Le Mali devrait être dirigé pendant plusieurs mois par un colonel à la retraite et ex-ministre de la Défense, Bah Ndaw, avant un retour des civils à la tête du pays, dans une période transitoire. Cette transition demeure sous l'emprise de la junte dont le chef promet de « gagner la guerre » contre les djihadistes. Bah Ndaw, 70 ans, est le nouveau président transitoire du Mali. C'est ce qu'a décidé ce lundi un comité mis en place par la junte au pouvoir depuis le putsch du 18 août. Il avait été nommé ministre de la Défense en mai 2014 après la déroute des forces maliennes face aux rebelles touareg dans leur bastion de Kidal (nord-est). Il n'était resté en poste que quelques mois. La piste d'un militaire à la retraite se dessinait depuis plusieurs jours. Le colonel-major Bah Ndaw, surnommé « le grand » par ses intimes en raison de sa taille (1,95 m), est un ancien pilote d'hélicoptère formé dans l'ex-URSS. Il fut l'aide de camp du général Moussa Traoré, qui a dirigé le pays sans partage pendant 22 ans jusqu'en 1991 et qui est décédé la semaine dernière. Bah Ndaw prêtera serment ce vendredi 25 septembre. C'est ce qu'a indiqué le colonel Assimi Goïta. C'est au président qu'il appartiendra de nommer un Premier ministre, en vertu d'une charte retenue par la junte pour organiser la transition. Le président est flanqué d'un vice-président doté d'importantes prérogatives sécuritaires, appelé à le remplacer en cas d'incapacité et qui n'est autre que l'actuel chef de la junte, le colonel Assimi Goïta. C'est ce dernier qui a annoncé le choix opéré par un collège d'un peu plus d'une quinzaine de membres, dont sept de la junte, le reste des places revenant au mouvement dit du 5-Juin, aux syndicats, aux anciens groupes rebelles ou à la société civile. Le comité a ainsi tranché des semaines de querelles entre Maliens, qui se divisaient sur le caractère civil ou militaire de la transition à venir. Les membres du comité n'ont guère eu le choix: la junte est arrivée dans la salle avec les deux noms et le comité a « pris acte », ont rapporté des participants. La Cédéao pour un président et un Premier ministre civils Le comité s'est prononcé sous la pression des voisins du Mali qui réclament depuis le début un retour rapide à l'ordre constitutionnel et la nomination dans les meilleurs délais d'un président et d'un Premier ministre civils. La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a suspendu dès le 20 août le Mali de ses organes de décision et infligé un embargo financier. Elle a indiqué la semaine passée qu'elle lèverait ces sanctions aussitôt que la junte aurait accédé à ses exigences. Le chef de la junte Assimi Goïta a réclamé ce mardi 22 septembre une levée des sanctions de la Cédéao. « Nous avons accepté les principes de la Cédéao, à savoir la nomination d'un président civil, puis la désignation d'un Premier ministre. Je pense que dans les jours à venir la Cédéao doit enlever ces sanctions pour le bonheur de la population malienne », a-t-il dit à la presse en marge des cérémonies du 60ème anniversaire de l'indépendance du pays. La Cédéao et des partenaires du Mali comme la France s'inquiètent d'un surcroît d'instabilité propageant encore plus à travers le Sahel le djihadisme et les violences intercommunautaires auxquelles le pays est en proie. Gagner « la guerre » contre les djihadistes Le colonel Goïta a promis ce 21 septembre de gagner « la guerre » contre les jihadistes, dans un discours télévisé à la veille de la fête nationale. Mais la Cédéao se veut aussi préoccupée par le mauvais exemple que donnerait une junte maintenue durablement au pouvoir. Les nouveaux maîtres de Bamako ont promis dès leur arrivée de rendre à terme les commandes aux civils. Il voulaient ensuite conserver la mainmise sur la transition. La nomination d'un ancien militaire semble une manière de compromis. Dans un flash interrompant les programmes de la télévision nationale, le colonel Goïta, portant toujours sa tenue de camouflage et son béret vert, a fait référence aux positions internationales en évoquant le « contexte global » et les engagements internationaux du Mali pour justifier les choix du jour. Les Maliens sont en tout cas profondément divisés entre les partisans d'une transition longue confiée aux militaires et leurs contradicteurs. Les premiers arguent du temps et de l'autorité nécessaires pour créer les conditions d'un redressement dans un pays au bord du gouffre. Les seconds redoutent une réédition des erreurs du passé dans un pays qui en est à son quatrième putsch en soixante années d'indépendance, célébrée ce mardi 22 septembre.Le rôle imparti au vice-président était un motif d'alarme supplémentaire pour eux. La « charte de transition » prévoit une transition de 18 mois, à laquelle la Cédéao s'est montrée prête à consentir après avoir insisté initialement sur un maximum de 12 mois. Le médiateur de la Cédéao dans cette crise, l'ancien président nigérian Goodluck Jonathan, est attendu ce mercredi 23 août au Mali. Le chef de la junte le colonel Assimi Goïta, qui s'est exprimé ce mardi 22 septembre devant les médias, a aussi appelé les Maliens à soutenir les forces étrangères « partenaires » citant notamment la force française Barkhane et les Casques bleus de la Minusma.