L'idée n'est pas nouvelle. Ahmed Lahlimi l'avait suggéré il y a 15 ans dans une interview à « La Gazette du Maroc ». Pour en finir avec les mafias, il faut dépénaliser la production de cannabis. L'Agence du Nord a établi un programme ambitieux d'éradication, déversé des milliards de subventions, mais rien n'y fait, c'est une région très pauvre. Les producteurs ne s'enrichissent pas, les intermédiaires si. Qu'un groupe parlementaire introduise le débat au parlement, je trouve cela intéressant, à condition de ne pas s'arrêter au coup de pub et de se poser toutes les vraies questions à savoir : - Les fameux usages pharmaceutiques représentent quelles quantités par rapport à l'usage des stupéfiants ? En admettant que le Maroc soit seul sur le créneau, en situation de monopole, les laboratoires ne peuvent absorber toute la production nationale. Sans parler des prix du marché. - Quid des pressions européennes ? le Maroc a signé des accords internationaux, collabore à la lutte contre les stupéfiants, y compris en pleine mer. Nos partenaires ne vont pas apprécier une dépénalisation de bon cœur. Avons-nous les moyens d'une tension avec l'U.E ? - Pays producteur, nous sommes aussi un marché avec des millions de consommateurs. Quel est l'impact sur la santé publique ? Il faut approfondir le débat. Selon moi, la dépénalisation est l'issue historique à ce problème, mais à un niveau régional, international. Je m'explique. Le cannabis est une drogue, l'alcool aussi, sauf que ce sont les blancs qui le produisent. Les ravages sur la santé publique sont du même ordre. La répression ne sert strictement à rien. Dès qu'un réseau est démantelé, un kapo en monte un autre. Il y a tellement d'argent là dedans que des deux côtés de la Méditerranée, cela suscite des vocations, corrompt des fonctionnaires et pas des moindres. Une ville comme Marseille est à feu et à sang à cause de ce commerce. Il est dans l'intérêt de tous de légaliser ce business, de l'encadrer strictement. Les mafias n'auront plus d'intérêt pour ce produit. Quant à la santé publique, elle ne peut qu'en être une meilleure prévention et un meilleur soutien aux addicts qui veulent s'en sortir. On y viendra, nécessairement, dans un avenir proche. Il vaut mieux porter le débat sur ce champ, plutôt que de le restreindre au Maroc. J'espère seulement que les moralistes s'en excluront eux-mêmes, au nom du principe de réalité. S'il y a production de cannabis c'est parce qu'il y a un marché et personne n'a rien pu y faire. La morale et son discours pas plus que la répression.