Longtemps, le délabrement du système de santé au Maroc (les conditions de travail des professionnels, le manque d'équipements et de médicaments essentiels), était pointé comme la conséquence d'une gestion à courte vue, mise à l'épreuve après la propagation du coronavirus. La BritCham s'est attelée sur le sujet. Malgré une arrivée tardive, l'épidémie de Covid-19 s'est rapidement étendue à tout le Maroc. Le 17 septembre, 94 504 cas de Covid-19 ont été confirmés, dont 1 714 décès. Ces évolutions ont poussé le gouvernement à mettre en place diverses mesures d'endiguement, notamment des interdictions de voyager, de se déplacer entre les villes, des restrictions concernant les rassemblements et la fermeture de certains lieux publics. Si des progrès globaux de l'état de santé général ont été réalisés, l'appréciation reste moins reluisant lorsqu'elle se concentre sur la répartition des soignants à travers le Maroc, l'état de santé de populations démuniés, ou le pilotage et le coût du système. Un détour par un état des lieux aux temps du coronavirus appelle des mesures essentielles. Un Webinaire a été organisé, jeudi 17 septembre, par la Chambre de commerce britannique au Maroc, avec la participation de Noureddine Afouaiz, Directeur Général GLAXOSmithKline Maroc (GSK), Maryam Bigdeli, représentante de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) au Maroc, mais aussi Chakib Nejjari, président de l'Université Mohammed VI des sciences de la santé (UM6SS). Les différents intervenants ont affirmé que le Maroc est «confronté à une pandémie d'une ampleur inédite» et que la dissémination du nouveau coronavirus «a provoqué une vague inattendue de recours aux soins, en particulier d'hospitalisations, qui a mis et met encore le système de santé marocain sous tension.» Au Maroc, l'épidémie a fait apparaître, d'une façon absolument crue, «les failles maintes fois énoncées par les différents acteurs de la santé publique, parmi lesquelles la trop mince place laissée à la prévention, la défaillance des dispositifs de coordination entre les intervenants médicaux ou encore l'insuffisant recrutement du personnel hospitalier». Le traitement politique de l'épidémie, lui, a rendu visible la cécité dont sont touchés tant de responsables gouvernementaux en matière de promotion de la santé. Les différents intervenants étaient quasi-unanimes : dans le contexte actuel, et jusqu'à à ce qu'un vaccin à visée thérapeutique soit disponible, le Maroc doit se préparer sans cesse à vivre avec ce nouvel agent infectieux et à réduire ses conséquences sur la santé des populations, malgré toutes les incertitudes qui l'accompagnent. «Cette pandémie doit être affrontée à l'échelle collective. On doit tirer les leçons des épidémies passées et des réponses qui y ont été apportées, dans tous les aspects de la santé publique : surveillance, accès universel à la prévention et aux soins, amélioration des conditions d'hébergement des patients, renforcement des prestations de santé primaires, leadership institutionnel global, mobilisation sociale, attention redoublée aux inégalités sociales de santé, coordination des acteurs aux échelles régionale, nationale et locale» a noté en substance Chakib Nejjari. Les différents interventions ont insisté sur l'importance «d'une stratégie de communication claire, transparente, adaptée aux différentes populations», qu'il nécessaire d'informer «tant sur le virus, ses modes de transmission que sur l'ensemble des conséquences économiques, sociales et sanitaires de la pandémie.» Cette transparence est «un impératif nécessaire» afin que les populations adoptent et maintiennent des attitudes appropriées aux modes de transmission du virus, mais aussi qu'elles acceptent, à titre transitoire, les mesures limitant leurs libertés pour le bien-être collectif. Le point a été également fait sur «la disponibilité de tests de dépistage et d'équipements de protection» et sur la responsabilité des acteurs sociaux «dont le monde associatif, le secteur social, les acteurs de l'éducation, les professionnels du secteur médical et des soins primaires, etc.» Selon Maryam Bigdeli, représentante de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) au Maroc, «certains groupes de population subissent de façon brutale les retombées. Des publics souvent classés sans nuances : personnes âgées, personnes isolées, personnes incarcérées, sans domicile fixe et mal logées, les étrangers, en somme, les plus vulnérables» affirmant que les politiques de santé doivent être élaborées et évaluées pour en finir avec les dysfonctionnements et les incohérences». Si la stratégie recommandée par l'OMS repose sur le développement des ressources humaines, force est de reconnaître que le Maroc fait face à une pénurie en ressources humaines, ce qui doit susciter le développement de différentes stratégies d'action. «De grandes inégalités de l'état de santé, en fonction de la répartition sociale de la population, demeurent quasiment inchangées depuis longues années» regrettent les intervenants. La nécessité de mobiliser «les dispositifs publics de gestion de crise, conçus dans la verticalité» est indispensable, affirment les intervenants. Ils doivent prendre en considération «les mesures de réponse, la perspective du prolongement de la crise sanitaire dans le temps, et, surtout, l'après-crise qui appelle l'implication d'une grande quantité d'acteurs sociaux». «L'après», qui amènera son lot de métamorphoses sur le plan sanitaire, mais également sur les volets social, économique et anthropologique. De l'importance de l'élaboration de bonnes réponses collectives dans les temps de crise.