Projet enthousiasmant pour certains, source d'inquiétudes pour plusieurs, la loi autorisant la culture légal du cannabis au Maroc à des fins thérapeutiques et médicales a fait couler beaucoup d'encre. Alors qu'en réalité, le Maroc s'est juste conformé à l'évolution de la situation internationale, surtout après la recommandation de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de reclasser le cannabis et son déclassement par la Commission des stupéfiants des Nations unies (CND) dans l'annexe IV de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, telle que modifiée par le Protocole de 1972. Le cannabis a une longue histoire en tant que plante médicinale, remontant probablement à plus de deux millénaires [1]Il était disponible en tant que médicament autorisé aux Etats-Unis pendant environ un siècle avant que l'American Medical Association ne le retire de la 12eme édition de la pharmacopée américaine (IOM, 1999). Les deux principales sous-espèces de cannabis sont Cannabis sativa et Cannabis indica. Elles contiennent environ 60 composés actifs différents appelés cannabinoïdes. Le cannabinoïde le plus abondant est le delta 9-tetrahydrocannabinoid (D9 THC) qui est la principale substance ayant un effet psychotrope. Le cannabis à de nombreuses vertus thérapeutiques, notamment : 1. Dans le domaine de l'oncologie : Les dérivés du cannabis sont indiqués dans le traitement des nausées induites par les chimiothérapies anticancéreuses, Ces symptômes souvent associés à une anxiété et une dépression et, dans certains cas extrêmes, peuvent aboutir à une mauvaise compliance au traitement, voire son arrêt. Les récepteurs des cannabinoides CB1 sont présents dans toutes les régions du cerveau, y compris le noyau dorsal du vague impliqué dans le contrôle du vomissement. Pourtant, l'American Society of Clinical Oncology et l'European Society of Clinical Oncology recommandent de ne pas utiliser les cannabinoïdes en première ligne thérapeutique et de les réserver aux patients réfractaires à tous les autres traitements.[2] 1. Dans le domaine de la neurologie : Grâce aux propriétés relaxantes et antispasmodiques musculaires des cannabinoides, certaines composantes sont recommandées dans les traitements des maladies neurologiques dont les symptômes sont dominés par une hypertonie musculaire comme par exemple la sclérose en plaques (SEP). D'ailleurs, il existe un médicament disposant officiellement d'une autorisation de mise sur le marché en Europe pour la sclérose en plaque, sous forme d'un spray buccal. Ce médicament contient deux ingrédients, le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD) qui sont des extraits de la plante Cannabis sativa (chanvre). Aussi, les effets analgésiques du cannabis offrent un intérêt thérapeutique supplémentaire dans certaines maladies, comme la maladie de Parkinson[3], en réduisant le degré de la dystonie musculaire, de la dyskinésie ou des tremblements. D'autres maladies neurologiques peuvent également être atténuées par l'utilisation de ces produits, par exemple l'épilepsie, la borréliose, la maladie de Friedreich, la syringo-myélie, la paralysie spastique d'origine spinale, la sclérose latérale amyotrophique, l'apoplexie et dans le traitement de la douleur et de la migraine réfractaire.[4] 1. Dans le domaine de la pathologie digestive : Le tractus intestinal dispose d'un système endocannabinoïde, représenté par les récepteurs cannabinoides CB1 naturellement présents dans le tube digestif, ce qui explique l'effet des extraits du cannabis dans certains dysfonctionnements digestifs secondaires aux problèmes de la motricité du tube digestifs, notamment, le syndrome de l'intestin irritable à diarrhée prédominante. Aussi, le dronabinol est efficace dans les problèmes de l'hypersensibilité viscérale secondaire à la distension.[5] Certaines études ont évoqué que les préparations à base de cannabis ont un effet anti-inflammatoire, ce qui explique son indication dans les Maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (crohn/RCH), mais leur utilisation est limitée à cause des effets psychotropes. Dans de nombreux états nord-américains, une simple ordonnance du médecin permet d'acheter différentes variétés de cannabis, bien que l'expérience américaine soit plutôt rassurante sur l'impact de cette libéralisation. Le cannabis reste une substance complexe, toxique et dangereuse. Une consommation non encadrée médicalement peut entraîner d'importants risques pour la santé. Les effets thérapeutiques ne sont pas aléatoires, l'introduction doit répondre à des normes et des règles strictes, puisque les effets thérapeutiques dépendent de plusieurs paramètres, notamment, la dose consommée, la concentration des différents agents actifs, le mode d'administration, le rythme d'administration, et bien sur la nature de la maladie. Dr Rajae GHANIMI Médecin spécialiste en médecine du travail Présidente fondatrice de l'association Hippocrate DS Ecrivaine et chercheuse, auteur de plusieurs de plusieurs articles et livres. 1] Russo EB, Guy GW, Robson PJ. Cannabis, pain, and sleep: Lessons from therapeutic clinical trials of Sativex, a cannabis-based medicine. Chemistry & Biodiversity. 2007;4(8):1729–1743 [2] Smith LA, Azariah F, Lavender VTC, Stoner NS, Bettiol S. Cannabinoids for nausea and vomiting in adults with cancer receiving chemotherapy. Cochrane Database Syst Rev. 2015;(11):CD009464 [3] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969996119303213?via%3Dihub [4] https://www.grecc.org/publications/dossiers-scientifiques/le-cannabis-en-medecine-neurologie-et-psychiatrie-revue-de-la-litterature/ [5] Wong BS, Camilleri M, Busciglio I, Carlson P, Szarka LA, Burton D, et al. Pharmacogenetic trial of a cannabinoid agonist shows reduced fasting colonic motility in patients with nonconstipated irritable bowel syndrome. Gastroenterology. 2011;141:1638-1647.e1-7