Un retour de l'industrie nucléaire serait le bienvenu, à condition de… ne pas répéter les mêmes erreurs ! Dans un de ses numéros du mois de mars 1986, The Economist avait célébré «Le Charme de l'Energie Nucléaire», au plus mauvais moment, puisque la fameuse catastrophe de Tchernobyl s'est produite dans les mois qui ont suivi… Au-delà des nuages radioactifs qui s'étaient propagés depuis l'Ukraine, c'était toute l'industrie nucléaire occidentale qui s'en était retrouvée affectée. Cependant, certains pays n'ont jamais perdu leur enthousiasme pour l'énergie nucléaire ! Cette dernière est actuellement à l'origine de 75% de l'électricité produite en France et plusieurs pays en développement ont continué à construire des centrales nucléaires. Mais dans une grande partie de l'Occident, Tchernobyl (mais aussi la catastrophe de 1979 qui s'est produite à Three Mile Island en Pensylvanie) a provoqué un déclin de l'industrie nucléaire. Les populations ont eu peur et les règlementations sécuritaires ont provoqué la hausse des coûts de production de l'énergie nucléaire. En outre, des milliards de dollars ont été dépensés pour effacer les ardoises des entreprises de ce secteur. Durant les deux décennies qui ont suivi, les gouvernements et les banquiers n'ont plus jamais voulu entendre parler de cette industrie ! Aujourd'hui, le vent a tourné et c'est une deuxième chance qui est offerte à l'énergie nucléaire. Le renouveau de cette industrie est encore plus apparent aux Etats-Unis où les entreprises du secteur se préparent à faire crouler la Commission de Régulation du Nucléaire sous leurs demandes de construction de nouvelles centrales. Le même phénomène est observé en Finlande, en Grande-Bretagne ou en Australie. Dans ce dernier pays, où l'uranium est abondant mais où il n'existe aucun réacteur, le Premier ministre John Howard a déclaré que l'énergie nucléaire était «inévitable»… Il faut dire que plusieurs facteurs sont en train de jouer en faveur d'un retour au premier plan du nucléaire : que ce soit la géopolitique, les coûts technologiques ou l'environnement, les gouvernements occidentaux s'inquiètent de ce que la plus grande partie des réserves pétrolières et gazières mondiales sont détenues par des pays hostiles ou instables. Dans le même temps, une grande partie de l'uranium se situe dans des pays alliés comme l'Australie ou le Canada. Il faut également prendre en considération la rentabilité de plus en plus élevée des centrales nucléaires, du fait de nouvelles technologies qui réduisent les coûts de maintenance et de réparation. Si la construction d'une centrale nucléaire coûte très cher, les coûts de fonctionnement sont quant à eux relativement peu élevés. Par ailleurs, la pression sur les réserves énergétiques fossiles comme le gaz et le pétrole ne fait que favoriser de plus en plus le nucléaire. Enfin, le changement climatique conforte les tenants du nucléaire, ces derniers soulignant la possibilité de produire de grandes quantités d'électricité sans porter préjudice à l'environnement. Mais force est de dire que la compétitivité économique du modèle nucléaire paraît encore incertaine, principalement en raison de la difficulté à quantifier les gains qu'il permet en terme de «coût écologique». En outre, le nucléaire combine des coûts fixes très élevés avec un risque politique, ce qui fait craindre aux entreprises le risque d'investir des milliards de dollars dans une centrale pour se voir encore une fois ruinées par un volte-face politique ! Pour ce qui est des risques de catastrophe nucléaire, si les Nations-Unies avancent le chiffre officiel de 4.000 personnes dont la mort a été causée par l'incident de Tchernobyl, ce chiffre reste inférieur au nombre officiel de mineurs tués chaque année en Chine… Toutefois, les populations ont de bonnes raisons de s'inquiéter, en raison notamment des difficultés de gestion des déchets nucléaires. Une prolifération de l'énergie nucléaire civile à travers le monde augmenterait les risques liés au terrorisme. Ce dernier pourrait s'attaquer aux centrales nucléaires et du combustible nucléaire pourrait être dérobé. Pour toutes ces raisons, les électeurs ne donneront leur accord au nucléaire que si les gouvernements et l'industrie nucléaire font leur maximum pour limiter ces risques, tout en assurant que de tels risques sont assez faibles et qu'ils valent la peine d'être pris pour produire de l'énergie propre et bon marché.