Ecrit par I. Bouhrara | Avec une industrie pharmaceutique embryonnaire, l'Afrique largement dépendante de l'importation de médicaments, a dû faire face à des ruptures de stocks en raison de la pandémie. Fort de sa production locale et en Afrique, le Maroc est appelé à jouer un rôle majeur vers une souveraineté pharmaceutique africaine. La pandémie du Covid-19 a dévoilé la vulnérabilité du continent africain à plusieurs niveaux. Le cas de l'absence d'une industrie pharmaceutique locale forte. Dans ce sens, la faible vaccination contre le Covid-19 n'est que la partie visible de l'iceberg. En effet, avec les perturbations de production et des chaînes d'approvisionnement, les systèmes de santé en Afrique ont fait face à d'importantes ruptures de stock de divers médicaments et vaccins, dont des produits de première nécessité. Confirmant ainsi des défaillances structurelles d'accès et de coûts des traitements sur le continent. Ce dernier comptait en 2019 environ 375 fabricants de médicaments, implantés pour la plupart en Afrique du Nord, selon un rapport de McKinsey. La Chine et l'Inde, qui comptent chacune environ 1,4 milliard d'habitants, comptabilisent respectivement pas moins de 5.000 et 10.500 fabricants de médicaments. Ce deux pays sont d'ailleurs les principaux exportateurs de matières premières et principes actifs pour la production locale africaine. Dans ce topo peu reluisant, le Maroc peut se targuer de son industrie pharmaceutique, 2ème en Afrique, bien que des freins persistent face à l'émergence d'une industrie plus forte localement et intégrée régionalement. Après les phosphates, l'industrie pharmaceutique marocaine constitue la deuxième activité chimique du Maroc et occupe la deuxième place à l'échelle du continent africain. Le secteur compte une moyenne de 700 millions de DH d'investissements annuels et réalise plus de 14 milliards de DH de CA par an. Avec plus de 50 ans d'existence, ce secteur a pu compter sur le développement du système de soins et de prise en charge médicale au Maroc et dispose encore d'un fort potentiel de croissance aussi bien au niveau local que continental. D'ailleurs, plusieurs acteurs marocains sont déjà inscrits dans une dynamique de développement africaine. Aussi, l'adoption d'un nouveau code des médicaments et de la pharmacie prévoyant la libéralisation du capital social des entreprises pharmaceutiques y est pour beaucoup dans l'émergence de champions nationaux dans ce secteur. Ce cadre est aujourd'hui appelé à se réformer dans le cadre de la Politique pharmaceutique nationale 2021-2025 dont les ateliers de concertation ont démarré en juin 2021. Une politique qui doit avoir deux dimensions, l'une nationale et l'autre internationale dans ce sens où le pays doit renforcer une production locale forte en faveur d'une amélioration d'accès et de coûts des soins dans la perspective de la généralisation de la couverture médicale d'un côté, et de l'autre, de mettre en place tous les leviers nécessaires d'une meilleure compétitivité de l'industrie pharmaceutique marocaine essentiellement portée par le privé. Sur le plan continental, le Maroc étant engagé entre autres dans la mise en place d'une Agence africaine du médicament. Une politique appelée à accompagner et sécuriser les investissements marocains sur le continent dans le cadre d'une diplomatie économique plus forte. Production du vaccin Covid-19, vers une souveraineté vaccinale africaine ? La crise sanitaire a eu le mérite de dévoiler au grand jour la vulnérabilité de l'Afrique dans l'accès aux médicaments et aux vaccins. Un goulot d'étranglement qui fort heureusement pèse sur la reprise économique mondiale faisant prendre conscience aux organismes internationaux le risque de cette iniquité sur la gestion et sortie de crise sanitaire au niveau mondial. D'où des initiatives comme Covax pour accélérer la vaccination contre le Covid en Afrique pour éviter qu'elle ne devienne un foyer de vagues d'infection répétées. Mais à l'heure actuelle, face à la demande mondiale et la pression exercée sur les pays producteurs de vaccins, cette accélération passe inéluctablement par la production locale du vaccin. Dans ce sens, le Maroc a dévoilé ce 7 juillet son projet, fruit d'un partenariat public-privé, qui vise à démarrer à court terme avec une capacité de production de 5 millions de doses de vaccin anti-Covid19 par mois, avant de démultiplier progressivement cette capacité à moyen terme. Il mobilisera un investissement global de l'ordre de 500 millions de dollars. Lors de cette cérémonie présidée par le Roi Mohammed VI, un Mémorandum relatif à la coopération pour le vaccin anti-Covid19 a été signé entre l'Etat marocain et le Groupe Pharmaceutique National de Chine (SINOPHARM), signé par le Ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, et le Président du Groupe Sinopharm, Liu Jingzhen. Un Mémorandum d'accord concernant l'établissement de capacités de fabrication de vaccins au Royaume du Maroc entre l'Etat marocain et la société Recipharm, a été signé par le Ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'Administration, et Président du Conseil d'Administration du Fonds Mohammed VI pour l'Investissement, Mohamed Benchaâboun, le Président Directeur Général de la Société Recipharm, Marc Funk, et le représentant du consortium de banques marocaines, Othmane Benjelloun. Ainsi que le Contrat de mise à disposition de l'Etat marocain des installations de remplissage aseptiques de la Société de Thérapeutique Marocaine (Sothema) pour la fabrication du vaccin anti-Covid19 propriété de la société Sinopharm, signé entre l'Etat marocain et la société Sothema, signé par le Ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, et la Présidente Directrice Générale de la Sothema, Lamia Tazi. Il faut signaler que l'un des leviers majeurs de cette souveraineté, du moins cette indépendance est l'investissement dans la recherche et l'innovation. La crise du Covid-19 a démontré que la matière grise africaine était fortement présente dans les équipes de recherche d'un vaccin à travers le monde. L'investissement dans l'innovation et la recherche est un moyen important d'épanouissement et de mise à profit du capital humain marocain en faveur du développement des systèmes de santé du Maroc et des pays africains. Cette annonce intervient après que l'Afrique du Sud ait annoncé le lancement de la première plate-forme de production de vaccins à ARN messager contre le Covid-19. Le projet est porté par un consortium sud-africain composé d'un développeur en biotechnologie, la firme Biovac, d'un fabricant, Afrigen Biologics and Vaccines, et d'un réseau d'universités pour l'apport scientifique, avec le soutien technique des centres africains de contrôle des maladies. L'IFC, l'institution française de développement Proparco, DEG – l'institution allemande de financement du développement, et la Société de financement du développement international (DFC) des Etats-Unis ont également conclu un accord conjoint de financement de 600 millions d'euros en faveur d'Aspen Pharmacare Holdings Limited, un groupe pharmaceutique sud-africain, pour la production de vaccins anti-Covid.