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Politique des prix : Les fournisseurs ne veulent pas des prix trop Bas
Publié dans Challenge le 01 - 09 - 2009

Les changements de prix sont décidés par les fournisseurs et discutés avec les
distributeurs. Ces derniers imposent des marges arrières pour s'assurer une meilleure profitabilité. Comment, quand et pourquoi les prix évoluent-ils ?
Pourquoi Marjane est moins cher que certaines autres enseignes ? Pourquoi l'épicier du coin est-il le plus cher ? Tout d'abord, nuançons. Pour faire des comparaisons, il est impératif de comparer le comparable. La taille de l'un n'a rien à avoir avec la taille de l'autre. Le premier est un hypermarché, de surcroît, il a la capacité de négocier de supers bons prix avec ses fournisseurs. Il joue sur le volume. L'épicier, lui, n'en fait pas autant. Avec de plus petites quantités, il subit la force de ses fournisseurs. Il ne pourra par contre négocier de meilleurs tarifs que lorsqu'il s'agira par exemple d'acheter des produits comme les biscuits ou le chocolat provenant du Nord. C'est sur de pareils produits qu'il aura la faculté de marger davantage que sur des produits provenant de grands fournisseurs. Chacun adopte ensuite sa politique des prix. A quelques exceptions près, il n'existe pas de très grands écarts entre le prix d'un même produit chez l'une ou l'autre des enseignes des grandes surfaces (Marjane, Acima, Label'Vie…) comme en témoigne notre enquête sur les prix (cf tableau page suivante). Les enseignes, qui cherchent à être le moins cher sur le marché, adoptent des prix qui leur permettent de dégager, en fonction des familles des produits, des marges variant entre 2 et 15 %. « La marge appliquée sur la farine (produit de première nécessité) est faible par rapport à la marge appliquée aux chips (achat impulsif) », explique t-on auprès de la filiale de l'ONA. En règle générale, plus la rotation du produit est élevée, et plus la marge unitaire est faible. C'est ce qui explique le niveau des marges des produits de première nécessité (huile, sucre, farine, lait, œufs…). Il ne dépasse pas les 3%. Par contre, les marges des produits d'hygiène (gel douche…) avoisinent quant à elles les 20 à 25%, celles des produits à forte valeur ajoutée (céréales, chocolats…) les 15 et 16%, les produits d'entretien (détergents) 5%...« Les plus gourmands dans les marges sont d'abord les supermarchés et les détaillants. Ils ont des charges de fonctionnement élevées. S'ils ne margent pas convenablement, ils sont hors circuit. Les deuxièmes dans le classement seraient les hypermarchés, suivis par les cash & carry et les «H'ri», les petits grossistes de proximité», constate un responsable d'un grand fournisseur de produits non alimentaires. Mais attention, ces niveaux de marges ne veulent pas dire que les enseignes ne se font pas plus d'argent. Il faut savoir que ces mêmes grandes surfaces imposent à leurs fournisseurs le paiement de certains services rendus. L'animatrice qui tend le plateau de charcuterie, une place des produits dans les catalogues, la mise sur listing pour être recommandé dans tous les magasins d'une même enseigne…
tous ces services se paient… par le fournisseur. Par exemple, en période de Ramadan, les fournisseurs se battent pour obtenir des têtes de gondoles dans les super et hyper marchés. Les prix de ces dernières peuvent doubler en cette période. « En temps normal, une tête de gondole peut être louée entre 3000 et 5000 dirhams durant 10 jours », fait constater un professionnel. Dans le jargon, on appelle tout cela « les marges arrières ».
Les enseignes « piquent » 10 % du CA à leurs fournisseurs
Cette rétribution de services n'est pas propre au Maroc. Elle se pratique même dans les pays développés. Elle n'est donc pas anormale. Pour contourner la contrainte de vendre des produits anormalement bas (en dessous d'un seuil plancher fixé par le fournisseur), les enseignes se rattrapent en faisant facturés les fournisseurs différents services. Ce sont des budgets formels inscrits dans la comptabilité et qui font l'objet de contrat en bonne et due forme entre les deux parties. « Ils sont énormes dans leur ensemble, ils peuvent dépasser les 10% en moyenne du chiffre d'affaires (CA) annuel, contre près de 31% en France», reconnaît ce responsable des achats. Un fournisseur de fruits secs avoue payer 12% de son CA aux enseignes qu'il livre. Il pense avoir négocier un bon taux parce qu'il connaît personnellement les patrons de ces enseignes depuis des années. Or, c'en est trop. « Certainement, sa taille ne lui aurait pas servi à négocier un meilleur taux », avance un responsable d'un supermarché. Faux, rétorque une autre source, sinon, pourquoi Savola par exemple, qui est quand même une assez grande structure, payerait-elle des sommes conséquentes en matière de marge arrière? Pourquoi Bimo, filiale de l'ONA, continuerait-il aussi à payer cette marge arrière à Marjane alors que d'autres filiales du même groupe, comme Lesieur ou Cosumar, ne les paient pas ?
« Cela remonte à bien longtemps. Bimo a toujours payé cette marge. Par contre, les responsables de Cosumar prétexteraient l'encadrement des prix du sucre pour ne pas payer ces marges », explique une source bien informée. Quoi qu'il en soit, ces marges arrières constituées permettent à l'enseigne d'assurer une meilleure profitabilité. Un fournisseur suggère l'intervention de l'Etat pour les juguler, notamment en ce qui concerne les produits de base. « Il pourrait décider, pourquoi pas, de les intégrer dans le prix final ». Une idée qui ne ferait sûrement pas son chemin en ces temps qui courent. Les prix en seraient impactés.
Hormis les huiles, les prix changent une fois par an
De manière plus globale, comment finalement les prix sont-ils fixés en supérettes, supermarchés, hypermarchés ou épiciers ? Les fournisseurs sont contraints par la loi de fixer des prix de base indicatifs aux enseignes, des remises étant toutefois tolérées. Théoriquement, ces prix doivent être alignés chez tous les distributeurs. En pratique, certains dépassements ont été enregistrés. D'ailleurs, l'une des filiales de l'ONA aurait intenté des procès contre des fournisseurs qui se seraient hasardés à pratiquer des prix moins chers chez la concurrence. «La fréquence de changement des prix dépend, elles, des fournisseurs eux-mêmes. Généralement, ils changent une fois par an sauf pour le cas des huiles où les prix ont augmenté une fois tous les deux mois depuis pratiquement deux ans (variation entre 1,5% et 2,5%)», souligne le patron d'un magasin. En ce qui concerne la farine de blé dur et les pâtes alimentaires, l'année 2008 a été exceptionnelle du fait du taux d'augmentation qui a dépassé les 40 %. Grosso modo, les prix chez les différents opérateurs ne sont pas trop éloignés les uns des autres. Par contre, c'est en période de promotion que la différence se fait le plus ressentir. Au début du mois de Ramadan, les enseignes ont choisi de faire baisser les prix d'une majorité de produits de 1, 2 voire 3 DH/produit. Les différences, nous pouvons les retrouver aussi à l'intérieur d'une même enseigne, mais dans des magasins différents. Chez Marjane par exemple, on nous explique que les prix d'achats sont les mêmes (sauf en cas de promotion) sinon en ce qui concerne les prix de vente, ils varient en fonction des zones de chalandise de chaque magasin (concurrence). En effet, selon nos informations, les prix à Marjane, « benchmarkés » sur les prix de Métro, seraient plutôt libéralisés, dans ce sens où ils sont différents d'un magasin à un autre, quelque soit la période de l'année (et non pas qu'en période de promotion). Ils sont relativement bas comparés aux prix de l'autre filiale de l'ONA, Acima, qui vient de fusionner avec Marjane. « Les prix d'Acima sont astreints par ceux de Marjane. Ils doivent être un tantinet plus cher s», explique cet expert. Dès lors où ces prix sont fixés, Label'Vie « benchmarkerait » à son tour ses prix avec ceux de Marjane et Acima, mais aucune de ces enseignes n'ira voir les prix de l'épicier du coin. Hanouty, par exemple, pourrait le faire puisqu'il se positionne entre l'épicier et le super marché. Ses prix à lui, Hanouty les a voulu identiques dans tous ses magasins. Ils prix sont plus intéressants que ceux de l'épicier étant donné qu'il négocie au nom d'un nombre important de clients. Il fait du volume, il peut donc espérer des ristournes convenables sur les produits. L'épicier, lui, ne
dispose pas des mêmes moyens. Généralement, il ne peut pas proposer des prix moins chers (à l'exception de ceux de contrebande) que les enseignes car il achète plus cher sa marchandise. De plus, et contrairement aux grandes enseignes, l'épicier ne dispose pas d'autres revenus que de sa marge directe (pas de marge arrière). Chacun doit trouver finalement son compte. Chacun essaie de faire sa loi… mais séparément. Les enseignes par exemple n'iraient pas jusqu'à sceller d'entente. Certains fournisseurs le pourraient par contre.
« Il y a toujours discussion entre les fournisseurs et les enseignes concernant les prix (en rayons ou en promotions). Les fournisseurs ne tiennent pas à ce que les prix dans la grande distribution soient trop bas pour ne pas déstabiliser l'équilibre sur le marché», conclut un professionnel. ◆
Marge arrière
La poule aux œufs d'or
Les distributeurs se « goinfrent » des marges directes, les marges avant, mais aussi des marges arrières qui pénalisent quand même les plus petits des fournisseurs. De quoi s'agit-il exactement ? Selon la définition donné par les responsables de Label'Vie, les marges arrières regroupent :
• Les droits d'entrée par magasin, droits d'ouverture, d'extension, de rénovation d'un supermarché ou hypermarché, droits de référencement des articles facturés par référence et par magasin
• Les ristournes de fin d'année : elles sont négociés contractuellement et rémunère le développement du chiffre d'affaires annuel. Selon un fournisseur, elles pourraient tourner entre 1 et 2% du chiffre d'affaires du fournisseur
• La coopération commerciale : elle rémunère les actions marketing (signalétique, communications, promotions d'enseigne, nombre de dépliants… Elle regroupe la coopération commerciale annuelle, la remise promotionnelle ou additionnelle (concerne une quantité limitée de produits), la coopération commerciale spécifique (location temporaire de présentoirs ou têtes de gondoles), les actions complémentaires spécifiques (négociés au cas par cas)…
• Les remises pour centralisation logistique, remises sur modèle d'exposition.


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