La gestion de l'exploitation des carrières est parmi les dossiers brulants qui a fait couler beaucoup d'encre. Et pour cause, plusieurs dysfonctionnements entachent ce secteur souvent pointé du doigt pour être associé à une rente déguisée. Dans son dernier rapport (2019-2020), la cour des comptes s'est penchée sur la gestion et contrôle des carrières dans la région de Casablanca-Settat. Une mission thématique menée par la Cour des comptes en partenariat avec la Cour régionale des comptes de la région Casablanca-Settat (CRC-CS) qui a conclu que la mise en œuvre d'une gestion responsable, transparente et durable de l'exploitation des carrières, se heurte à plusieurs contraintes et insuffisances, dont notamment, le retard constaté dans l'établissement des schémas régionaux de gestion des carrières et l'insuffisance dans la conception des termes de références y afférents. A noter qu'au titre de l'année 2019, la région de Casablanca- Settat comptait près de 216 carrières en activité, avec une concentration géographique de l'ordre de 75% sur les provinces de Settat et Berrechid (53%) et la province de Benslimane (22%). Le rapport précise que la production estimée de l'ensemble des carrières de la région est d'environ 13 millions de m3 par an. Elle est composée essentiellement de granulats, de sable de concassage et de gravier sans triage (77%), d'argile (20%) et le reste est composé de marbre, de tout venant et de carbonate de calcium. Les recettes directes au titre de la taxe sur les produits de carrières extraits et recouvrées par les communes et la région ont atteint un montant de 46.537.385,13 DH en 2017 et 45.125.154,23 DH en 2018. « En plus de l'insuffisance constatée au niveau du processus d'accompagnement des exploitants de carrières étant donné que 11% seulement des carrières ont été intégrées dans le cadre de la loi 27.13 et son décret d'application, il a été noté l'absence de toute initiative visant la création de pôles d'investissement intégrés autour d'industries de transformation des produits extraits en prenant appui sur la géo-diversité du sol qui caractérise le territoire de chacun des provinces de la Région », révèle le rapport. Ainsi 35% des carrières exploitées ont une superficie de moins de 2,5 hectares et 72% ont des superficies exploitées de moins de 10 hectares. Ces caractéristiques des carrières exploitées constituent une importante contrainte au respect des conditions environnementales édictées par la loi 27.13 relative à l'exploitation des carrières, ces textes d'application, son cahier des charges et les études d'impact sur l'environnement, précisent les magistrats de la Cour. Ils ajoutent que cette situation est d'autant plus problématique sachant que 59% des exploitations en activité n'ont pas encore réalisé d'études d'impact sur l'environnement et n'ont pas encore l'acceptabilité environnementale correspondante. Aussi, la Cour des comptes a relevé plusieurs autres insuffisances notamment celles relatives aux conditions techniques d'exploitation des carrières. « Cette situation est due principalement à la non fixation par la réglementation en vigueur des dimensions maximales des pentes et des gradins pour les carrières à ciel ouvert. Il importe de souligner que l'article 22 de la loi 27.13 précitée renvoie la fixation desdites conditions à un autre texte réglementaire qui n'a pas encore été publié», lit-on dans le rapport. Quid des carrières abandonnées ? Plusieurs carrières sont abandonnées au niveau de plusieurs communes de la région de Casablanca-Settat. A ce propos, la Cour a relevé l'absence d'une vision globale et intégrée à propos de leur réaménagement et réhabilitation. Au sujet de la mise en place d'un processus cohérent, clair et transparent pour le contrôle de l'exploitation des carrières, depuis la phase d'ouverture à la phase de réhabilitation, la loi 27.13 a consacré quatre chapitres en vue d'améliorer l'encadrement de ce processus par l'administration, la constatation des infractions et les mesures administratives relatives aux amendes y afférentes. « Cependant, la non opérationnalisation de la police des carrières, la grande divergence des approches de contrôle adoptées par les commissions provinciales/préfectorales et l'absence de plans précis de contrôle semestriels ; n'ont pas permis d'atteindre les objectifs sus mentionnés. Par ailleurs, la majorité des exploitants de carrières n'ont toujours pas doté leurs exploitations de moyens et équipements permettant à l'administration d'assurer le suivi à distance de l'exploitation et de construire une base de données électronique sur les quantités extraites », lit-on dans le rapport. Il ressort que les infractions sont récurrentes dans le temps, et que des infractions constatées depuis les années 2017 et 2018, perdurent encore. Pourtant, la réglementation en vigueur notamment la loi organique n°113.14 relative aux communes et la loi n°47.06 relative à la fiscalité des collectivités locales, ont accordé une grande importance au rôle des communes dans l'appui au contrôle des exploitations de carrières et dans la vérification de la sincérité des déclarations des quantités extraites, constituant la base de calcul de la taxe sur l'extraction des produits de carrières. Les recommandations de la Cour des comptes Suite à cette mission les magistrats de la Cour ont émis plusieurs recommandations afin d'améliorer les modes de fonctionnement au sein de ce secteur à travers la mise en œuvre d'une gestion responsable, transparente et durable des ressources naturelles. Parmi ces recommandations, la mise en œuvre des dispositions légales et réglementaires relatives à la gestion des carrières et ce, à plusieurs niveaux. Au plan de la gouvernance, la Cour a recommandé d'accélérer le processus d'adoption des SRGC et de préciser les termes de références y afférents prenant en compte l'ensemble des aspects environnementaux, économiques et ceux relatifs à l'aménagement du territoire. Elle a recommandé aussi d'œuvrer en vue du respect des délais fixés pour l'octroi du récépissé de déclaration d'exploitation aux investisseurs dans le secteur et de les accompagner sur le plan technique à travers la mise en place d'un système d'information intégré permettant la gestion des différentes phases depuis l'ouverture, à l'exploitation jusqu'au réaménagement desdites carrières. Concernant le contrôle, la Cour a recommandé l'adoption et l'installation d'équipements de contrôle à distance et l'activation de la police des carrières à travers la mise en demeure des exploitants auteurs d'infractions à la réglementation et la notification des infractions au parquet compétent. Elle a recommandé également la coordination des actions des commissions provinciales/préfectorales des carrières, des DPETLE et les collectivités territoriales concernées par le recouvrement de la taxe sur les produits des carrières et l'élaboration d'une vision globale en vue de remédier à la problématique posée par les carrières abandonnées.