Lors d'une conférence de presse tenue le 22 janvier à Rabat, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a présenté ses recommandations sur le thème du foncier au Maroc. Ce travail survient deux ans après que le CESE ait été saisipar le chef du gouvernement pour réaliser une étude dans l'objectif de formuler une nouvelle stratégie nationale de la politique foncière de l'Etat, accompagnée d'un plan d'action pour sa mise en œuvre. Le CESE a expliqué que le foncier joue un rôle-clé dans le développement économique, la réduction des disparités spatiales et le renforcement de la justice sociale. Mais eu égard aux insuffisances qui caractérisent les règles consacrées par les textes législatifs et réglementaires censés protéger les droits fonciers, un sentiment d'iniquité s'est graduellement développé au sein de la population. Pour le conseil, ce sentiment d'iniquité est accentué par les pratiques spéculatives et les lacunes qui entachent la mise en œuvre des politiques publiques relatives au foncier. Parmi ces lacunes, les experts du CESE ont cité : l'absence de cadre stratégique commun qui peut assurer l'homogénéité des politiques publiques en lien avec le foncier, la multiplicité des intervenants et l'absence de mécanismes efficaces de coordination décentralisée en matière d'action foncière, ainsi que la difficulté en matière de rationalisation de la mobilisation du foncier de manière rentable tout en minimisant les coûts environnementaux et sociaux pour la collectivité. Le CESE a ajouté que l'un des plus grands problèmes du foncier est le cadre juridique qui le régit. Les statuts juridiques sont divers et oscillent entre les préceptes du droit foncier musulman et ceux du droit foncier dit « moderne », hérité du protectorat français. Tout cela contribue de manière notable à de nombreuses répercussions négatives, tant sur le plan économique que social. Parmi ces répercussions : la difficulté d'accès au logement régulier en raison du coût élevé du logement formel, la contrainte de recourir aux transactions informelles pour les ménages pauvres afin d'avoir accès au foncier à un coût abordable, la subsistance du logement informel, la ségrégation sociale, la perte de terres agricoles et la dégradation des écosystèmes suite au phénomène d'urbanisme d'opportunité et d'extension désordonnée des périphéries. Ajoutons-y la vulnérabilité de certaines catégories notamment les femmes en milieu rural et les petits agriculteurs, en particulier en périphérie des villes, la fragilité de la sécurité de la propriété; Pour trouver des solutions à ces dysfonctionnements, le CESE a formulé quatre recommandations. Premièrement, aménager des espaces urbains libres de toute contrainte au développement, attractifs pour l'investissement productif et offrant des logements dignes et accessibles. Cela passe par la mise en place de programmes de développement de l'habitat moyen standing, soutenus par des mesures incitatives, en assurant un suivi rigoureux afin d'éviter les comportements de prédation parfois observés durant le déploiement des programmes de logements sociaux. Deuxièmement, le CESE recommande de réformer progressivement le statut des terres collectives qui garantit les droits individuels et collectifs, allège les contraintes au développement rural, tout en tenant en compte les impératifs environnementaux, à travers la mise en conformité des terres de culture avec les dispositions du Code des Droits Réels (CUR) et la régularisation progressive du foncier résidentiel des zones d'habitat irrégulier. En troisième lieu, il faut mettre en place d'un cadre juridique régissant le secteur du foncier dans sa globalité, qui garantit la sécurité de la propriété tout en prenant en compte les spécificités et les rôles respectifs de chacun des régimes fonciers, en reconnaissant et protégeant les divers droits fonciers acquis légitimement mais non conformes à la loi au même titre que les droits issus de régimes bénéficiant de protections inscrites dans les lois et en consolidant le cadre juridique régissant le foncier par la création d'un code foncier. Et enfin, mettre en place un système de gouvernance foncière efficace et efficiente dotée d'un cadre de gestion et d'instruments adaptés aux évolutions de la demande en veillant à mettre en place un cadastre national couvrant l'ensemble du territoire national, à renforcer la coordination de l'action foncière à travers une institution dédiée qui devra être investie de larges pouvoirs et à mettre en place une fiscalité adaptée et évolutive, adossée à une information accessible et transparente.