L'alimentation en eau des sites miniers et industriels et l'approvisionnement en ammoniac sont au centre du plan d'investissement de l'OCP qui a été présenté à Sa Majesté Le Roi le 3 décembre 2022. Ce plan d'investissement permettra d'accompagner la croissance future de l'OCP à l'horizon 2032 dans : * l'augmentation de son activité minière, * l'augmentation de son activité industrielle dans le secteur des engrais phosphatés, * l'extension de l'activité industrielle aux produits intermédiaires phosphatés pour batteries. Dépassant la simple volonté de décarboner, l'OCP a placé la future croissance dans une approche durable : * L'OCP libérera une partie des ressources hydriques du pays (irrigation et eau potable) en ne faisant plus appel qu'aux eaux non conventionnelles pour satisfaire ses besoins en eau industrielle. * Les eaux non conventionnelles mobilisées (dessalement d'eau de mer et traitement des eaux usées) seront elles-mêmes entièrement générées en utilisant des énergies renouvelables, ce qui permettra à l'OCP de baisser les coûts de son eau industrielle tout en contribuant à la transition énergétique par augmentation de la part des énergies renouvelables et donc, de baisser l'empreinte carbone des productions de l'OCP et de l'ensemble du pays. * Une grande part de l'ammoniac intervenant dans la fabrication de l'acide phosphorique et des différents engrais phosphatés ne sera plus importée mais produite localement, ce qui devrait localiser la valeur ajoutée de la production d'ammoniac, avec les emplois et l'impact favorable sur le PIB que cela suppose mais aussi contribuer à baisser les besoins en devises s'y rapportant. * L'ammoniac produit localement utilisera lui-même de « l'hydrogène vert », c'est-à-dire celui que l'on obtient par électrolyse de l'eau alimentée par des énergies renouvelables (ici, solaire et éolien), ce qui contribuera aussi à la transition énergétique en augmentant la part d'énergies renouvelables et donc, de baisser l'empreinte carbone des productions de l'OCP et de l'ensemble du pays. Il n'est pas encore certain que cette opération permettra à l'OCP de baisser les coûts moyens de son ammoniac car son prix a fortement varié ces dernières années, mais il est possible qu'un surcoût de l'ammoniac soit supportable puisqu'il n'est qu'un des coûts entrant dans la production d'engrais. Activité minière du groupe OCP au Maroc Comme montré sur la Figure 1, après avoir cessé de croître au début des années 80, l'extraction de phosphate a recommencé à croître au début des années 2000 avec un quasi-doublement en vingt ans (d'un peu plus de 20 à plus de 40 millions de tonnes). Après la franche réussite à la création de l'ANRT (1998-2002), Mostafa Terrab est arrivé à la tête de l'OCP en 2006 et l'a transformée en société anonyme en 2008, ce qui ne compte pas pour peu dans ses derniers succès, quoique ceux-ci ne soient pas l'objet spécifique de cet article. Figure 1 Image du métier de base de l'OCP : l'activité minière d'extraction de phosphates[1] Activité industrielle du groupe OCP au Maroc Encadré technique sur les produits dérivés du phosphate[2] : La roche de phosphate est le minerai de base des engrais dits « phosphatés ». Le concentré de phosphate attaqué à l'acide sulfurique (H2SO4) donne soit du superphosphate simple (SSP), soit de l'acide phosphorique (H3PO4). Ce dernier, mélangé à de l'ammoniac (NH3), donne du phosphate monoammonique (MAP) ou diammonique (DAP). Quant à l'engrais triple superphosphate (TSP), il peut être obtenu soit en concentrant l'acide phosphorique, soit en concentrant davantage le phosphate. L'ammoniac (NH3) s'avère un intrant incontournable pour la phase finale de la production d'engrais. La production d'ammoniac (NH3) fait elle-même appel à de l'hydrogène (H2) qui, aujourd'hui, est extrait du méthane (CH4) contenu dans le gaz naturel en émettant donc du gaz carbonique (CO2) qui est un gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement climatique. L'hydrogène qui servira à la production d'ammoniac, et que l'OCP importe aujourd'hui, sera « vert » (produit à partir d'énergies renouvelables) pour que l'ammoniac synthétisé puisse être qualifié de « vert ». Comme montré sur le graphique de gauche de la Figure 2, la production d'acide phosphorique, produit phare de l'activité industrielle du groupe, subit elle aussi une nouvelle phase de croissance depuis le début des années 2000 avec un peu plus du doublement en vingt ans (de 3 à 7 de millions de tonnes depuis 2002). L'extrapolation à 2027, qui n'engage pas l'OCP, indique une tendance à monter vers près de 13 millions de tonnes d'acide phosphorique en 2027. Figure 2 Images de l'activité industrielle de l'OCP : acide phosphorique produit1 (gauche) et imports d'ammoniac[3] (droite) Ainsi, pour produire cet acide phosphorique (H3PO4) et les engrais phosphatés (MAP, DAP et TSP) des années précédentes, il aura fallu importer des quantités d'ammoniac (NH3) indiquées par la courbe en bleu dans le graphique de droite de la Figure 2. Ces imports ont, bien sûr, eux aussi subi une augmentation (courbe bleue pour les masses et en courbe rouge pour les valeurs), mais de plus d'un facteur 4. Quant au prix unitaire de l'ammoniac, il a augmenté par grands paliers depuis 2010 (courbe en pointillés rouges du graphique de droite de la Figure 2). Puisque le groupe OCP est le premier importateur mondial d'ammoniac qui est un intrant incontournable pour la production d'engrais, une partie très importante du nouveau plan d'investissement de l'OCP se situera autour de Tarfaya qui verra la production d'ammoniac vert. Les engrais ne faisant pas appel aux énergies fossiles sont estampillés « engrais verts » et ont, pour l'instant, une meilleure cote sur le marché. Futurs investissements eau et énergie du groupe OCP au Maroc Les prévisions des capacités mises en service des usines de production d'eau non conventionnelles destinées à l'usage industriel de l'OCP sont montrées sur la Figure 3 qui montre que le total de ces productions d'eaux non conventionnelles atteindra 587 Mm3/an en 2032 sur l'ensemble des sites : traitement d'eaux usées (Khouribga) et unités côtières de dessalement d'eau de mer. Figure 3 Prévisionnel des capacités de production d'eau non-conventionnelle4 La Figure 4 montre l'évolution programmée et la répartition sur les différents sites : * des capacités de production d'électricité à base d'énergie solaire et éolienne (graphique de gauche), * des prévisions de leur production d'énergie électrique (graphique de droite). Figure 4 Prévisionnel des capacités renouvelables installées[4] (gauche) et leur production d'énergie électrique[5] (droite) Cette Figure 4 montre : * comment les capacités de production électrique pourront cumuler 5'000 MW en 2032 (graphique de gauche) en se répartissant sur un parc éolien (à l'Est de Tarfaya) et quatre fermes solaires (à l'Est de Tarfaya, à Benguerir, à Mzinda et à Khouribga), * comment la production d'électricité pourra atteindre 13'060 GWh en 2032 (graphique de droite) en se répartissant sur les mêmes sites. Même si ceci représentera sans doute un quart de l'électricité nette appelée au Maroc en 2032, celle-ci transitera par un « réseau interne » de l'OCP et les parts autoconsommées seront sans doute ignorées dans les comptes nationaux, comme l'énergie exploitant la chaleur industrielle qui, officiellement1, s'approchait déjà de 1'000 GWh en 1993, qui atteint sans doute 4'000 GWh en 2021 et dont on ne connaît que les excédents fournis au réseau. La Figure 5 montre le cumul des investissements pour la production d'eau (gauche) et d'électricité (droite). Figure 5 Prévisionnel des investissements nécessaires en production d'eau5 (gauche) et en énergie5 (droite) Cette Figure 5 montre : * sur le graphique de gauche, comment le total des productions d'eaux non conventionnelles nécessiterait un peu plus de 23 milliards de Dh en 2032 se répartissant sur les différents sites, * sur le graphique de droite, comment le total des capacités de production électrique nécessiterait un peu plus de 60 milliards de Dh en 2032 se répartissant sur les différents sites. Si le cumul approximatif de 83 milliards de Dh ci-dessus n'atteint pas les 130 milliards annoncés, c'est parce que l'analyse ci-dessus s'est limitée à la partie production du nexus eau – énergie sans prendre en compte : * Sur de près de 170 km : o un pipeline qui transportera de l'eau dessalée depuis Jorf Lasfar jusqu'à Khouribga, o une ligne de transmission électrique qui transportera de l'électricité renouvelable dans le sens contraire, depuis la future ferme solaire photovoltaïque de Khouribga vers la station de dessalement de Jorf Lasfar. * Sur de près de 130 km : o un pipeline qui transportera de l'eau dessalée depuis Safi jusqu'à Benguerir (5 Mm3 en 2022, puis 50 Mm3 en 2023 et 200 Mm3 en 2027), o une ligne de transmission électrique qui transportera de l'électricité renouvelable dans le sens contraire, depuis les futures fermes solaires photovoltaïques de Benguerir et Mzinda vers la station de dessalement de Safi. * A Jorf Lasfar : o une extension de la capacité de production d'engrais de 4 millions de tonnes supplémentaires, o une unité de chimie de spécialité synthétisant, à terme, 30'000 tonnes de produits intermédiaires pour des batteries élaborées à base de phosphate et lithium (LiFePO4). * Au Sud Ouest de Tarfaya, un Complexe industriel qui produira un million de tonnes d'ammoniac vert en 2027 et 3.2 millions de tonnes à l'horizon 2032 accoté à son usine d'électrolyse d'eau pour produire l'hydrogène vert. Par Amin BENNOUNA ( [email protected] ) [1] Haut Commissariat au Plan, « Annuaires Statistiques du Maroc« , Années 1986 à 2021, https://www.hcp.ma/downloads/?tag=Annuaires+statistiques+du+Maroc [2] Largement inspiré de Pierre Forestier, « Les principaux types d'engrais : aperçu de leurs process chimiques.« , Site Web WIKA, 11 Octobre 2021, https://blog.wika.fr/applications/principaux-types-d-engrais-apercu-de-leurs-process-chimiques/?doing_wp_cron=1670913070.0768458843231201171875 [3] Office des Changes, « Base de Données du Commerce Extérieur« , https://services.oc.gov.ma/DataBase/CommerceExterieur/ [4] Données reprises du diaporama présenté par le Groupe OCP à S.M. Le Roi [5] Détail des estimations réalisées par nos soins d'après le diaporama présenté par le Groupe OCP à S.M. Le Roi