Confronté à un déficit pluviométrique persistant depuis près de sept ans, le Maroc voit ses ressources en eau se raréfier contraignant les autorités à arbitrer en faveur de l'approvisionnement en eau potable au détriment de l'irrigation agricole, selon des opérateurs économiques. Malgré l'entrée en service de nouveaux barrages, les réserves hydrauliques nationales n'excèdent pas 4,64 milliards de mètres cubes, soit à peine 27,6 % de la capacité totale de stockage des retenues du pays. Cette situation survient dans un contexte marqué par des précipitations historiquement faibles : les niveaux enregistrés cette année sont les plus bas des trois dernières décennies avec une diminution des précipitations de 53 % depuis le début de la saison agricole, selon des détails obtenus par Barlamane.com. Depuis septembre 2024, les nouvelles ressources en eau n'ont pas dépassé 1,2 milliard de mètres cubes, un volume bien inférieur aux moyennes annuelles habituelles. Le Maroc vit ainsi sa troisième année consécutive de faibles réserves hydriques, une situation qui affecte durement les agriculteurs, en particulier dans les régions dépendant de l'irrigation. Un secteur sous pression L'agriculture subit de plein fouet les effets de cette crise. Certaines zones, traditionnellement irriguées par les eaux des barrages, font face à des restrictions drastiques. Dans la région de Doukkala où la culture de la betterave à sucre est prédominante, les réserves en eau ont chuté à 2 % de leur capacité. La situation est tout aussi critique dans les plaines de Tadla (5 %), du Haouz (13 %), de Souss-Massa (15 %) et d'autres régions où le taux de remplissage des barrages ne dépasse pas 26 %. Le ministère de l'agriculture et de la pêche maritime Ahmed El Bouari a confirmé au Parlement que la priorité est désormais donnée à l'alimentation en eau potable, conduisant à une réduction des volumes alloués à l'irrigation. Cette année, seuls 760 millions de mètres cubes ont été consacrés à l'agriculture, soit une baisse de 14 % par rapport aux besoins du secteur. Un défi structurel et climatique La crise actuelle, a souligné le ministre, illustre un changement d'orientation dans la gestion des ressources en eau. L'enjeu principal consiste à garantir l'approvisionnement en eau potable, notamment durant la saison estivale où la demande explose. Certaines industries et le secteur touristique continuent d'exercer une pression significative sur les réserves disponibles, aggravant la situation pour les agriculteurs. Le déficit pluviométrique, aussi, entraîne une baisse continue du niveau des cours d'eau et compromet la recharge des nappes phréatiques, essentielles pour l'irrigation et l'alimentation en eau de plusieurs régions. De plus, la fonte des neiges, qui contribue habituellement à renforcer ces réserves en été, s'avère insuffisante cette année. Vers une aggravation de la pénurie d'eau La raréfaction des ressources hydriques a entraîné une chute de la disponibilité en eau par habitant. Des études officielles et internationales révèlent que cette disponibilité est passée de 2 500 mètres cubes par an à 650 mètres cubes en moyenne. Ce seuil devrait encore diminuer sous l'effet du changement climatique, ce qui place le Maroc parmi les pays les plus exposés au stress hydrique, avec une disponibilité qui pourrait tomber à 500 mètres cubes par habitant dans un avenir proche. Le royaume a vu ses ressources en eau renouvelables chuter drastiquement. Alors qu'elles atteignaient 22 milliards de mètres cubes par an en période normale, elles sont tombées à trois milliards ces dernières années entraînant un recours accru aux eaux souterraines, dont l'exploitation augmente pour pallier le manque d'eau en surface. Un pari sur les infrastructures hydrauliques et la diversification des ressources Face à ces alertes, les autorités accélèrent la construction de nouveaux barrages, avec un objectif de 120 ouvrages hydrauliques à terme. Le Maroc compte actuellement 155 barrages d'une capacité de stockage totale de 20 milliards de mètres cubes mais seulement 18 sont en cours de construction. Pour répondre à l'urgence, le gouvernement entend raccourcir les délais de réalisation de ces infrastructures. En parallèle, le pays mise sur la diversification des sources d'approvisionnement en eau, notamment grâce au dessalement de l'eau de mer. À l'horizon 2030, la production d'eau dessalée devrait atteindre 1,4 milliard de mètres cubes par an, couvrant près de la moitié des besoins en eau potable des villes côtières. À moins que ces projets pâtissent du manque d'une volonté robuste.