Ecrit par Imane Bouhrara | Les attentes des retombées de la Zlecaf sont importantes aussi bien pour le Maroc que pour le reste des pays africains. Mais au moment où les négociations entrent dans leur phase 4, un problème se pose avec acuité pour le Maroc, celui de la faible intégration économique régionale de l'UMA. Avec un AMRII de 0,39, la région est loin du Traité d'Abuja et de ceux de l'Agenda 2063 et de ceux des traités des Communautés économiques régionales (CER). Le 1er janvier 2022 marquera une année du lancement de la Zlecaf, qui amorce une intégration plus profonde du continent africain, de ses pays et économies au profit de la création d'un marché commun de 1,2 milliard de consommateurs et d'une communauté économique africaine. Fruit d'un processus de longue haleine, la zone de libre-échange a pourtant fait face à plusieurs défis qui s'érigent devant l'accomplissement des aspirations des pays africains. En effet, plusieurs points au menu des négociations sur la Zlecaf lancées depuis juin 2015 restent encore en suspens, notamment les règles d'origine et les offres tarifaires. Mais avant même cette étape, le Maroc, et la Zlecaf avec, se retrouve sanctionné par le faible taux d'intégration économique régionale aussi bien au sein de l'UMA qu'au sein de la CEN-SAD avec respectivement des scores de 0,39 et 0,44 de l'indice AMRII, explique Hicham Hafid, enseignant chercheur à l'Insti tut des études africaines. L'AMRII, (l'Indice multidimensionnel de l'intégration régionale africaine) a mis au point des seuils qui tiennent compte uniquement des objectifs du Traité d'Abuja et de ceux de l'Agenda 2063 et de ceux des traités des CER – qui complètent l'analyse comparative entre les scores et les seuils. Score des 8 CER reconnues par l'UA (CUA2020) Elaboré par la Commission de l'Union africaine (CUA) et les CER en collaboration avec les agences statistiques nationales et les banques centrales africaines, l'AMRII est composé de 8 dimensions et de 33 indicateurs. Ces huit dimensions sont les suivantes : la libre circulation des personnes, l'intégration sociale, l'intégration commerciale, l'intégration des infrastructures, l'intégration financière, l'intégration monétaire, l'intégration environnementale et l'intégration politique et institutionnelle. L'idée est que la réalisation des objectifs spécifiés dans ces programmes déclarés nécessite absolument l'implication des CER au niveau régional puisqu'elles ont été reconnues comme des piliers du processus d'intégration continentale. En d'autres termes, l'intégration continentale devrait ainsi être la somme des intégrations régionales. Les CER ont ainsi pour but de faciliter l'intégration économique régionale entre les membres de chacune des régions et au sein de la grande Communauté économique africaine (CEA), créée dans le cadre du Traité d'Abuja (1991). Parmi les huit CER reconnues par l'UA, l'UMA est à la traine pour ne pas dire à l'arrêt par rapport aux objectifs continentaux en matière d'intégration régionale. D'ailleurs aucun pays de l'UMA, notamment le Maroc, n'a encore ratifié l'accord de la ZLECAF. Avec une échelle de valeurs comprises entre 0 et 1, le processus global d'intégration au sein de l'UMA a une note de 0,39. Le seuil de 0,67 est le taux de progrès minimum qu'une CER devait atteindre en 2020 afin d'atteindre les objectifs fixés dans le Traité d'Abuja et l'Agenda 2063. Au sein de ce score, la performance de l'UMA en termes d'intégration des infrastructures est de 0,67, le niveau le plus élevé par rapport aux autres régions du continent ainsi que les nouvelles initiatives visant à harmoniser et à créer plusieurs projets d'infrastructures transfrontalières justifient pleinement ce score. En revanche, dans les domaines de la libre circulation des personnes ainsi que de l'intégration sociale, commerciale et financière, l'UMA est peu performante. Les faibles scores enregistrés par l'UMA, qui sont de 0,23 pour la libre circulation des personnes, 0,27 pour l'intégration sociale, 0,30 pour l'intégration commerciale et 0,35 pour l'intégration financière, sont dus au fait que dans ces dimensions, l'UMA reste au niveau de la réflexion et des consultations entre les Etats membres et guère plus. La CUA relève que parfois, des études techniques/de faisabilité sont réalisées par le Secrétariat pour la mise en œuvre d'instruments nécessaires et importants pour accélérer l'intégration, mais la difficulté de l'unanimité en empêche l'adoption, la ratification et la mise en œuvre. C'est dire la difficulté pour le Maroc de progresser dans des conditions pareilles. Pis, comment aboutir à une union douanière continentale, un des prérequis de la Zlecaf, dans une région en proie à des tensions politiques. Invité par la conférence « Maroc et Afrique », organisée par la Fondation Fqih Tetouani, Hicham Hafid rappelle que ce score constitue un argument de faiblesse dans les négociations de la Zlecaf dans sa phase 4. Le Maroc devra-t-il faire cavalier seul ou encore travailler également au sein de la CEN-SAD qui, elle a un score de 0,44 et qui avec 28 membres, a des Etats membres appartenant à d'autres CER ou à des organisations sous régionales qui ont fait des progrès notables et ayant des scores appréciables. Mais encore, les scores de l'UMA et la CEN-SAD ne sanctionnent pas le Maroc mais l'ensemble des pays africains, dans ce sens où pour répondre au critère de la Communauté économique africaine, les CER devraient obtenir une note moyenne de 0,67 sur une échelle de 0 à 1, mais jusqu'à présent, elles n'ont obtenu qu'une note de 0,56 (en 2020). Ce résultat est inférieur aux attentes prévues dans les chronogrammes établis sur la base des objectifs du Traité d'Abuja. Ce qui confirme que l'intégration régionale demeure un défi d'harmonisation des politiques commerciales et économiques et la mise en place des stratégies d'intégration à la fois dynamique et viable, en Afrique mais surtout dans notre région, pour renforcer le commerce intra-africain et assurer une meilleure insertion de l'Afrique dans le commerce mondial.