Les démocrates ont lancé mardi à Washington la première étape d'une mise en accusation solennelle de Donald Trump, soupçonné d'avoir demandé au président ukrainien d'enquêter sur son rival politique Joe Biden, une procédure rare et explosive qui a toutefois peu de chances d'aboutir à la destitution du président américain. En dépit des nombreuses affaires qui ont secoué les premières années de la présidence de M. Trump, ce coup de tonnerre politique représente l'attaque la plus frontale contre le milliardaire républicain. « Aujourd'hui, j'annonce que la Chambre des représentants ouvre une enquête officielle en vue d'une procédure de destitution » de M. Trump, a annoncé la présidente démocrate de la chambre basse, Nancy Pelosi, « les actes du président jusqu'à ce jour ont violé la Constitution », a-t-elle accusé lors d'une allocution au Congrès. Sous pression, M. Trump a finalement accepté de publier le contenu d'une conversation douteuse avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, au coeur de l'affaire. Les démocrates soupçonnent M. Trump d'avoir poussé, en mettant dans la balance une aide militaire destinée à l'Ukraine, son homologue ukrainien à enquêter sur Joe Biden et son fils, Hunter. Ce dernier a travaillé pour un groupe gazier ukrainien à partir de 2014, lorsque son père était vice-président sous l'ère Obama. Donald Trump a admis publiquement avoir mentionné Joe et Hunter Biden lors de la conversation controversée, mais dément fermement avoir fait pression sur l'Ukraine. En pleine tourmente, le président tente de retourner les soupçons contre M. Biden, l'accusant avec son fils, sans avancer de preuve, d'être « corrompus ». Toute cette affaire a éclaté lorsqu'un mystérieux lanceur d'alerte, membre des services de renseignement américains, a fait en août un signalement à sa hiérarchie concernant une conversation téléphonique de Donald Trump avec M. Zelensky. « Une chasse aux sorcières de caniveau », a immédiatement dénoncé le président, recevant la nouvelle à New York où il s'était rendu pour l'Assemblée générale de l'ONU. A quelque 400 jours de l'élection présidentielle de novembre 2020, déclencher cette procédure, impopulaire dans les sondages et à l'issue très incertaine, représente un pari risqué. La Chambre, à majorité démocrate, sera chargée de mener la procédure de mise en accusation (« impeachment » en anglais). Si celle-ci aboutit, le Sénat, contrôlé par les républicains qui restent en majorité fidèles à M. Trump, devra conduire le « procès » du président, conclu par un verdict, quoiqu'il semble peu probable, dans l'état actuel des choses, que suffisamment de sénateurs républicains se retournent contre M. Trump. Seuls deux présidents américains ont été mis en accusation dans l'Histoire: les démocrates Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton, poursuivi pour « parjure » en 1998 après sa liaison avec la stagiaire de la Maison Blanche Monica Lewinsky. Jamais un président n'a été destitué aux Etats-Unis. Espérant briguer un second mandat en novembre 2020, le républicain de 73 ans a jugé « ridicule » l'idée d'être destitué, affirmant que cette procédure lui serait au contraire bénéfique dans les urnes.