L'affichage publicitaire est réglementé par un texte instauré sous le protectorat et inspiré du cadre français. L'article 17 de la Loi de Finance de 1996-1997 a élargi l'espace publicitaire. Les communes doivent se conformer aux circulaires, puisqu'elles ont une force obligatoire dans la mesure où elles respectent les lois en vigueur. Me Saïd Naoui, avocat au Barreau de Casablanca, doctorant en droit, dresse le cadre juridique qui régit cette activité et les voies de recours. - Finances News Hebdo : Quel est le cadre législatif qui régit l'affichage publicitaire au Maroc ? - Saïd Naoui : Comme toute activité, l'affichage publicitaire au Maroc est soumis à une réglementation, depuis le Dahir du 06 avril 1938 instauré à l'ère du protectorat par les autorités françaises. En vertu de ce dahir, l'apposition des affiches publicitaires est interdite sur le domaine public de l'Etat et ses dépendances, sauf réglementation particulière, édictée par décret, à l'intérieur des médinas et sur les murailles ou remparts qui les entourent, sur les monuments historiques et les sites classés. Ce dahir a également habilité le Premier ministre à étendre cette interdiction à tout ou partie de la zone suburbaine des villes municipales, ou des centres urbains, et de créer des périmètres d'interdiction de publicité par affiches ou panneaux-réclames aux abords de certains immeubles, édifices religieux, sites naturels, ouvrages d'art, sources, rives des cours d'eau, ainsi que dans une zone de cinq cent mètres au maximum de part et d'autre de l'axe de certains sections de chemins de fer, de routes ou de pistes. L'article 17 de la Loi de Finance 1996-1997 a élargi l'espace publicitaire et a éliminé les périmètres d'interdiction de publicité aux bords des voies de communications routières de l'Etat. La délimitation de telles zones est motivée par les caractéristiques des lieux concernés. - F. N. H. : Périodiquement, les communes reçoivent des circulaires leur interdisant ou les habilitant à octroyer des autorisations. Quelle est la force obligatoire de ces circulaires, sachant qu'elles ne sont pas toujours respectées ? - S. N. : Ces circulaires portent sur la réglementation de la publicité émanant du ministère de l'Equipement ; elles ont une force obligatoire dans la mesure où elles respectent les lois en vigueur. Ces circulaires rappellent parfois les communes à respecter la fixation ou l'actualisation des limites des agglomérations de leur territoire. Avant que la commune ne délivre une autorisation, elle doit vérifier que le support publicitaire est adapté aux caractéristiques du lieu ciblé. - F. N. H. : Comment peut-on le qualifier comparativement à ce qui se fait ailleurs, notamment en France ? - S. N. : Comme vous le savez très bien, les lois marocaines s'inspirent de la loi française. Et comme la loi qui régit l'affichage publicitaire instaurée au Maroc depuis 1938 est inspirée totalement de la loi française, on peut en déduire que ce qui se passe en France est similaire à ce qui se passe au Maroc avec une certaine nuance : c'est que les lois au Maroc, en général, changent difficilement, alors qu'en France elles évoluent en fonction de l'évolution sociale, économique et politique de l'Etat. Aujourd'hui, la loi qui s'applique à la publicité par affiche, aux enseignes et pré-enseignes sur le territoire français est la loi du 29 décembre 1979. Selon cette loi, les autorisations relatives à la publicité sont délivrées suivant une procédure définie par le décret n°80-923 du 21 novembre 1980, la demande d'autorisation devant être formulée par l'exploitant du dispositif adressée au maire et au directeur départemental de l'Equipement. La réponse doit être faite par le maire dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande, faute de quoi elle est déclarée accordée dans les termes de celle-ci. Toutes ces lois s'inscrivent dans le contexte de protection du cadre de vie. - F. N. H. : Quelles sont les conditions à remplir pour décrocher une autorisation pour un panneau publicitaire ? Et quels sont les motifs pouvant entraîner l'annulation de cette autorisation ? - S. N. : De prime abord, il faut signaler que l'autorisation d'implantation est indépendante de l'autorisation de disposer du terrain donné par le propriétaire du terrain ou du gestionnaire du domaine. Cela dit, le demandeur doit avoir un droit de disposition du terrain sur lequel il décide d'implanter le panneau; c'est-à-dire qu'il doit être propriétaire du dit terrain ou avoir une autorisation écrite du véritable propriétaire. Si l'implantation du panneau devra être faite sur un terrain relevant du domaine public, il faut avoir une autorisation d'occupation temporaire du domaine public de l'Etat. La demande doit être adressée aux services extérieurs du ministère de l'Equipement et du Transport, accompagnée de l'acte justifiant la propriété du terrain ou l'accord du propriétaire, d'un plan de situation et des indications sur les dimensions du panneau. Cette autorisation peut être annulée si le demandeur ne remplit pas certaines conditions, notamment celles relatives à l'objet de la publicité. C'est le cas de la publicité qui touche des produits toxiques ou dangereux pour la santé ou lorsque cette publicité ne respecte pas la culture des citoyens et choque l'esprit de l'enfant et ne respecte pas la dignité de la femme. Par ailleurs, en cas de rejet de la demande, le demandeur peut formuler un recours devant le tribunal administratif compétent. - F. N. H. : A Casablanca, il y a eu, il y a quelques années, une campagne de rasage de panneaux publicitaires de manière unilatérale de la part des autorités de la ville. Quelles sont les voies de recours pour un afficheur qui se sent lésé ? - S. N. : Certainement, l'administration est habilitée à enlever, masquer ou détruire les affiches publicitaires apposées sans l'autorisation requise, et ce au frais du contrevenant en plus d'une amande administrative dont le montant est égal au triple de la taxe normalement exigible. En France, «les officiers de police judiciaire pourront, avant toute poursuite… saisir, arracher, lacérer ou recouvrir les affiches… dont un ou plusieurs exemplaires auront été exposés au regard du public et qui, par leur caractère contraire aux bonnes mœurs, présenteraient un danger immédiat pour la moralité publique». Si un citoyen se sent lésé par cette mesure, il peut s'adresser au tribunal administratif compétent pour exposer son recours contre cette décision. - F. N. H. : A votre avis, les communes sont-elles les plus habilitées à octroyer ces autorisations ? - S. N. : Les autorités locales, en vertu de leur pouvoir réglementaire, peuvent octroyer ces autorisations. Elles sont, à mon sens, les mieux placées pour délivrer ces autorisations, vu les pouvoirs dont elles disposent. - F. N. H. : Enfin, en tant que citoyen ou association, quelle démarche doit-on suivre si l'on estime qu'un panneau dégrade le paysage ou présente un quelconque danger ? Existe-t-il cette possibilité ? - S. N. : Lorsqu'un citoyen estime qu'un panneau dégrade le paysage, il peut s'adresser directement à une association ayant pour objet la défense de l'environnement. Cette association, si elle a été agréée à cette fin, peut exercer devant toutes les juridictions l'action civile suite à un préjudice causé, directement ou indirectement à l'intérêt collectif des citoyens. Et si le panneau présente un quelconque danger, elle peut s'adresser aux autorités compétentes, sinon saisir le procureur du roi près le tribunal de première instance. Propos recueillis par I. Bouhrara