La population des retraités déplore la carte Rahati et considère son obligation comme un abus de pouvoir de la CIMR. La revalorisation des pensions de 0,7% est considérée comme étant suicidaire par la FANAREM. La carte Rahati coûte à la population des retraités 7,8 MDH par an. Salah-Eddine Benjelloun, Vice-président de la FANAREM met le doigt là où ça fait mal. -Finances News Hebdo : Dans quel cadre la Fédération des associations nationales des retraités du Maroc (FANAREM) a-t-elle été créée et quels sont ses principaux objectifs ? -Salah-Eddine Benjelloun : Créée en 2005, la FANAREM regroupe 18 associations nationales de retraités, représentant les secteurs-clés de l'économie nationale : phosphates, transports (terrestre, aérien, ferroviaire et maritime), régies des tabacs, agriculture, sucreries, banques, enseignement et administrations. Son but est de regrouper l'ensemble des retraités pour mieux les représenter, défendre leurs droits acquis, améliorer la qualité de leur vie et celle des personnes âgées, leur donner et partager avec eux toutes sortes d'informations relatives à la vie des retraités du Maroc et d'ailleurs. -F.N.H. : A l'occasion de chaque Assemblée générale, la CIMR rassure quant à la pérennité du régime et toutes les projections établies font montre d'un excédent d'exploitation. Quelle appréciation en faites-vous ? -S. B. : Les perspectives d'équilibre du régime CIMR relèvent d'avantage de l'illusion d'optique si l'on considère que l'hypothèse d'un rythme d'évolution à long terme des salaires de 6 % par an est plutôt sujette à caution. Cette hypothèse s'écarte assurément des développements macroéconomiques et sociaux observés et projetés au Maroc. A cet égard, le projet de rapport du BIT, qui analyse l'étude sur la réforme des retraites (juin 2011), souligne que le taux nominal d'augmentation des salaires selon le cadre macroéconomique développé par le BIT (2010-2060), n'atteindra jamais la valeur de 4,5 % sur la période de projection. Rappelons que la note de la banque mondiale ayant porté sur la validation des projections financières réalisées par les quatre caisses de retraite, n'a pas manqué de souligner «l'instabilité de l'équilibre de long terme» du régime CIMR. Ladite note précise que «si le taux de croissance des salaires des actifs était de 4 % par an, au lieu de 6 % dans le scénario de base, le fonds de réserve disparaîtrait avant l'année 2030». D'autres évolutions corroborent la situation préoccupante du régime CIMR : le déséquilibre technique structurel sur deux décennies, la dégradation accrue du rapport démographique (nombre d'actifs pour un retraité), la dette implicite nette du régime qui s'est aggravée (37,1 milliards de dirhams en 2010 contre 34,3 milliards en 2009) et la baisse vertigineuse de la pension moyenne. -F.N.H. : D'après-vous comment la Caisse devrait-elle revaloriser les pensions afin de sauvegarder les niveaux de vie après la période d'activité sans menacer la viabilité du système ? -S. B. : Les trois réformes engagées par la CIMR (1992, 1998 et 2003), seront à l'origine d'une dégradation planifiée du pouvoir d'achat relatif des retraités par rapport aux actifs. Cette dégradation est corroborée par les niveaux insoutenables qui seraient atteints par le rapport démographique, mais suffisants pour «honorer» les pensions «en peau de chagrin» promises par la Caisse. En 2011, la CIMR, à l'occasion de son Assemblée générale ordinaire, annonce une revalorisation plutôt inconsistante des pensions : elle passera de 0,7 % à 1 %. La revalorisation de 0,7 %, est «proche du taux de revalorisation constaté depuis la réforme de 1998», et a été arbitrairement retenue par la réforme de 2003. Elle a été à l'origine d'une perte vertigineuse du pouvoir d'achat des retraités CIMR. Or, seule une indexation sur les prix (inflation) permet aux retraités de conserver le pouvoir d'achat de leur pension atteint au moment de la liquidation. Le taux de 1% s'écarte assurément des taux d'inflation observés ces dernières années (3,28 % en 2006, 3,71 % en 2008 et 1,9 % pour la moyenne observée sur la période 1997-2008). Les paramètres du régime suivront, en réalité, les évolutions projetées par la réforme de 2003. N'est-ce pas là une preuve irréfutable que le pilotage du régime, vanté tous azimuts, est clairement un leurre : les retraités ne bénéficient d'aucune «faveur» même quand la situation financière de la Caisse s'améliore ! Les pensions servies par le RCAR sont revalorisées au taux de 3,20 % en 2008 et de 3,49 % en 2009. Depuis 1990, le taux annuel moyen de revalorisation s'élève à 5,39 % à comparer au taux annuel moyen d'inflation qui ressort à 4,31 % (Rapport RCAR, 2008). Le paradoxe est là. Les réformes engagées risquent de faire basculer de plus en plus de retraités, de veuves et d'orphelins dans la pauvreté …Ce qui n'empêche pas les responsables de la CIMR de déplafonner, en décembre 2008, l'assiette de cotisation. Il s'agit assurément d'une mesure qui favorise les affiliés à hauts salaires au détriment des salariés les moins bien lotis. Démesurée, cette nouvelle «générosité» rappelle étrangement l'octroi par la CIMR, jusqu'en 1992, de validations gratuites dont le fardeau a lourdement pesé sur la viabilité financière de la Caisse. Les «privilégiés» à hauts salaires commencent à constituer, à partir de 2009, des droits à pension faramineux moyennant un coût correspondant au taux de cotisation de l'année et non à celui, plus onéreux, du barème de rachat de points. Au-delà de l'iniquité, une telle générosité risque de compromettre, dans une certaine mesure, l'équilibre financier du régime. -F.N.H. : Récemment, une carte «Rahati» a été mise à la disposition des retraités pour retirer leur pension. Le but étant de faciliter la vie aux retraités. Or, ces derniers ne le voient pas de cet œil. Quelles sont les principales déconvenues que la FANAREM pointe du doigt ? -S. B. : La Carte «Rahati» est un moyen de paiement imposé arbitrairement aux pensionnés de la CIMR. Quand les dirigeants de la Caisse affirment que «les retraités n'ont d'autre choix que de s'y conformer», ils adoptent une attitude qui relève de l'abus de pouvoir. De même, exiger d'un retraité démuni ou d'une veuve encore plus démunie (y compris en instruction) d'aller «activer» sa carte et changer son code provisoire fourni par la banque par un autre, au guichet automatique bancaire, relève d'une fantaisie aux effets bien douteux. Vouloir «réduire les frais de gestion» au détriment des retraités et des veuves en leur imposant des frais, qui leur coûteront dans l'ensemble 7,8 millions de dirhams par an, est une déplorable iniquité. Le fait que les titulaires de petites pensions subissent des contraintes qui les privent de disposer mensuellement du montant total de leur pension … est le comble de la difficulté créée par la carte «Rahati» !