modes alternatifs, le taux reste encore très faible par rapport aux nombreuses affaires déposées devant les juridictions. ■ Selon Fayçal Mekouar, président de la Commission Règles de médiation/CGEM, une forte implication des acteurs publics et privés dans la promotion de la médiation est très souhaitable. ✔ Finances News Hebdo : La commission public-privé, instaurée au lendemain de la signature du Pacte National d'Emergence Industrielle, a élaboré un schéma de développement de recours à la médiation et à l'arbitrage. Comment la CGEM, ayant pris part à cette commission, a-t-elle décliné ce schéma auprès des entreprises membres ? ✔ Fayçal Mekouar : Une commission publique privée, constituée du ministère de la Justice, du ministère de l'Industrie et du Commerce, du ministère des Affaires économiques et générales et de la CGEM avec l'appui de la SFI, a été instaurée pour la mise en œuvre d'un schéma de développement et de promotion de la médiation au Maroc. La CGEM est un membre actif et un acteur important dans l'animation de cette commission. Elle a participé au plan d'action et a inscrit la médiation parmi ses plans stratégiques dans l'accompagnement des entreprises dans la réalisation de leur plan de développement de leurs activités. La CGEM considère que ces modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) constituent un facteur significatif dans l'amélioration du climat des affaires et, par voie de conséquence, contribue au développement des relations d'affaires entre entreprises à l'échelle nationale ou internationale. La médiation est un outil managérial qui permet avant tout l'accroissement et la préservation de l'investissement, mais aussi la promotion des relations économiques. La résolution des litiges commerciaux par le recours aux modes alternatifs a été parmi les principales actions programmées dans l'amélioration du climat des affaires, mesure instaurée par le Pacte National d'Emergence Industrielle signé devant Sa Majesté en février 2009. Ce schéma se décline en 4 axes principaux: la sensibilisation des chefs d'entreprise et de leurs conseillers aux avantages du recours à la médiation, la formation des médiateurs et des formateurs à la médiation, l'institutionnalisation de la pratique de la médiation et le renforcement des centres de médiation d'arbitrage. Etant un membre de cette commission public-privé, et représentant du secteur privé, la CGEM, à travers sa commission Règles de médiation, a participé étroitement avec ces collaborateurs au lancement de ce chantier au Maroc dans la perspective d'améliorer la qualité de la Justice et de désengorger les tribunaux. Rappelons que la médiation n'a été réglementée dans la pratique judiciaire marocaine qu'en novembre 2007 après la promulgation de la loi 08-05, et qu'un effort d'accompagnement a été nécessaire pour installer la culture de la médiation afin qu'elle devienne un réflexe entre les protagonistes dans leurs contentieux. ✔ F.N.H. : En tant que président de la commission Règles de médiation, quel bilan pouvez-vous nous faire des réalisations de cette commission ( nombre et nature des dossiers traités, formation, sensibilisation) ? ✔ F. M. : En tant que président, la Commission Règles de médiation s'est attelée à mettre en oeuvre l'ensemble des actions découlant des objectifs issus du programme de Commission Public-Privé. Le plan porte sur la formation, l'institutionnalisation de la médiation, la sensibilisation, la communication et le développement de partenariat. La commission Règles de médiation, depuis sa création en 2006, a adopté une vision intégrée. Nos actions ont porté aussi bien sur l'amélioration de l'offre de service, par la mise en place de programmes de qualification et de formation de médiateurs, le renforcement des centres de médiation et d'arbitrage et l'accompagnement à la labellisation. Pour soutenir la demande, des campagnes de promotion de sensibilisation au recours à la médiation ont été menées auprès des entreprises ainsi qu'auprès de certains corps de métiers, notamment les experts-comptables et les cabinets juristes, pour insérer des clauses de médiation dans les contrats commerciaux. C'est ainsi que la commission, dans sa mission de sensibilisation, a organisé et participé avec la commission public-privé et en appui de la SFI, à plusieurs conférences et séminaires auprès des fédérations professionnelles et régions. Ces séminaires et conférences ont ciblé les chefs d'entreprise, leurs conseillers et le corps judiciaire et ont pour finalité d'exposer les multiples avantages de recours à la médiation dans la résolution de leurs conflits, notamment la confidentialité, le moindre coût, la rapidité, la neutralité et la préservation des bonnes relations entre les partenaires. Des campagnes de communication ont été aussi programmées et réalisées dans le cadre de notre plan d'action. Par ailleurs, la commission Règles de médiation a participé à des conférences internationales, la dernière en date à Paris la semaine dernière. Sur le plan de la formation, autre composante de notre plan d'action, la commission a organisé plusieurs cycles de formation. Des experts-comptables, des juristes, des architectes, des notaires, des cadres de ressources humaines ainsi que des chefs d'entreprise et des membres de l'AFEM ont bénéficié de ces cycles de formation. Avec ces formations plus d'une centaine de médiateurs sont opérationnels et concourent à la résolution des conflits. La commission Règles de médiation vise à institutionnaliser la pratique de la médiation au Maroc, elle accompagne les centres de médiation qui commencent à se créer dans les grandes villes du Royaume. Notre rôle principal est de mettre en place des référentiels, des règlements, des procédures-types qui donnent une assurance et une confiance aux parties lors de leurs recours à la médiation auprès des centres de médiation. Notre mission est d'appuyer les centres de médiation pour qu'ils puissent rayonner auprès des entreprises en leur offrant toutes les garanties pour conduire une médiation tant par les médiateurs que par les outils de médiation. ✔ F.N.H. : Quels sont les litiges les plus récurrents et quelles sont les dispositions prises à cet égard pour les contenir ? ✔ F. M. : Notre commission a pour mission de promouvoir la médiation commerciale. Donc, nous ne suivons plus particulièrement que les litiges commerciaux. Nous essayons également d'établir des statistiques périodiques afin de mesurer l'impact des efforts et actions entrepris sur le nombre des conflits résolus par la médiation. Ainsi, nous avons fait un recensement auprès de tous les médiateurs et formateurs formés dans le cadre du projet et des centres de médiation existants au Maroc. Vingt-huit entités ont répondu. De janvier à décembre 2010, 553 dossiers de médiation ont été envoyés vers la médiation; 437 sur les 553 ont étés résolus. Le montant d'actifs débloqués à travers la médiation s'élève à 308 millions de Dirhams ($36 millions USD). La durée moyenne pour la résolution d'un dossier à travers la médiation est d'environ 20 jours. Il faut noter que ces chiffres comprennent des statistiques de la médiation bancaire (BAM, GPBM, APSF). Cependant, il est important de noter à ce stade que le recensement des conflits résolus par la médiation relève de l'impossible, vu que la plupart des cas de médiation sont traités par des médiateurs indépendants ( ad hoc) et ne relevant pas de la compétence des centres de médiation connus ou des médiateurs formés. ✔ F.N.H. : Est-ce qu'il vous arrive d'intervenir en tant que médiateur entre les sociétés membres ? ✔ F. M. : La CGEM dispose d'un médiateur et non d'un centre de médiation, il siège au conseil d'administration et est destiné aux adhérents de la CGEM . Il intervient sur demande des parties dans les contestations entre les entreprises membres de la CGEM et en cas de conflits sociaux en entreprise. Son intervention est plutôt sollicitée dans les conflits qui s'opposent entre et au sein des fédérations professionnelles. La Commission Règles de médiation accompagne et apporte son soutien et son expérience. ✔ F.N.H. : Ces modes alternatifs ont-t-il été ancrés dans la vie des entreprises ? ✔ F. M. : Comme déjà signalé, la réglementation de la médiation conventionnelle au Maroc a été initiée par la loi 08-05 à la fin de l'année 2007. Dès lors, un travail d'accompagnement et de sensibilisation a été mis en œuvre par la commission pour rendre le recours à la médiation accessible, naturel et culturel auprès des chefs d'entreprise. On constate, en effet, une augmentation des conflits résolus par les modes alternatifs mais elle reste encore très faible par rapport aux nombreuses affaires déposées devant les juridictions. Des efforts continus et une forte implication des acteurs publics et privés dans la promotion de la médiation sont fort souhaitables. La réussite de ce chantier impactera très positivement le projet de réforme de la Justice. ■ Dossier réalisé par I. B. & S. E.