Dans la pratique, depuis l'entrée en vigueur du code des juridictions financières, les demandes des autorités externes de saisine des juridictions financières restent limitées. Ainsi, mis à part, les déférés ministériels qui, au total, n'ont pas dépassé 4%, aucun déféré n'a été formulé par les autres autorités externes habilitées à cet effet en vertu de l'article 57 du code des juridictions financières. Le rapport des activités de la Cour et des Cours régionales des comptes au titre des années 2019 et 2020 révèle que les juridictions financières ont prononcé 287 arrêts et jugements, de condamnation à amende d'un montant global de 5.228.700,00 DH, au titre des années 2019 et 2020. Ces arrêts ont comporté, également, dans certains cas, des condamnations pécuniaires consistant à rembourser un montant de 1.338.237,05 DH couvrant les pertes subies par les organismes concernés du fait des irrégularités établies. Il ressort du bilan statistique relatif à l'exercice de cette compétence, que l'ensemble des déférés, durant les années 2019 et 2020, étaient initiés par le premier Président de la Cour des comptes, en vertu du pouvoir d'enquête préliminaire que lui confère l'article 12 du code des juridictions financières. Cette saisine d'ordre interne était effectuée sur la base des rapports d'inspections reçus par la Cour, ainsi que sur le fondement des rapports provenant des formations des chambres à l'occasion des délibérés en matière du jugement des comptes, en application de l'article 37 du code des juridictions financières, et en matière du contrôle de la gestion conformément aux dispositions de l'article 84 du même code. La prédominance des saisines internes en matière de DBF montre l'importance de l'approche du contrôle intégré qui traduit la consécration de la complémentarité entre les missions juridictionnelles et non juridictionnelles des juridictions financières. Dans la pratique, depuis l'entrée en vigueur du code des juridictions financières, les demandes des autorités externes de saisine des juridictions financières restent limitées. Ainsi, mis à part, les déférés ministériels qui, au total, n'ont pas dépassé 4%, aucun déféré n'a été formulé par les autres autorités externes habilitées à cet effet en vertu de l'article 57 du code des juridictions financières. De même, au niveau des Cours régionales des comptes, les déférés adressés aux procureurs du Roi près ces Cours proviennent essentiellement, soit des Présidents des Cours régionales à la demande des formations délibérantes en matière de vérification et de jugement des comptes ou du contrôle de la gestion, avec un taux de 68%, soit du ministre de l'Intérieur sur la base des rapports de l'inspection générale de l'administration territoriale, avec un taux de 32%. S'agissant des infractions répréhensibles en matière de DBF, la très grande majorité des faits et griefs, objet des affaires en cours ou jugées, au titre des années 2019 et 2020, correspondent à des irrégularités liées à la méconnaissance de la réglementation des marchés publics ainsi qu'au non-respect des règles d'exécution des recettes et des dépenses publiques. Il s'agit notamment des règles relatives à l'établissement et au recouvrement des taxes communales, du recours aux marchés de régularisation (la réception de travaux ou services avant le visa des marchés), de la non application des pénalités de retard, de la modification des spécifications techniques en cours d'exécution en méconnaissance des procédures légales ainsi que de la fausse certification de la réception des travaux ou prestations. Dans cette même perspective, il a été constaté une hausse tendancielle des infractions liées à la gestion du patrimoine et à la procuration d'avantages injustifiés qui découle logiquement de l'accroissement du nombre d'affaires relatives à la gestion des établissements et entreprises publiques ainsi qu'à l'exécution des contrats de la gestion déléguée. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que les arrêts et jugements rendus par les juridictions financières ont donné lieu à une série de règles et principes, afin d'attirer l'attention sur les dysfonctionnements et les contraintes qui pèsent sur la gestion publique et d'y apporter les remèdes requis, et de contribuer, ainsi, à instaurer des règles de bonne gestion et de bonne gouvernance des organismes publics. Concrètement, et indépendamment de l'évolution du principe de légalité de l'infraction en matière de DBF qui couvre non seulement les dispositions législatives et réglementaires, mais également les bonnes pratiques de gestion, les règles et principes tirés des arrêts et jugements des juridictions financières se sont attachés aux différents aspects de la gestion financière publique, particulièrement : les risques liées aux commandes publiques de régularisation, les obligations professionnelles et fonctionnelles du maitre d'ouvrage, les conditions et les exigences de l'opération de réception des prestations (comme les obligations des membres des commissions dédiées à cet effet), la responsabilité de l'ordonnateur en matière de certification du service fait, et le pouvoir discrétionnaire du maitre d'ouvrage quant à l'application des mesures coercitives pour amener le titulaire du marché à honorer ses engagements. Toutefois, l'expérience des juridictions financières montre que d'un côté, la quasi- totalité des infractions qui dominent l'activité de ces juridictions en matière du contentieux répressif-DBF sont de nature formelle (non respect de règle juridique en dehors de tout préjudice), et d'un autre côté ce dispositif souffre de son inefficacité qui tient à la modestie des montants des amendes et du nombre réduit des condamnations à remboursement. Cette situation nécessite d'adapter la fonction répressive des juridictions financières aux exigences de la nouvelle gestion publique qui tend à substituer une logique budgétaire axée sur les résultats à une logique budgétaire basée sur les moyens. Cette nouvelle approche rend nécessaire l'adoption d'une politique répressive efficace qui privilégie un certain équilibre dans le traitement des différentes infractions. Ainsi, et au-delà des infractions matérielles qui répriment les règles formelles qui encadrent la gestion financière publique, la sanction financière doit, en outre, mettre l'accent sur les causes organisationnelles et structurelles de ces infractions ainsi que sur les résultats et les pertes qui en découlent. A cet effet, et afin que la sanction financière ait une portée globalisante et un effet équitable, elle doit s'orienter davantage vers l'appréhension des infractions à hauts risques, comme celles causant préjudice ou procurant avantages injustifiés, ou celles liées à la mauvaise gestion des deniers ou projets publics, ou encore celle emportant un impact négatif sur les usagers, les équipements et les investissements publics. Concernant la vérification et le jugement des comptes, il s'agit d'une compétence juridictionnelle commandée par le principe de l'exclusivité de l'exercice des fonctions du comptable public (patent ou de fait) en matière de maniement des fonds publics à travers la mise en œuvre de sa responsabilité pécuniaire et personnelle. Dans le cadre de cette compétence, le juge des comptes, par l'effet de la loi, met d'office en mouvement l'instance, et prononce, par conséquent à l'égard des comptables publics soit un débet, soit un quitus soit une mise en avance. Le nombre de comptes jugés par les juridictions financières, au cours des années 2019 et 2020, s'établit à 7.659 comptes ayant fait l'objet de 1.625 observations. De même, au titre de la même période, la Cour des comptes et les CRC, ont prononcé 438 arrêts et jugements de débets pour des montants respectifs de 7 049 254,91 DH et 22 480 240,76 DH. Par ailleurs, l'exercice des attributions en matière de vérification et jugement des comptes a permis de constater que les manquements ayant suscité les débets prononcés, au titre des années 2019 et 2020, concernent l'absence de diligences relatives au recouvrement des recettes conformément à la loi n° 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques. Du côté des dépenses, la majorité des manquements, à l'origine des débets concernent le défaut de contrôle de l'exactitude des opérations de liquidation. Encore faut-il ajouter que les décisions des juridictions financières ont affirmé la tendance constante de ces juridictions à consacrer certains principes et règles fondant les manquements sanctionnables ainsi que les conditions de mise en œuvre de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public, notamment le caractère objectif de cette responsabilité. Toutefois, bien que la compétence des juridictions financières en matière de jugement des comptes occupe une place importante dans l'activité de ces juridictions et constitue une condition sine qua non à la mise en œuvre du contrôle intégré, il n'en demeure pas moins que le cadre juridique la régissant requiert, à son tour, certaines adaptations afin de tenir compte des nouvelles mutations de la gestion publique tournée actuellement vers les résultats. En effet, outre les insuffisances qui concernent les modalités de présentation des comptes, qui se réfèrent toujours aux circulaires émises dans le cadre de la loi n°12-79 abrogée et qui appellent certaines améliorations pour qu'elles soient en phase avec les réformes ayant affecté la gestion publique, les manquements mettant en jeu la responsabilité des comptables publics ne renvoient pas à d'autres irrégularités sources de préjudice direct, telles que le déficit de caisse ou le manquant en valeur, l'inexactitude dans les reports annuels des soldes de clôture ainsi que le paiement des intérêts moratoires au titre de marchés publics. De même, il importe de préciser que la portée du pouvoir d'appréciation du juge des comptes demeure limitée en raison du caractère objectif du jugement des comptes et la présomption de la faute du comptable. En effet, le juge ne peut fonder sa décision que sur les éléments matériels du compte, à l'exclusion de toute appréciation du comportement du comptable et des circonstances qui entourent les manquements relevés. Ce qui pose les limites à l'intervention du juge quant à la proportionnalité entre l'infraction commise et le montant du débet prononcé. Ceci soulève, également, la problématique de l'autorité de la chose jugée au regard des pouvoirs reconnus au ministre des finances concernant les procédures de décharge de responsabilité ou de remise gracieuse. De surcroit, l'exercice de cette compétence souffre de la complexité et de la lenteur de sa procédure qui se distingue par son caractère écrit et contradictoire. En ce sens, les juridictions financières rendent leurs décisions en deux temps, d'abord à titre provisoire, ensuite à titre définitif (article 37). Cette règle de double arrêt parait beaucoup plus contraignante en matière de gestion de fait, ce qui explique le nombre réduit de cas déclarés à ce jour (07 cas) et ce, malgré son rôle important dans la protection des fonds publics. De même cette procédure ne garantit pas l'égalité des parties à l'instance dans la mesure où l'instruction et les séances d'auditions et d'audiences se tiennent hors la présence du comptable. Il y a lieu de signaler qu'en application de l'alinéa 4 de l'article 148 de la constitution, la Cour des comptes a procédé depuis 2015 à la publication de ses décisions juridictionnelles rendues en première instance ou en appel. Ainsi la Cour a publié son quatrième recueil en avril 2019 et son cinquième en mars 2021 concernant les arrêts rendus en premier ressort par la chambre de DBF ainsi que le troisième recueil des arrêts rendus par la chambre d'appel en mars 2021. Au-delà de la fonction de dissuasion générale recherchée par les juridictions financières en matière de responsabilité financière, ces dernières s'efforcent, au moyen de la publication de leurs décisions juridictionnelles et à travers des cas d'espèces, d'une part à préciser les spécificités et les fondements de la responsabilité financière en matière de jugement des comptes et en matière de discipline budgétaire et financière, en la nuançant par rapport à d'autres régimes de responsabilité, notamment la responsabilité pénale, et d'autre part, à instaurer des règles de bonne gestion dans le secteur public et à fournir une interprétation claire et uniforme de la réglementation qui régit ce secteur ; ce qui est de nature à promouvoir une culture de bonne gestion, à consolider les principes et les valeurs de bonne gouvernance et à consacrer le principe de la sécurité judiciaire. Au demeurant, étant donné que les faits susceptibles de poursuites devant les juridictions financières peuvent également être qualifiés de crimes financiers, l'article 111 du code des juridictions financières dispose que « les poursuites devant les juridictions financières ne font pas obstacle à l'exercice de l'action pénale ». Dans ce cadre, au cours des années 2019 et 2020, le Parquet général près la Cour des comptes a reçu 28 dossiers au sujet de faits susceptibles de justifier de sanctions pénales, dont vingt (20) dossiers ont émané des Procureurs du Roi près les Cours régionales des comptes conformément à l'article 162 du Code des Juridictions Financières. Après quoi, le Parquet Général près la Cour a saisi le Procureur Général du Roi près la Cour de Cassation, en sa qualité de Président du Ministère public, de 22 affaires en vue de prendre les mesures qu'il juge appropriées. Toutefois, au cours de la même période et à défaut de charges suffisantes à l'encontre des personnes justifiant l'initiation d'actions en justice, le Procureur Général du Roi près la Cour a pris six (06) décisions de non-lieu à poursuivre.