Deux ans depuis son entrée en vigueur, la réforme des délais de paiement a suscité beaucoup d'espoir mais aussi quelque peu de scepticisme quant à sa portée réelle. Force est de constater que les efforts conjoints des différents intervenants ont commencé à porter des résultats probants. La rencontre organisée par la CGEM, en partenariat avec la TGR, la DGCL et la DEPP ce mardi 19 février sur les délais de paiement a été l'occasion pour les différents intervenants de dresser un bilan depuis l'entrée en vigueur de la réforme en janvier 2017. La réaction du président de la CGEM
L'un des premiers résultats bien évidemment est la réduction des délais de paiement de 88 jours en 2017 et de 19 jours en 2018 pour l'Etat (de 146 à 39 jours), de 84 jours en 2017 et de 14 jours en 2018 pour les collectivités territoriales (de 142 à 44 jours) et de 13,5 jours de 2017 à 2018 pour les établissements et entreprises publics (de 77,9 à 64,4 jours). Autre point dont se targue le ministre des Finances, Mohammed Benchaâboun est l'accélération des déblocages de dotations budgétaires et des actions d'apurement du Crédit TVA, ramené de 40 Mds de DH en 2017 à moins de 10 milliards de DH en 2018, avec une volonté d'un stock zéro de crédit TVA à fin 2019. Pour sa part, le Trésorier général du Royaume, Noureddine Bensouda souligne une importante réduction du délai moyen d'ordonnancement pour les marchés publics passant de 140 jours en 2016, à 53,6 jours en 2017 et 35,5 jours en 2018. Au niveau des comptables de la TGR, les performances en matière de visa et de règlement se sont améliorées passant de 6 jours en 2016 à 3,5 jours seulement en 2018. Mais le fait saillant qu'a tenu à soulever le Trésorier général du royaume est que la réforme, contrairement aux attentes, n'a pas impacté négativement les finances publiques par un accroissement conséquent du montant des intérêts moratoires. Seul bémol pour Noureddine Bensouda qui cite la drastique réduction du délai de certification du service fait à 2,56 jours en 2018 pour les marchés publics alors que le délai légal est de 30 jours, cache en réalité des pratiques qui ont déteint sur cette réforme. Il a été constaté que certaines administrations publiques ne voulaient pas accuser réception des factures au moment de leur dépôt pour éviter de faire courir ce délai de 30 jours, regrette Bensouda. Les mises en garde de Moulay Hafid Elalamy Le ministre a rappelé que si l'allongement des délais de paiement grève l'économie, ce sont les TPE qui trinquent avec des délais pouvant aller jusqu'à 232 jours contre une moyenne de 85 jours pour les PME. Si le ministre s'était mis l'Etat sur le dos lors du lancement du Plan d'accélération industrielle en avril 2014 en déclarant que l'exemplarité de l'Etat n'était pas au Rendez-vous, ce 19 février c'est le secteur privé qui a été mis devant sa responsabilité par le ministre qui a évoqué les délais de paiement infligés par des entreprises privées à d'autres entreprises privées. En plus des conséquences désastreuses pour l'économie, cet état de fait donne lieu à des pratiques dangereuses qu'il faut combattre notamment des factures gonflées en prévision du retard du délai de paiement. « Notre économie va de plus en plus mal à cause de ces pratiques », fustige le ministre qui a appelé le secteur privé à adopter l'attitude du public en matière de réduction des délais de paiements. Il a insisté sur le fait que ces délais allongés sont un réel frein à la vitalité du pays ! Le secteur privé a également été sollicité par le SG du ministère des Finances, Zouhair Chorfi, à aider l'Etat à réduire ces délais de paiement en s'inscrivant sur la plateforme Ajal : « Aidez-nous à vous aider », lance-t-il à l'assistance. Quid des collectivités locales ? Au niveau du ministère de l'Intérieur et depuis la réunion du 10 juillet 2018 tenue au ministère de l'Economie et des Finances autour de l'Observatoire des délais de paiement, des délais de paiement et portant également sur l'amélioration du climat des affaires, une circulaire a été envoyée aux Walis et Gouverneurs pour la constitution des comités préfectoraux composés des représentants régionaux de la TGR et des collectivités locales et de comités régionaux composés des représentants de la TGR, du CRI, de la CGEM et des chambres régionales du commerce, de l'industrie et des services. Une deuxième circulaire fixe la fréquence des réunions des comités à deux par mois. Le bilan de l'action menée des comités locaux de suivi des délais de paiement mis en place par le ministère de l'Intérieur et supervisée par un comité central composé par les représentants du ministère de l'Intérieur, du ministère de l'Economie et des Finances et de la CGEM a été présenté par Khalid Safir, le Wali Directeur général des collectivités locales. Dans ce sens il assure que l'ensemble des comités ont été constitués sur l'ensemble du territoire national, de même que le comité central a réceptionné plus de 210 PV de réunions tenues et qui ont permis de traiter 1.500 cas. En détails, plus de 75% des cas soumis à ces comités concernent les régions de Beni Mellal, Khénifra, Fès-Meknès et l'Oriental. Safir cite plus de 240 cas au niveau de la province de Berkane et 200 entre Azilal et Taza. Mais pour le haut responsable, la valeur ajoutée de ce travail réside également dans les recommandations émanant de l'analyse des données remontées. Particulièrement la formation des intervenants locaux sur les délais de paiement et surtout une série de mesures concernant le trésorier payeur, l'un des maillons fondamentaux dans cette chaîne de valeur. Il a rappelé que dès janvier 2019, les ministères des Finances et de l'Intérieur ont émis trois décisions communes relatives à l'inscription des intérêts moratoires dans la case des dépenses des collectivités locales, qui peuvent être réglés sans ordre préalable de paiement. Khalid Safir a d'ailleurs rappelé que l'événement tenu au siège de la TGR marque le lancement d'une campagne de sensibilisation à la question des délais de paiement et des mécanismes mis en place pour réduire ces délais. Le comité central se charge d'élaborer un rapport à adresser à l'Observatoire des délais de paiement. Lequel observatoire qui tiendra sa deuxième réunion la deuxième semaine de mars en vue d'adopter son règlement intérieur et son plan d'action 2019-2020. 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