Le mois de mai connait actuellement une météo inhabituelle pour la saison. Des pluies torrentielles se sont abattues sur plusieurs régions du pays, après une période de sécheresse durant les mois de février et mars, compromettant ainsi la récolte céréalière. Ces pluies tardives ont-elles le potentiel de sauver ce qui reste de la production agricole ? Mohamed Elamrani, professeur à l'Ecole nationale d'Agriculture, apporte des explications. Le manque de pluies pendant le premier trimestre de 2020 a été considéré comme une « sécheresse ». Les températures ont été plus élevées que la moyenne saisonnière, et les précipitations ont été chétives. Cette « sécheresse » s'est produite pour la deuxième année consécutive au Maroc. En réalité, il s'agit de bien plus qu'un simple manque de pluies. Le changement climatique a induit un chamboulement total du cycle pluvial, explique le professeur Mohamed Elamrani. « Les pluies que nous recevons actuellement sont celles qui auraient du arriver en février, et cela est une conséquence du changement climatique », explique M. Elamrani. « Ces précipitations sont malheureusement arrivées trop en retard pour sauver les cultures bour (pluviales), notamment les céréales d'automne, puisqu'il ne s'agit pas seulement d'arroser ces cultures. Il faut leur donner la bonne quantité d'eau, au bon moment », continue l'expert. « Ces cultures agricoles ont un cycle végétatif qu'il faut respecter, et si elles ne sont pas arrosées au bon moment, elles dépérissent ». Si elles sont complètement inutiles pour sauver les cultures bour qui ont été plantées en octobre/novembre, les pluies actuelles seront bénéfiques ailleurs : pour les nappes phréatiques et les barrages, pointe l'expert. « Les pluies qui tombent actuellement alimenteront les réserves hydriques du pays, servant ainsi la prochaine campagne agricole, et surtout les cultures irriguées ». Les réserves des barrages ont également souffert du manque des précipitations cette année. Selon les données recueillies par M. Elamrani, les réserves de tous les grands barrages du pays réunis se situent actuellement 7.698,2 millions de m3, alors que leur capacité de retenue de référence est de 15.597,2 millions de m3. Ainsi, les barrages du pays ne sont qu'à 49% de leur taux de remplissage normal. Les réserves des barrages ont également enregistré une baisse de 11% par rapport à la même période de l'année dernière. Certaines cultures pourraient encore profiter des précipitations tardives, comme les pois chiches, par exemple, dont le semis se fait essentiellement entre février et avril, pointe M. Elamrani. De même pour les parcours. Cepednant, ces pluies tardives risquent également de ne pas être que bénéfiques, avertit l'expert, puisque les températures commencent à augmenter en mai. Combinées, la pluie et la chaleur risquent d'augmenter la teneur en humidité, créant ainsi un environnement propice aux champignons qui ravagent les céréales, les légumineuses alimentaires printanières comme le pois chiche et les arbres fruitiers, explique M. Elamrani. Les agriculteurs seront ainsi obligés d'utiliser des pesticides afin de sauver leurs cultures. Ainsi, les pluies qui s'abattent actuellement sur l'ensemble du pays sont le résultat d'un chamboulement climatique qui risque de s'exacerber dans les années à venir. Les agriculteurs devront-ils désormais adapter le moment du semis à un nouveau cycle pluvial, au risque d'essuyer des pertes chaque années ?