La Zaouïa de Saïss, à quelques kilomètres du centre rural de Sidi Smail (50 kms d'El Jadida), est réputée, essentiellement, par le tissage traditionnel produit par ses femmes. L a ‘'kharqa saïssiya'' est une étoffe confectionnée manuellement entièrement en laine ou en laine et en soie naturelle ou artificielle. Le tissage de Saïss remonte à une époque très lointaine. Dans leur simplicité, les femmes tisseuses de Saïss produisent une gamme de ‘'kharqa'' très diversifiée. Les chefs- d'œuvre sont tissées avec beaucoup d'adresse, de patience et d'amour à partir de la laine. Pour les tisseuses, transformer des fibres individuelles en fils et en tissu ne peut- être réalisé qu'avec une matière première magique et, surtout, bénite de Dieu.Pour l'évaluer à sa juste valeur, ildemeure essentiel d'en expliquer et d'en analyser les différents stades par lesquels passent la préparation et le tissage. Le lavage de la laine Pour laver la laine, la tisseuse procède au trempage de la peau- laine la veille du jour de lavage. Entretemps, elle prépare une décoction d'une plante appelée ‘' Tighachte''. Au Maroc, les tisseuses considèrent, comme on le sait, la laine étant un fruit de terre et par conséquent un don de Dieu. Aussi- la craignent- elles et la vénèrent. La préparation au tissage La préparation au tissage concerne les différentes opérations qui commencent par le lavage de la laine, en passant par le drainage, le peignage, le cardage, le filage, la mise en écheveaux, le blanchiment et la mise en pelotes, l'ourdissage, le démêlage et se termine par la montage du métier à tisser. Ces différentes opérations sont très contraignantes et paraissent interminables quand une tisseuse travaille seule. C'est pour cette raison que ces opérations s'effectuent dans un cadre de groupement de tisseuses pour le compte de l'une d'entre elles. Chacune d'entre elles peut apporter, également, sa laine pour la travailler seule tout en profitant, bien sûr, de la convivialité et de la bonne humeur de ses amies dans ce genre d'activités communautaires. Pour ne pas ressentir les douleurs de ces corvées, ces bonnes pieuses dames entonnent des paroles, considérées une pratique rituelle, pour solliciter la clémence de Dieu dans le but d'avoir la force et du courage et de surmonter les difficultés de ce labeur. Ces chants sollicitent, également, le soutien et l'aide du prophète et des saints fondateurs des trois zaouïa : la zaouïa Foukaniya, la Zaouïa Wastaniya et la zaouïa Tahtaniya. Il ya des chants et des citations spécifiques à chaque opération comme il ya un autre chant chantée par toutes les tisseuses à la fois lorsqu'une opération dure plusieurs heures. Ce chant se traduit par une litanie dans laquelle une tisseuse chante des paroles, souvent inspirées des légendes locales, et les autres répètent après elle et ainsi de suite jusqu'à la fin du chant. Un autre rituel consiste à ce qu'une tisseuse ( souvent la plus âgée) chante le premier verset aussitôt repris par les autres, puis la même chose pour les autres versets formant, ainsi, une espèce de ritournelle à la fois lascive et riche d'enseignements.