Le secteur des assurances a clôturé l'année 2010 sur une hausse de 4,5%. Les primes collectées par la branche Vie ont accusé une baisse de 0,9%. Chaque année, le secteur collecte une épargne supérieure à 6 Mds de DH qui est canalisée dans l'économie réelle. Les compagnies d'assurance attendent un contexte boursier pour mettre sur le marché les contrats en unités de compte. B. Badou, Directeur général de la Fédération Marocaine des Sociétés d'Assurance et de Réassurance (FMSAR), nous éclaire sur les réalisations et avancées du secteur au terme de l'année 2010. - Finances News Hebdo : Quelle appréciation peut-on faire de l'évolution du secteur des assurances à l'aune de l'ensemble des évènements ayant marqué l'activité, aussi bien sur le plan national (code de la route, durcissement des règles prudentielles…) qu'international (crise financière)? - Bachir Badou : Le secteur des assurances a terminé l'année 2010 sur une note plutôt positive puisque les primes émises ont évolué de 4,5%. Il est vrai que cette évolution marque un ralentissement par rapport à la période 2004–2009 qui a connu un taux de croissance annuel moyen de +11,44%. Ce ralentissement cache une évolution contrastée entre la branche Vie et la branche non Vie. L'assurance Vie, dont le gros de la collecte est assuré par les réseaux bancaires, a enregistré un recul des primes émises de l'ordre de 0.9%. Ce recul s'explique essentiellement par un changement de la stratégie commerciale des sociétés d'assurance qui vise désormais une épargne longue et récurrente, au détriment d'une épargne plus opportuniste qui peut s'avérer plus consistante à court terme. Nous pouvons également souligner que la dynamique du modèle de type «bancassurance» est fonction de la stratégie des distributeurs, qui peuvent par moment favoriser la collecte sur des produits purement bancaires. En ce qui concerne la branche non Vie, le taux de croissance de +7% est conforme à nos prévisions. Soulignant le bon comportement de l'assurance Auto qui enregistre une évolution de +7.4%, celle de l'Incendie à +9.6% ou encore celle de l'Assistance et Crédit Caution qui connaît une évolution de +10%. - F.N.H. : L'année 2010 a été marquée par l'entrée en vigueur du nouveau code de la route. Est-ce que vous avez ressenti l'impact de ce code sur les primes émises par le secteur en général, ou plus précisément sur la branche auto ? - B. B. : Les primes émises en assurance automobile sont directement corrélées à l'évolution du parc automobile et au taux d'équipement en garanties annexes (vol, incendie, bris de glace…). Les incidences positives du nouveau code de la route sont attendues sur le chapitre de la sinistralité, et donc sur la baisse du nombre d'accidents de la circulation et sur leur gravité. Il est encore trop tôt pour pouvoir observer des tendances puisque le nouveau code de la route est entré en vigueur en octobre 2010 et que l'ensemble du dispositif n'est pas encore opérant à ce jour. Nous demeurons confiants face à la détermination des pouvoirs publics à faire reculer le nombre d'accidents de la circulation. - F.N.H. : En vue de pallier les risques inhérents à l'activité de l'assurance, la DAPS a exigé des compagnies d'assurance de mettre en place des structures internes dédiées au contrôle interne. Est-ce qu'aujourd'hui toutes les compagnies sont dotées de telles structures ? Est-ce qu'elles sont protégées contre les aléas conjoncturels ? - B. B. : Le secteur marocain de l'assurance a connu une évolution très appréciable ces dernières années, favorisée par un cadre réglementaire extrêmement abouti qui nous place au rang de leader régional, arabe et continental aux côtés de l'Afrique du Sud. Ce statut, nous le devons à des années d'efforts de structuration de nos entreprises d'assurance et de notre réseau de distribution, mais aussi à l'amélioration de nos modes de gestion et de gouvernance. Les structures de contrôle interne, qui s'imposent aujourd'hui par la réglementation, nous ont fait beaucoup de bien et nous ont rendus plus forts. Je peux vous affirmer que toutes les entreprises d'assurance sont aujourd'hui dotées de structures dédiées de contrôle interne et d'audit interne. La protection contre les aléas conjoncturels à laquelle vous faites référence relève de l'évaluation et de la maîtrise des risques qui trouvent leur point de départ dans le contrôle interne, mais qui se prolongent et se durcissent dans le cadre de la surveillance et du pilotage de la solvabilité de l'entreprise d'assurance. Il faut savoir que les entreprises sont tenues, depuis 2009, d'établir à l'attention de l'Administration et des commissaires aux comptes un rapport annuel de solvabilité qui doit balayer l'ensemble des risques qui touchent aussi bien le passif, et donc les engagements, l'actif et donc les placements, que certains risques opérationnels sensibles tels que la réassurance, le risque de souscription ou encore les risques inhérents à la sinistralité. - F.N.H. : La branche Vie peine à se développer au Maroc pour différentes raisons, en l'occurrence d'ordre fiscal. Est-ce que dans le cadre du contrat-programme du secteur, les compagnies d'assurance ont soulevé cette problématique ? Si oui, quelles sont les mesures qui ont été proposées ? - B. B. : Pour être honnête et objectif, il faut souligner que l'assurance Vie et Capitalisation dispose au Maroc d'un cadre fiscal extrêmement intéressant et suffisamment motivant pour les salariés. Ces derniers peuvent déduire sans limite de leur salaire imposable les sommes qu'ils investissent dans des contrats de retraite. Ce qui, en revanche, n'est pas normal, c'est que les non salariés ne peuvent déduire que l'équivalent de 6% de leur revenu annuel imposable, créant une discrimination entre deux catégories de contribuables marocains. Nous demandons de relever ce seuil, d'autant plus que 6% ne peuvent en aucun cas assurer un taux de remplacement convenable à l'âge de la retraite. A titre d'exemple : les salariés du secteur public contribuent à hauteur de 20% de leur salaire (y compris la part la patronale). Par ailleurs, nous demandons au législateur de ne pas créer de distorsion concurrentielle en donnant à certains produits bancaires, tels que le PEA ou le PEL, des avantages fiscaux plus forts sur certains aspects que ceux des entreprises d'assurance. Il ne faut pas oublier que tous les ans, notre secteur draine une épargne supérieure à 6 milliards de dirhams qui, canalisée dans l'économie nationale, représente un encours de plus de 100 milliards à fin 2010. Cette activité d'investisseur institutionnel fait de notre secteur le premier souscripteur des emprunts d'Etat et le premier investisseur au niveau de la Bourse de Casablanca. L'épargne assurantielle doit, à ce titre, faire l'objet de toutes les attentions de la part du législateur. - F.N.H. : Dans le même sillage, les contrats en unités de compte restent lancés uniquement par la Marocaine Vie. Qu'est-ce qui empêche toujours les compagnies d'assurance de promouvoir ce type de produits ? - B. B. : D'abord, le contrat en unités de compte ne peut se concevoir que dans le cadre du business modèle de type «bancassurance» en s'adressant à une clientèle qui dispose d'un minimum de culture financière. Il faut que le distributeur et le fabriquant de produit soient extrêmement intégrés pour pouvoir exécuter les opérations dans des délais très courts. Lorsqu'un client souscrit un contrat en unités de compte sur la base d'une valeur liquidative de 100, vous ne pouvez pas enregistrer l'opération trois jours après sur la base d'une valeur liquidative de 105. Le groupe Société Générale a dupliqué le modèle qui a fait sa force sur le marché français, ce qui lui a permis, peut-être, d'aller plus vite que les autres. Aujourd'hui, d'autres acteurs ont bouclé leurs offres et certains attendent un meilleur contexte boursier pour passer à l'étape de la commercialisation. Propos recueillis par Soubha Es-siari