L'Organisation mondiale de la Santé est en train de vivre l'une de ses plus grandes crises, alors que la pandémie de coronavirus ravage le monde. « Attaquée par Trump et ignorée par nombre de ses membres les plus puissants, l'Organisation mondiale de la santé est confrontée à une crise majeure », écrit le quotidien britannique The Guardian. « L'OMS est, pour une raison quelconque, financée en grande partie par les États-Unis, mais très centrée sur la Chine », a tweeté Donald Trump le 7 avril. A travers ce tweet, Trump a pris le risque d'une crise diplomatique avec l'institution sanitaire au coeur de la riposte. Cependant, affirme The Guardian, cela n'est qu'une parmi les nombreuses critiques auxquelles l'OMS fait face actuellement. Même certains partisans de l'organisation au sein de plusieurs gouvernements, du monde universitaire et des ONG affirment que depuis le début de la crise des coronavirus, l'OMS a cédé aux intimidations nationalistes, a salué les mesures de quarantaine draconiennes et n'a pas réussi à protéger l'ordre international libéral. C'était comme si « l'OMS refusait d'exercer son autorité », écrit The Guardian. En réalité, l'OMS n'a aucun pouvoir coercitif. Contrairement aux organismes internationaux tels que l'Organisation mondiale du commerce, l'OMS, qui est un organisme spécialisé des Nations unies, n'a pas la capacité de lier ou de sanctionner ses membres. Son budget de fonctionnement annuel, d'environ 2 milliards de dollars en 2019, est inférieur à celui de nombreux hôpitaux universitaires, et réparti entre un éventail vertigineux de projets de santé publique et de recherche, informe le quotidien britannique. L'OMS « a été privée de pouvoir et de ressources », a déclaré Richard Horton, rédacteur en chef de l'influent journal médical The Lancet, cité dans l'article de The Guardian. « L'autorité de coordination de l'OMS et ses capacités sont faibles. Sa capacité à diriger une réponse internationale à une épidémie potentiellement mortelle est inexistante », estime l'expert. En même temps, l'ordre international sur lequel s'appuie l'OMS s'effrite, alors que le nationalisme agressif progresse dans le monde. The Guardian rappelle que malgré des inquiétudes croissantes face au coronavirus – à la mi-janvier, la Chine a refusé la demande de l'OMS d'envoyer une équipe d'observateurs scientifiques dans la province du Hubei, le centre de l'épidémie. Au lieu de forcer la Chine à la transparence, le 28 janvier, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS, a organisé une réunion à huis clos avec Xi Jinping à Pékin. Et deux jours plus tard, il a salué les efforts chinois pour contenir la maladie, déclarant que la Chine «établissait une nouvelle norme pour le contrôle des épidémies». Élu directeur général de l'OMS en juillet 2017, Tedros a été soutenu par un bloc de pays africains et asiatiques, dont la Chine, qui a une influence considérable sur ces membres. Tedros, fait savoir The Guardian, était très controversé et est soupçonné d'avoir dissimulé une épidémie de choléra pendant son mandat de ministre de la Santé en Ethiopie, son pays d'origine. L'OMS a sacrifié beaucoup de sa crédibilité en ignorant les bévues évidentes de la Chine en décembre et janvier, écrit The Guardian. Ainsi l'argument sur l'influence de la Chine fait rage depuis des semaines, notamment depuis que le gouvernement de Taïwan a affirmé que l'OMS avait ignoré ses premiers rapports de transmission interhumaine de coronavirus. Côté financement, l'OMS s'est heurtée à la sourde oreille des pays occidentaux, même après avoir déclaré que le coronavirus était une pandémie. Le 5 février, l'OMS a demandé 675 millions de dollars pour financer sa réponse au coronavirus jusqu'en avril. Jusqu'au 4 mars, l'OMS n'avait reçu que 1,2 million de dollars. Même son de cloche, côté mobilisation. Les pays ont ignoré à plusieurs reprises les conseils de l'OMS. Au Royaume-Uni, la réponse a été erratique, oscillant entre les normes de l'OMS et ses propres stratégies, telles que la poursuite désormais discréditée de «l'immunité collective». Les États-Unis n'ont pas recommandé de fermetures d'écoles ou d'éviter les déplacements avant le 16 mars. En Suède, les restaurants sont toujours ouverts. Avant la déclaration de « pandémie », les matchs de Premier League se déroulaient encore et les États-Unis avaient organisé des élections primaires. La montée du nationalisme ronge le monde aussi. La solidarité est jetée aux oubliettes. Par exemple, le service de santé anglais a commandé des millions de masques à une société française nommée Valmy SAS. Mais début mars, le gouvernement français a réquisitionné tous les masques produits dans le pays, et ces masques ne sont jamais arrivés en Grande-Bretagne. Cette semaine, l'Allemagne a accusé les États-Unis d'avoir saisi une cargaison de masques à destination de Berlin depuis un port de Thaïlande. Tandis que l'Allemagne avait auparavant envoyé des inspecteurs à l'usine d'une entreprise américaine à Jüchen pour s'assurer que leurs masques médicaux n'étaient pas exportés contre les ordres du gouvernement. Le manque de coopération internationale dépasse de loin les capacités de l'OMS à y remédier, écrit The Guardian. L'OMS perd de plus en plus de son important, conclut le média britannique.