Le prix du cuivre a triplé en deux ans. Un déficit de production sur le marché évalué à 600.000 tonnes en 2011. Au Maroc, certains industriels dénoncent des réseaux mafieux qui se constituent pour voler ce métal devenu précieux. Tout comme pour le sucre, le blé et le bois, le Maroc subit de plein fouet les perturbations du marché mondial du cuivre. De plus en plus recherché, ce métal a vu ses cours sur le marché national suivre la hausse des prix sur les marchés internationaux. A fin décembre 2010, le cuivre a encore gagné 14% sur son cours par rapport à novembre 2010 pour atteindre les 10.000 dollars la tonne. Pour les autres métaux de base, «les cours du plomb, du zinc, de l'étain et du nickel ont enregistré des hausses mensuelles respectives de 12%, 11% et 7% au 29 décembre, portant leurs performances depuis leurs creux de juin à 63%, 48%, 68% et 34% respectivement», selon la note de la DEPF. Il est à préciser que le prix du cuivre a triplé en deux ans. Un record historique sur un marché où l'offre de métal rouge peine à répondre à une consommation mondiale robuste. Cette hausse est largement liée à la demande asiatique et à l'appétit croissant des financiers. Indispensable dans le bâtiment et les câbles, ce métal est porté par les économies émergentes, Chine en tête. Elle en consomme 40%, soit 45 milliards de dollars par an. Cette hausse est aussi expliquée dans une certaine mesure par des mouvements spéculatifs qui justifient en partie la forte volatilité du cuivre à laquelle le monde fait face. En effet, face à l'appétit croissant des investisseurs, le cuivre est devenu un actif financier. Ainsi, des banques américaines pourront lancer des ETF (Exchange traded founds) si le gendarme de Wall Street (SEC) l'autorise. Mais il pourrait refuser, craignant que les consommateurs industriels n'entrent en compétition avec les investisseurs financiers. Un déficit à prévoir L'activité dans l'industrie s'est accélérée en zone Euro en janvier. Elle a continué - bien qu'à un rythme ralenti - de progresser en Chine, premier consommateur de cuivre dans le monde, et elle a atteint aux Etats-Unis son plus haut niveau depuis mai 2004. Des chiffres qui augurent d'une demande mondiale de cuivre robuste : celle-ci pourrait progresser de 5,2% en 2011 et de 4,2% en 2012, selon de récentes estimations de la Commission chilienne du cuivre (Cochilco). Sur les dix premiers mois de 2010, la production minière est restée presque inchangée, alors que la consommation mondiale s'envolait de 7,5%, selon le Groupe international d'étude du cuivre (ICSG), qui évalue à 400.000 tonnes le déficit de production apparu sur le marché. Selon certains analystes, ce déficit pourrait se creuser jusqu'à 600.000 tonnes cette année, ce qui pousserait le prix moyen de la tonne de métal rouge à 10.250 dollars en 2011 et 11.500 dollars en 2012. D'ailleurs, la demande sur le cuivre a fait chuter les stocks du métal dans les entrepôts du LME (London Métal Exchange) de 35% en 10 mois. Ce dernier assure de son côté disposer de moyens pour lutter contre la spéculation. En cas de position dominante, il peut imposer une restitution du métal au marché. Il y a quelques jours, JPMorgan aurait ainsi revendu la moitié des énormes quantités de cuivre acquises ces derniers mois. Mais cela n'a pas empêché le métal rouge de s'envoler historiquement, preuve que la spéculation ne mène pas seule le bal. Impacts de la hausse des prix Toute cette agitation autour du métal rouge n'est pas sans impact. En effet, étant utilisé comme matière première dans la fabrication de plusieurs matériaux, la fluctuation du prix du cuivre se répercute forcément sur les charges des sociétés l'utilisant. Et ces dernières n'ont d'autres solutions que de le répercuter sur le consommateur final, au risque de voir s'accumuler de lourdes pertes. En effet, cette charge supplémentaire n'est pas sans risque pour les sociétés, surtout celles d'entres elles qui sont cotées. Prenons le cas de Nexans : c'est un gros consommateur de cuivre, avec 480.000 tonnes facturées en 2010 au niveau mondial. Elles répercutent dans leurs tarifs l'intégralité de l'évolution des prix. Un industriel comme Nexans ne se fournit cependant pas prioritairement auprès de traders, mais achète surtout son cuivre auprès de producteurs et pour une partie non négligeable par le biais de contrats portant sur plusieurs années; ce qui reste le meilleur moyen de garantir leurs approvisionnements. Mais Elles achètent aussi des contrats et des options sur le LME. Au Maroc, cette envolée des prix suscite la convoitise des intermédiaires et pousse certaines bandes à subtiliser le cuivre et le revendre ainsi sur le marché local, voire international. Pour les professionnels, cette situation crée un autre déséquilibre et une injustice, sur le plan fiscal notamment. «Les ferrailleurs, dernier maillon de la chaîne de récupération, exportent ces matières en exonération d'IS et de TVA. Cette exonération leur permet également d'acheter n'importe quelle marchandise sans facture et en particulier les marchandises volées, créant ainsi un véritable circuit de blanchiment», explique un industriel. L'Office national des chemins de fer (ONCF), l'Office national de l'électricité (ONE) et Maroc Telecom arrivent en tête des entreprises touchées de plein fouet par ce phénomène. C'est une sorte de mafia qui repère l'infrastructure à dérober, subtilise le cuivre et le revend.