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Diplomatie algérienne : Récit d'un naufrage
Publié dans Barlamane le 26 - 05 - 2022

Au hasard d'une visite de routine à un centre d'examens à Alger, le ministre des affaires étrangères Ramtane Lamamara, répondant à une question opportunément posée par un journaliste de la télévision publique, a démenti les rumeurs qui ont récemment circulé au sujet d'une médiation saoudienne entre le Maroc et l'Algérie. « Il n'y a pas de médiation », a martelé Lamamra, catégorique, avant d'ajouter : « ni hier ni aujourd'hui ni demain ».
Quelques heures auparavant, sur le même sujet, une « source diplomatique algérienne » avait parlé de « fake-news » et de « mythomanie ». Cette source très peu anonyme, reconnaissable à son style haut de gamme, a jugé bon de préciser que « les relations entre l'Algérie et le Maroc n'ont pas été évoquées » au cours des entretiens à Alger du prince Fayçal Ben Farhan Ben Abdallah Al Saoud.
Ce n'est pas la première fois que circulent des rumeurs sur une éventuelle médiation entre le Maroc et l'Algérie :
* En septembre 2021, l'Algérie avait démenti avoir demandé la médiation des Emirats arabes unis ou de l'Arabie saoudite pour normaliser ses relations avec le Maroc ;
* Lamamra lui-même avait, en octobre 2021, en marge de la réunion des ministres de la Ligue arabe, écarté toute initiative de médiation. « Penser à toute initiative, quelle qu'en soit la nature, est réducteur et superficiel. Elle ne prend pas en compte, plutôt elle ignore la pleine responsabilité du Maroc dans la détérioration chronique des relations bilatérales », avait soutenu le ministre algérien.
Mais c'est la première fois que les autorités algériennes, réagissant à une information circulant sur les réseaux sociaux, la démentent à deux reprises dans la même journée. Ce n'est pas habituel. Traditionnellement, on oppose le silence à ce genre de rumeur ou, si l'enjeu est de taille, on répond indirectement par les canaux officieux. Le double démenti est révélateur d'une certaine fébrilité et de désaccords probables entre les différentes factions. Les dirigeants algériens, ou certains d'entre eux, répugnent à admettre qu'ils ont le dos au mur, cherchant désespérément une issue.
A aucun moment, les journaux algériens qui ont repris en chœur les déclarations de Lamamra et le communiqué du démenteur n'ont pensé à poser deux questions : Qui a intérêt à une médiation ? Qui est isolé ? Sauf meilleure information, le Maroc n'est pas demandeur.
Alger devra tôt ou tard regarder la réalité en face, sa diplomatie a complètement naufragé. La descente aux enfers a commencé depuis que quelqu'un, à Alger, décidément très mal inspiré, a ordonné aux miliciens du polisario de bloquer le passage d'El Guergarate.
Alger a déjà commis des faux pas, à plusieurs reprises, mais les circonstances n'étaient pas favorables et les astres n'étaient pas alignés. Cette fois était la bonne. La patience paie et, comme le dit l'adage marocain, « la nuit a beau être longue, le jour finit par se lever ».
Première erreur
L'épisode d'El Guergarate, en novembre 2020, est sans doute la plus grosse erreur d'Alger au cours des dernières années. C'est dans ce poste frontalier dont peu entendaient parler auparavant que la diplomatie algérienne a piteusement coulé. D'avoir pensé un seul instant que le Maroc allait tolérer indéfiniment que quelques dizaines de miliciens prétendent bloquer ce passage, arrêter le flux des voyageurs et des marchandises en dit long sur le manque de discernement des dirigeants algériens. El Guergarate est un point de passage stratégique sur une voie vitale pour les échanges et le commerce entre le Maroc et la Mauritanie et, au-delà, avec l'Afrique subsaharienne.
Le Maroc, fidèle à son habitude, a attendu. Pendant des semaines, nos soldats ont observé sans réagir les miliciens faire leur show. Puis, au moment choisi, ils sont passés à l'action. Ce fut une opération foudroyante, rondement menée, sans effusion de sang. Exit les miliciens hurleurs. On connait la suite.
L'Algérie a protesté, menacé.
Qui a soutenu Alger ? Personne.
Voilà un bel exemple de la diplomatie royale. Patience, sang-froid, efficacité.
El Guergarate n'était que la première d'une série de bourdes algériennes.
Deuxième erreur
Le même jour, 13 novembre 2020, le polisario a annoncé avoir mis fin au cessez-le-feu qui avait été signé avec l'ONU en 1991. Les miliciens ont voulu reprendre les opérations de harcèlement contre les troupes marocaines le long du mur de sécurité. Mais la situation a changé depuis les années 1970-80, le Maroc s'est doté entretemps d'un « armement sophistiqué » qui lui assure une maîtrise totale du sol et du ciel dans la zone à l'est du mur. Le polisario a perdu l'initiative et n'a plus de liberté d'action. Il continue cependant d'émettre des communiqués triomphalistes en grand nombre.
Le coup le plus dur est venu de Washington.
Le 10 décembre 2020, le président des Etats-Unis d'Amérique, Donald J. Trump, a signé une « Proclamation reconnaissant la souveraineté du Royaume du Maroc sur le Sahara occidental ».
Aussitôt Alger a déclenché un feu de barrage nourri au moyen d'une série de déclarations. Abdelaziz Rahabi, ancien ministre de la Communication, a déclaré à la télévision : « L'Algérie est encerclée, c'est une réalité. » Le jour suivant, c'était au tour d'Abdelaziz Djerad, Premier ministre : « L'Algérie est ciblée par un complot élaboré par des parties étrangères visant sa stabilité. »
Puis est arrivé un communiqué officiel : « La proclamation (américaine) est sans effet juridique ». Fidèle à son habitude, Alger, en bon « voisin neutre » et « observateur », donne son avis là où personne ne lui a rien demandé.
Mauvais perdant, le « système » algérien a déclenché contre le Maroc une campagne de dénigrement et d'injure sans retenue, mais surtout sans panache, n'hésitant pas à offenser gravement le peuple marocain.
Imperturbable, le Maroc a continué à creuser son sillon.
Le 18 décembre 2019, les Iles Comores ont été le premier pays à ouvrir un consulat à Laayoune. Plusieurs pays suivront tout au long des mois suivants. L'Algérie protestera auprès de certains des pays concernés. Alger, porte-parole et tuteur de la « rasd », pallie les insuffisances de ses protégés.
Troisième erreur
En avril 2021, l'Algérie a fait hospitaliser en Espagne le dirigeant du groupe séparatiste Brahim Ghali avec de faux documents d'identité au nom de Ben Batouche. Là encore, ce fut une grossière erreur algérienne, un cadeau inespéré offert au Maroc. Les péripéties qui s'en suivront conduiront à un revirement espagnol spectaculaire, salutaire et déterminant sur la question du Sahara. L'Algérie, mécontente que l'Espagne ait préféré l'autonomie marocaine à un référendum caduc, a rappelé son ambassadeur à Madrid en consultation et s'est livrée à ses gesticulations habituelles, menaçant le pays ibérique de représailles dans des déclarations brouillonnes et contradictoire démenties aussi vite qu'elles sont émises. La colère algérienne a plongé dans un abîme d'incompréhension les observateurs espagnols, qui découvrent le mode de pensée singulier et les méthodes cavalières d'un voisin désagréable et malveillant qui veut tout régenter selon son bon plaisir. Alger est récidiviste. En 1975, déjà, l'Algérie a exercé des pressions inouïes sur l'Espagne pour empêcher tout accord avec le Maroc, menaçant Madrid « de rompre les relations diplomatiques, d'interrompre toute livraison de pétrole et de gaz et d'offrir une plate-forme à l'opposition espagnole sur son territoire ». Au bout du compte, l'épisode B. Ghali a abouti à une crispation dans les relations entre l'Espagne et l'Algérie et cette dernière n'a pas fini de payer les conséquences de l'hospitalisation d'un terroriste à Logroño.
Pendant ce temps, poursuivant sa croisade anti marocaine, le président algérien, dans une directive adressée au Premier ministre et aux responsables des sociétés d'Etat, a ordonné de résilier immédiatement les contrats signés avec les entreprises marocaines, sous peine de poursuites pour trahison et complicité.
Lorsque Ghali/ Ben Batouche est retourné à Alger en Juin 2021, le président algérien lui a rendu visite à l'hôpital et lui a réitéré l'engagement de l'Algérie pour la « décolonisation » et la « vérité » au Sahara.
Aveugles et sourds, les dirigeants algériens persistent, signent et s'enfoncent.
A la main tendue de Sa Majesté dans le discours du Trône, le 30 juillet 2021, Abdelmadjid Tebboune a opposé le silence. Il ignorera pareillement les canadairs que le Souverain a ordonné de mettre à la disposition de l'Algérie pour l'aider à combattre les incendies de forêts qui ont ravagé plusieurs régions du pays. Tebboune déclarera sans rouge au front dans un discours à la Nation : « Malheureusement, aucun pays n'a répondu à notre demande, tous les appareils européens étant déployés en Grèce et en Turquie, qui ont connu des feux de forêt dévastateurs ».
Quatrième erreur
Le 24 août 2021, l'Algérie a annoncé la rupture de ses relations diplomatiques avec le Maroc. Pour justifier sa décision, le gouvernement algérien a invoqué pêlemêle des « actions hostiles », sans préciser leur nature ni fournir le moindre début de preuve, et une série hétéroclite de griefs, dont le principal est clairement la question du Sahara, longuement évoquée. Toujours affublé de sa casquette de pays « observateur », Alger a reproché sans sourciller au Maroc de ne pas soutenir un « référendum » qui n'est plus à l'ordre du jour, mais que l'Algérie s'entête à défendre mordicus.
Le même jour, Rabat a pris acte de « la décision unilatérale de l'Algérie de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc », décision qualifiée de « regrettable et totalement injustifiée ».
Pourquoi l'Algérie a-t-elle rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, pays incontournable dans le monde arabe, tout en se préparant à accueillir une conférence au sommet arabe ? Inexplicable.
La campagne haineuse a continué de plus belle : Editoriaux incendiaires de la revue de l'armée, El Djeich, articles virulents et émissions injurieuses contre le Maroc, discours enflammés du général Said Chanegriha, chef d'état-major de l'Armée, appelant à déjouer des « complots » qu'il est seul à voir et incitant à rester vigilant face à un « ennemi » non identifié mais aisément identifiable.
Les mesures contre le Maroc n'ont pas cessé. Le 22 septembre 2021, le « Conseil suprême de sécurité » a décidé, « au vu de la poursuite des provocations et des pratiques hostiles du côté marocain », « de fermer immédiatement l'espace aérien algérien à tous les aéronefs civils et militaires marocains, ainsi qu'aux ceux portant un numéro d'immatriculation marocain, à compter d'aujourd'hui. » A la veille du sommet arabe, rappelons-le.
En octobre 2021 le ministère algérien des affaires étrangères s'est fendu, le plus sérieusement du monde, d'un communiqué pour le moins surprenant : « La démilitarisation de (la zone d'El Guergarate) est la pierre angulaire de tout processus politique crédible visant à trouver une solution pacifique au conflit ».
Cinquième erreur
En octobre 2021, le président algérien, « au vu des pratiques agressives du Royaume du Maroc à l'égard de l'Algérie, qui portent atteinte à l'unité nationale », a ordonné à Sonatrach de cesser les relations commerciales avec l'ONEE et de ne pas renouveler le contrat pour la fourniture du gaz à l'Espagne au moyen du gazoduc Maghreb-Europe (GME). Alger porte atteinte à l'unité nationale du Maroc depuis des lustres, mais n'en a cure. C'est le principe bien connu : Halal pour moi, haram pour les autres.
Effectivement, le 31 octobre 2021, l'Algérie a fermé les vannes du GME qui alimentait en gaz, depuis 1996, l'Espagne et le Portugal via le royaume. Par cette mesure, l'Algérie visait manifestement à mettre le Maroc gravement en difficultés et à le déstabiliser. C'était véritablement un acte de guerre, à tout le moins une « action hostile », comme aime à les invoquer le régime algérien dans ses réquisitoires contre le Maroc, mais Alger, encore une fois, ne s'en soucie guère. Le Maroc s'est contenté de sécuriser ses approvisionnements en gaz, en se servant du ... GME ! L'humour populaire marocain fait encore ses délices de ce conte de l'arroseur arrosé.
La diplomatie algérienne a commis d'autres erreurs, qu'il serait long et fastidieux de développer. Contentons-nous d'en citer, en vrac, les plus récentes :
* En octobre 2021, au lendemain de l'approbation par le conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 2602, qui encourage la poursuite des pourparlers sous le format dit de table ronde pour la recherche d'un règlement du différend au Sahara, l'Algérie s'est mise au ban de la communauté internationale en déclarant son « rejet formel et irréversible de ce format », devenu selon elle « contreproductif ». L'Algérie a informé le Conseil de sécurité de l'ONU de sa décision. Elle finira par se faire violence, ravaler sa fierté et faire sienne la résolution qu'elle avait dans un geste précipité de mauvaise humeur refusée de manière « irréversible ».
Quelques jours plus tard, le polisario a annoncé sa volonté d'« intensifier » sa guerre contre le Maroc. La cadence des communiqués militaires monotones a alors augmenté.
* En novembre, trois camionneurs algériens, de retour d'un transport commercial entre Ouargla et Zouerate en Mauritanie, ont trouvé la mort non loin de Bir Lahlou.
C'est la présidence algérienne elle-même qui est montée au créneau, accusant avec véhémence, mais sans preuves, le Maroc. « Les trois victimes innocentes de cet acte de terrorisme d'Etat, est-il dit dans le communiqué, rejoignent, en ce glorieux jour du 1er Novembre, les Martyrs de la Libération nationale qui font de l'Algérie Nouvelle la citadelle des valeurs et des principes de son Histoire éternelle. Leur assassinat ne restera pas impuni. » Un peu grandiloquent comme texte, mais Alger n'a pas le sens du ridicule. La MINURSO précisera plus tard que l'accident avait eu lieu le 2 novembre, embarrassant la présidence algérienne, prise en flagrant délit de mensonge.
* Un ex-officier, visiblement dans un état anormal, s'est adressé au polisario sur El Hayat TV : « Déplacez la guerre sur le territoire marocain pour semer le chaos et la terreur à Casablanca, à Marrakech. Si vous voulez l'indépendance, vous devez mourir en martyrs ; vous qui voulez votre indépendance, mourez en martyrs pour votre pays et déplacez la guerre jusqu'au Maroc, en plein territoire marocain ». Cet appel au terrorisme sera relayé sur Radio M par El Kadi Ihsane qui fera des propositions concrètes : « L'escalade, ce serait d'empêcher le commerce entre le Maroc et le sud. …empêcher les camions qui passent par El Guergarate, … donc, mettre en danger la sécurité des commerçants comme on a mis en danger la sécurité de nos commerçants ».
Le chef des milices du polisario, Mohamed El Ouali Akeik, à son tour, y a mis du sien : « Certains au polisario veulent poursuivre d'autres tactiques, comme attaquer plus profondément dans le territoire occupé par le Maroc. C'est bien plus qu'une possibilité. Les entreprises et les consulats, les compagnies aériennes et d'autres secteurs sont tous des cibles potentielles. »
* Lamamra a engagé avec l'Union africaine un bras de fer pour tenter d'annuler l'octroi à Israël du statut d'observateur auprès de l'organisation africaine ;
* Le même Lamamra a déclaré : « le Sommet arabe prochain sera le sommet de la solidarité interarabe et le soutien de la cause palestinienne et du peuple sahraoui » ;
* etc.
Laissons le dernier mot à un parlementaire algérien, qui a récemment évoqué fièrement les « succès » de la diplomatie de son pays. Elle a su, a-t-il dit, reprendre sa place et s'imposer.


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