‘'La fête andalouse au féminin'' a parcouru du 6 au 8 juin courant la Cité de la Musique de Paris qui a choisi de consacrer son 10ème festival de printemps aux orchestres féminins andalous et aux cantatrices du Maghreb, invitées à mettre en exergue leur sensibilité musicale, qu'elles soient joueuses de luth, du qanoûn, de la snitra ou cantatrices ayant marqué ce patrimoine musical par leurs voix sublimes. Organisé sous le thème ‘'Fête andalouse au féminin'', le festival tient à reconnaître à la femme toute sa place dans la transmission de l'art, qui, pendant très longtemps, fut un domaine réservé exclusivement aux hommes. Longtemps interdites d'accès à l'univers de la musique (l'histoire ne présente aucune artiste marocaine avant les années 40), les femmes ont du se battre pour pouvoir exprimer leur talent. Et les quelques évolutions se mettent place avec l'ouverture au début des années 40 des Conservatoire nationaux de Musique de Tétouan, Fès, Marrakech , Rabat et Casablanca à la gente féminine. Certaines élèves talentueuses y deviennent même professeurs. Créé en 1941, le conservatoire de Tétouan contribuera à la formation de plusieurs cantatrices parmi lesquelles Mennana l-Kharraz, femme que le grand maître Abdessadek Chekkara, décédé en 1998, reconnaissait comme étant son inspiratrice dans cet art. Et c'est dans le souci de participer à l'ancrage du genre musical féminin dans l'espace artistique arabe et maghrébin, que la Cité de la Musique de Paris qui est un musée dédié à l'histoire des musiques du monde, a choisi d'inviter les Parisiens pour un voyage musical de cinq jours au cœur des mélodies andalouses interprétées par des femmes maghrébines en majorité marocaines. Elle a fait appel à trois artistes marocaines, Laïla Tijani, Soad Lamrabti et Maha Mokhlis, une joueuse de qanoûn tunisienne, Safae Hamdani, et une cantatrice tunisienne, Manal Chaâbane. Ces cinq artistes ont croisé leurs voix et leurs musiques pour des concerts établissant un pont (kantara) entre les deux rives de la Méditerranée. Les chansons qu'elles ont interprétées puisent leur origine dans les répertoires des noubas arabo-andalouses du VIIIe siècle faisant partie de la musique classique et savante, genre al-âla, malouf, san'a, gharnati et autres… Les instruments choisis pour ce concert remontent à la même époque de gloire de la civilisation andalou-maghrébine comme le oud, le rebab, le rabel, le qanoûn et le ney. Considéré comme le poumon du Trab Al-ala, la nouba est une composition musicale construite sur un mode, qui lui donne son nom. Les musicologues sont nombreux à évoquer l'existence, jadis, de 24 ‘'noubates'' jouées sur 24 modes, chacun correspond à une heure des 24 que compte la journée. Aujourd'hui, le nombre de nouba ne dépasse pas 11 au Maroc, 12 en Algérie et 13 en Tunisie, nous explique Thiery Gravier, directeur adjoint du Festival et spécialiste des musiques de la Méditerranée, pour qui cette manifestation vise en premier lieu à sauvegarder ce genre musical fruit d'influences multiples entre le Maghreb, l'Andalousie et la Méditerranée. Longtemps présente dans les seuls milieux maghrébins et juifs originaires d'Afrique du Nord, la musique andalouse est en passe de sortir de son cadre communautaire pour s'étendre à d'autres milieux du Machreq et de la Méditerranée. Elle n'est plus également commercialisée, comme autrefois, chez les seuls disquaires des quartiers à forte présence maghrébine, les albums sont désormais vendus dans la majorité des magasins de France. Elle est présente aussi sur les célèbres scènes du Paris culturel. Le ‘'qanûn'', le ‘'oud'' et le ‘'ney'', instruments privilégiés de la musique arabo-andalouse, appelée au Maroc ‘'Tarab Al-ala'', s'invitent aujourd'hui avec honneur à l'Olympia, à la salle de concert de l'Unesco, au Théâtre de la Ville ou à la Maison des cultures du monde.