La présence des produits marocains du terroir aux Salons internationaux notamment le SIAP participe activement à la croissance du secteur. El Mahdi Arrifi, Directeur Général de l'Agence pour le développement Agricole (ADA) nous livre en marge de la 57ème édition du SIAP les acquis mais également les défis à relever par ce secteur vital pour l'émergence d'une classe moyenne agricole. EcoActu.ma : Le Maroc prend part à la 57éme édition du Salon international de l'agriculture de Paris. Dans quelle mesure cette forte participation permet-elle de booster la pénétration des produits marocains du terroir dans le marché international notamment français ? El Mahdi Arrifi : Cette 8ème participation consécutive du Maroc au SIAP a été marquée par une forte présence à travers l'un des plus grands pavillons du pôle international d'environ 320m2. Nous participons avec 30 exposants qui représentent une soixantaine de coopératives et plus de 1.680 producteurs notamment des petits agriculteurs, des femmes rurales et des jeunes. Une présence également marquée par une panoplie de produits du terroir diversifiés, de qualité et surtout labéllisés IGP, AOP et terroir du Maroc. Notre objectif cette année est d'accompagner les coopératives dans leur conquête des marchés internationaux notamment à travers les rencontres B to B que nous avons programmées avec des opérateurs français et européens. Des rencontres de négociation dans le but de décrocher des contrats d'export vers l'Europe. C'est également l'occasion pour les coopératives de découvrir les dernières évolutions techniques et technologiques dans le domaine des produits du terroir aussi bien sur le plan de la production, du packaging, de la présentation des produits... L'ADA est un acteur incontournable dans le renforcement du processus de transformation des produits du terroir notamment à travers cette opération de marketing et de mise en vitrine desdits produits. Comment comptez-vous tirer vers le haut cet écosystème des coopératives ? C'est le travail que l'ADA mène avec les coopératives opérant dans le secteur des produits du terroir. Le but étant de mettre, d'abord, à niveau ces coopératives à travers des programmes au niveau de l'ADA mais aussi du ministère. A noter que ces programmes de formation relatives aux techniques de production, de la qualité, de la sécurité sanitaire, de mise à niveau de l'outil de production..., ont bénéficié jusqu'à aujourd'hui à plus de 700 coopératives. Il s'agit de renforcer l'un des maillons les plus critiques et essentiels pour l'évolution des coopératives à un niveau supérieur en matière de production et de qualité des produits. Il y a également un accompagnement sur le plan commercial qui représente l'une des principales missions de l'ADA dans le secteur des produits du terroir. Cet accompagnement se décline sur le packaging des produits mais aussi d'accès aux différents marchés aussi bien nationaux qu'internationaux. Sur ce dernier volet, je tiens à préciser que les résultats des dernières années sont très satisfaisants avec plus de 500 coopératives qui commercialisent déjà leurs produits directement au niveau de toutes les enseignes de la grande et moyenne surface de distribution (GMS) au Maroc avec des linéaires et des espaces dédiés aux produits du terroir des coopératives. Indicateurs à l'appui, le chiffre d'affaires réalisé en 2019 a plus que doublé. Ce qui prouve que les produits du terroir sont plus accessibles pour le consommateur marocain notamment au niveau des supermarchés, des hypermarchés ainsi que des marchés solidaires notamment celui de Casablanca. Ces produits sont également commercialisés dans des Salons notamment le SIAM de Meknès qui est un rendez-vous incontournable pour les coopératives GIE. Rappelons que durant le SIAM, les coopératives réalisent un chiffre d'affaires d'entre 15 et 16 MDH annuellement. Sans oublier, les Salons régionaux qui représentent des espaces importants pour la commercialisation. Sur le plan international, à travers la participation aux différents Salons notamment de Paris, de Berlin (la semaine verte de Berlin), d'Abou Dabi (ciblant le marché du Moyen-Orient), l'ADA vise à hisser le niveau de production, de qualité et d'accès aux marchés de ces coopératives afin d'améliorer le revenu de leur famille et de leur communauté. C'est d'ailleurs le premier pas vers la création de la mise en place d'une classe moyenne agricole comme prévu dans la nouvelle stratégie « Génération green 2020-2030 ». Avec le lancement par SM le Roi de cette nouvelle Stratégie, le Maroc s'apprête à franchir un nouveau pas dans le développement du secteur agricole. Quelle place occupera le produit du terroir dans cette deuxième phase du Plan Maroc vert ? Une place très importante notamment dans le fondement numéro 1 de la nouvelle stratégie. Ledit fondement porte sur la priorité à accorder à l'élément humain à travers 4 axes : l'émergence d'une classe moyenne agricole, la mise en place d'une nouvelle génération d'entrepreneurs agricoles au niveau du monde rural notamment les jeunes, de nouvelle génération de fonds d'organisation agricole à travers notamment de nouvelles générations de coopératives, l'agrégation agricole des interprofessions. Le dernier axe concerne une nouvelle génération d'outils d'accompagnement notamment la digitalisation de l'accès aux services électroniques et le renforcement du Conseil agricole. Dans cette nouvelle orientation, le produit du terroir occupe une place de choix qui consiste à faire émerger une nouvelle génération de la classe moyenne et d'entrepreneur agricole. La présence de jeunes et de femmes au SIAP témoigne de cette nouvelle tendance et de la capacité de cette frange d'agriculteurs à mettre en place et de créer des coopératives très dynamiques au guet des évolutions techniques et technologiques. Des coopératives qui intègrent le marché structurel et moderne ce qui leur permet, in fine, d'améliorer leurs revenus et de faire partie de cette classe moyenne agricole. Je pense qu'aujourd'hui nous avons beaucoup de modèles très réussis dans le secteur des produits du terroir qui nous inspirent et à travers lesquels nous pourrons tirer des enseignements et faire émerger de jeunes entrepreneurs dans ce secteur. L'exode rural est un phénomène qui menace de plus en plus l'émergence de cette classe moyenne agricole. Pensez-vous que l'écosystème des produits du terroir mis en place permettra-t-il de séduire à nouveau les jeunes et les empêcher de quitter le monde rural ? Tout à fait. Il faut savoir que la dynamique d'investissement et de développement du Plan Maroc vert durant les 10 dernières années a eu comme impact la stabilisation de la population rurale. Entre 2008 et 2018, les statistiques montrent une stabilité de la population rurale marocaine de l'ordre de 13 millions d'habitants. Beaucoup de jeunes agriculteurs sont restés dans le milieu rural grâce à cette dynamique pour investir via des petites entreprises ou des coopératives. Mieux encore, nous assistions également à un exode dans l'autre sens (de la ville vers le rural) avec des personnes qui investissent de plus en plus dans l'agriculture. Je pense qu'aujourd'hui ces modèles des coopératives entrepreneuriales des produits du terroir et des coopératives de service agricole (agriculture tertiaire) séduisent de plus en plus les jeunes. D'autant plus, la nouvelle stratégie « génération green 2020-2030 » mettra en place des outils d'incitation de financements pour amener les jeunes à investir davantage dans ce domaine en créant leur propre entreprise. Aussi le nouveau programme intégré d'appui au financement lancé récemment par SM le Roi « Intilaka » notamment dans le milieu rural va créer une dynamique beaucoup plus importante d'investissement. Je pense que le secteur des produits du terroir est l'exemple édifiant de réussite de ce type d'entrepreneuriat et de coopérative qui créent de la richesse et permettent d'améliorer les revenus des jeunes et de leurs familles et, bien entendu, pouvoir accéder à la classe moyenne agricole.