L'économie circulaire est-elle compatible avec compétitivité ? Investir dans une transformation vers un modèle durale est-ce opportun ? Le cas OCP est intéressant à plus d'un titre. L'économie circulaire doit quelque part puiser son essence de la citation attribuée à Antoine Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme », dans le sens où les ressources ne se régénérant pas indéfinement, il fallait optimiser leur usage tout en réduisant les déchets et par la même l'impact sur l'environnement. Particulièrement lorsqu'il s'agit de modes de production. Dit comme ça, cela paraît simple, mais c'est beaucoup plus compliqué que ça en a l'air. Si pour certains, il est inéluctable de s'inscrire dans une telle démarche face à l'amenuisement, la cherté des ressources d'un côté, et l'empreinte d'une production intensive sur l'environnement de l'autre ; d'autres entrepreneurs jugent la démarche trop couteuse pour ce qu'elle vaut et se traduira inéluctablement par une perte de compétitivité. On ne peut effectivement pas occulter qu'entre les vœux pieux et une véritable transformation, il existe un immense gap « financier », des ressources dont tout le monde ne dispose pas du moins n'en mesure pas les retombées. On ne peut pas non plus occulter l'importance d'une réglementation favorable au développement durable, le cas de certains pays ayant fait le choix de mettre leurs entreprises au pas d'une réglementation contraignante mais avec à la clé des mesures en faveur de cette transformation vers un modèle de production plus durable et plus respectueux de l'environnement. Des pans industriels sont concernés pour ne citer que le cas de industrie automobile en Europe qui se met graduellement en phase avec les normes écologique strictes. Des normes qui induisent un changement des modes de production tiré par le changement des modes de consommation. Au Maroc, c'est une démarche volontariste pour l'instant mais qui se dirige graduellement vers une plus grande conformité aux engagements internationaux du Royaume. Le pays ayant accueilli la COP22 et annoncé des objectifs ambitieux à horizon 2030 en termes de diversification des ressources énergétiques, s'est inscrit depuis des années dans une démarche volontariste déclinée par plusieurs mesures notamment la Stratégie de mise à niveau de l'environnement, la Charte nationale de l'environnement et du développement durable, la Stratégie nationale de protection de l'environnement et plus récemment la Stratégie nationale de développement durable. L'engagement du Maroc, notamment dans la réalisation des ODD (objectifs de développement durable) lui a permis de capter une importante partie de la finance climatique, il est troisième juste après l'Inde et le Brésil, avec environ 800 millions de dollars investis. Le cas OCP En l'absence d'une réglementation contraignante, la démarche de transition vers un business modèle durable est tributaire de la volonté et la prise de conscience du management de s'inscrire dans une telle transformation. Dès lors, concilier la démarche environnementale avec la compétitivité est l'une des premières interrogations qui se posent vu les investissements importants pour entamer un tel processus d'autant que le retour d'investissement s'inscrit dans la durée. Le webinaire organisé par le Groupe OCP le 5 juin, à l'occasion de la journée mondiale de l'environnement et qui a connu la participation d'experts nationaux et internationaux, a été l'occasion d'un cas concret de mise en place d'un écosystème d'économie circulaire : le cas OCP. Lors de ce webinaire, Hanane Mourchid, Senior vice president, Sustainability plateform du Groupe OCP, a dévoilé quelques axes de la stratégie du groupe pour mettre en place un cercle vertueux. « La question environnementale a été au cœur de priorité d'OCP Group qui lui a consenti des investissements voire procédé au changement de son business model pour y répondre. A titre d'exemple en six ans son empreinte Carbonne n'a évolué que de 17% alors que la production d'engrais à triplé passant de 4 millions à 12 millions », explique-t-elle. Et d'ajouter, « Aujourd'hui, l'énergie propre représente 86% de l'énergie consommée essentiellement grâce à la cogénération et l'éolien qui couvre trois mines sur quatre. Le programme d'économie circulaire ambitionne d'atteindre 100 % d'énergie électrique propre à horizon 2030 ». Le groupe s'intéresse également à l'énergie solaire dans la diversification des sources d'énergie propre. La ressource hydrique primordiale pour la production, fait l'objet d'un programme eau, partie intégrante de la démarche du groupe de construite un écosystème d'économie circulaire. Dans ce sens, Hanane Mourchid rappelle que l'OCP, sensible à la question climatique et aux mesures d'adaptation aux changements qu'elle induit, se fixe pour objectif d'atteindre 100 % d'utilisation d'eau non conventionnelle en 2030. Il s'agit d'une ressource extraite du traitement des eaux usées et du dessalement de l'eau. A ce jour, le groupe OCP dispose de trois unités de traitement d'eaux usées à Youssoufia, Benguérir et Khouribga et des unités de dessalement d'eau à Khouribga et Laayoune. D'autres unités sont en projet pour justement porter la part des eaux non conventionnelles de 30% aujourd'hui à 100% à horizon 2030. Le programme s'inscrit dans une démarche intégrée qui concerne tous les maillons de la chaine y compris le transport porté par le Slurry Pipeline qui tourne actuellement à 50% de capacité. En plus de transporter les phosphates sur 187 km depuis le site minier de Khouribga jusqu'à la plateforme de transformation de Jorf Lasfar, le pipeline a permis une réduction de 300.000 T de CO2 par an liée au transport ferroviaire mais également une économie de 1,5 millions de m3 d'eau récupérée après le lavage des phosphate et recyclée. A pleine capacité, le pipeline permettra une réduction d'un million de tonnes de CO2 émis et une économie d'eau de 3 millions de m3 par ans. L'économie en coût est également considérable. Entre autres exemples de projets qui s'inscrivent en droite ligne avec la démarche de développement durable et environnementale, il y a lieu de citer le recours à la molécule verte pour améliorer le scop3. Les recherches se poursuivent pour remplacer l'ammoniaque fossile. Il faut rappeler que le groupe a une responsabilité mondiale de préservation de la ressource et les enjeux qu'elle représente notamment dans les domaines agricoles et de sécurité alimentaire. Et c'est l'essence même du Phosphate stewardship. Aussi, le chantier d'économie circulaire prévoit-il tout un volet dédié à la réhabilitation des sols soit pour les préparer à une utilisation agricole soit pour le reboisement. OCP a assuré la plantation de 3900 Ha de terrains déjà exploités et 1850 ha de terrains adjacents aux terrains miniers.