Ecrit par la Rédaction | L'analyse des déterminants de l'inflation au Maroc durant la dernière décennie a fait l'objet d'un travail de recherche publié par Bank Al-Maghrib. Il faut rappeler que la crise sanitaire Covid-19 qui a touché la plupart des pays et plus récemment la guerre en Ukraine ont plongé le monde dans une inflation haussière. Plusieurs facteurs peuvent selon les analystes expliquer ce changement de trajectoire observé particulièrement à partir de fin 2021. De prime abord, dans la foulée de la crise sanitaire, les gouvernements ont dû augmenter leurs dépenses de santé, de soutien aux ménages vulnérables et aux travailleurs en chômage et d'aide aux entreprises qui se sont retrouvées à cause de la pandémie dans une situation d'arrêt total ou partiel de leurs activités. Partant de là, la politique monétaire a été exceptionnellement accommodante pour éviter un resserrement des conditions de crédit et soulager la trésorerie des entreprises. Ces politiques ont ainsi atténué les impacts économiques négatifs de la pandémie, mais elles ont également ravivé les pressions haussières sur les prix. « Deuxièmement, le développement rapide de vaccins a permis à de nombreux pays de lever progressivement les mesures restrictives à l'instar de la distanciation sociale, du couvre-feu et de la fermeture des frontières. Cet allègement a contribué aussi au soutien de la relance de l'activité économique, alors que les ménages étaient d'ores et déjà dans un processus de consommation de leurs épargnes et de libération de la demande retardée par la crise », expliquent les analystes. Troisièmement, les difficultés d'approvisionnement résultant des perturbations liées aux chaines de valeurs et au renchérissement des coûts de transport et d'emballage dans le sillage de la flambée des prix des matières premières notamment énergétiques et alimentaires, ont également contribué de manière significative à la hausse de l'inflation. Eu égard à ces tendances, les interrogations relatives aux différents déterminants de l'inflation n'ont cessé d'alimenter une vaste littérature qui a particulièrement évolué ces dernières années. « En effet, les travaux portant sur l'estimation de la courbe de Phillips accordaient un rôle primordial au PIB et aux anticipations de l'inflation et dans une moindre mesure aux facteurs externes (Forbes 2019). Ce n'est qu'après la détérioration des performances prédictives de ces modèles durant les années qui ont suivi la crise financière de 2007, qu'une nouvelle vague de travaux a émergé, mettant l'accent sur l'aplatissement de la courbe de Phillips », rappellent les analystes. Ces travaux suggèrent que les effets de la globalisation croissante des économies sur l'inflation dépassent dans certaines conditions l'influence des facteurs domestiques. Et pour cause : l'intégration commerciale à l'international de plus en plus des pays. Cette intégration se traduit d'une part par l'augmentation de la part des produits importés dans le panier de consommation des ménages, et de l'autre côté, de la forte dépendance des prix domestiques à l'évolution de la demande étrangère. Mieux encore, le développement des chaines de valeurs mondiales a favorisé une plus grande concurrence par les prix et une pression à la baisse sur les marges bénéficiaires des entreprises. En effet, il est désormais possible de s'approvisionner en produits finis de consommation à partir des fournisseurs les moins chers, ou bien, d'utiliser les chaînes d'approvisionnement mondiales pour déplacer la production là où elle peut être effectuée à moindres coûts. Les résultats des travaux empiriques confirment la prédominance du rôle des facteurs externes pour expliquer la dynamique de l'inflation particulièrement durant les dernières années. Nagy et Tengely (2018) ont souligné à partir de modèles estimés sur 5 pays émergents d'Europe de l'Est que l'inflation est principalement influencée par l'accélération de la globalisation et de l'intégration des pays dans les chaînes mondiales de production. Cette influence s'exerce ainsi à travers différents canaux qui sont l'ouverture commerciale, la concurrence accrue résultant de l'intégration économique, la division internationale du travail et l'apparition d'une nouvelle main-d'œuvre à bas coût dans les chaînes de production se traduisant directement une tendance à la baisse des prix. Aussi, Forbes (2019) a conclu à partir d'un échantillon de 43 pays avancées, émergents et en développement que les facteurs communs dont principalement les cours des matières premières, la croissance de l'économie mondiale, les taux de change et les chaînes de valeur mondiales sont les déterminants les plus importants de l'inflation. Sur le même registre, Ha et al. (2019) ont essayé à l'aide d'un modèle à facteurs dynamiques et sur un échantillon de 25 économies avancées et 74 pays émergents et en développement de décomposer l'inflation dans chaque pays en un facteur mondial partagé par tous les pays, un facteur partagé uniquement avec le même groupe de pays et un dernier facteur idiosyncratique ou propre au pays. Il ressort globalement qu'au fil du temps, les mouvements d'inflation sont devenus de plus en plus synchronisés à l'échelle internationale vu que depuis 2001 le facteur mondial commun représente environ 22% des variations des taux d'inflation. La synchronisation de l'inflation est également devenue plus large alors qu'elle était auparavant plus prononcée chez les économies avancées qu'au sein des économies émergentes et en développement. En outre, la synchronisation de l'inflation est devenue significative pour tous les produits depuis 2001, alors qu'elle concernait auparavant davantage les biens échangeables. 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