Le centre de la promotion de la darija organise les 20 et 21 décembre courant un colloque autour de la langue maternelle du Maghreb à Casablanca. La dynamique langagière au Maroc se confirme, démontrant un réel intérêt pour la place des variétés linguistiques dans le pays. La langue arabe institutionnelle est diffusée mais les variantes orales nationales ne doivent pas occuper une moindre place, insiste-t-on. C'est un événement émaillé de réflexions émanant d'approches différentes et de postures théoriques distinctes, que celui qui a été organisé à Casablanca, ce 20 décembre. S'exprimant lors de l'ouverture du colloque maghrébin consacré à la darija à Casablanca, Noureddine Ayouch, président du Centre marocain de promotion de la darija, a indiqué que le paysage sociolinguistique au Maghreb « connait une profonde mutation ». En effet, a-t-il affirmé « la langue amazighe est devenue une langue officielle au Maroc et en Algérie ». L'anglais « est évoqué comme une langue de substitution au français dans les universités algériennes ». « La place de l'arabe standard et sa relation avec les autres langues occupent le devant de la scène. La darija ambitionne, aussi bien au Maroc qu'en Algérie et en Tunisie, un statut nouveau en adéquation avec les rôles qu'elle joue déjà ou ceux qu'elle est amenée à jouer. L'intérêt porté à la question linguistique par toutes les couches de la société au Maghreb montre l'importance de la langue, à la fois comme outils de communication, d'accès aux savoirs et de développement et de réussite sociale, et marqueur identitaire », a-t-il indiqué. Les variétés dialectales sont en émergence, et la darija, répandue l'échelle du pays, possède une visibilité de plus en plus grande dans le paysage urbain et médiatique. « En élargissant le débat sur la darija au Maghreb, la question se déploie dans son espace sociolinguistique réel et légitime. Les similitudes sont indéniables et l'apport des chercheurs du Maghreb permettra de donner au débat une dimension plus large », a précisé M. Ayouch lors de l'ouverture du colloque. Sans aucun doute, les langues sont les voix et les voies d'expression d'une société ou d'une de ses parties. Ce sont les usages d'expression d'une société ou d'une de ses parties. La darija est le véhicule du quotidien, des pensées, des joies et des malheurs de millions de personnes. Dans ce contexte, Myriam Achour Kallel, anthropologue et maître-assistante à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, a abordé l'usage du dialecte tunisien dans le quotidien des Tunisiens. Youssef Amine Elalamy, écrivain marocain et professeur chercheur, a abordé, pour sa part, la question de la darija comme étant une langue de création. Myriam Achour Kallel a décrit les usages de l'arabe dialectal tunisien dans les productions littéraires, sur Internet et au niveau des productions audiovisuelles. Elle a également présenté son article intitulé « écrire sur Facebook, ou les sentiers de la reconnaissance ». En effet, en Tunisie, l'ordre politico-graphique est clair : la langue arabe, seule langue reconnue dans la Constitution, s'exprime par l'alphabet arabe, le français par l'alphabet latin, les chiffres servent à exprimer des grandeurs et le tunisien n'a pas de visibilité officielle à l'écrit. « Les statuts publiés sur Facebook, en revanche, défient ces arrangements. Les limites de ces usages y sont lâches, les graphies emmêlées, les arrangements révisés et le tunisien écrit apparaît, se répand et se normalise. Je propose de comprendre ces écritures comme des expressions d'une citoyenneté horizontale engageant un processus de reconnaissance d'une langue qui n'a pas de visibilité officielle à l'écrit », a-t-elle indiqué. Quant à Youssef Amine Elalamy, il a partagé avec le public présent « son expérience artistique créative » qu'il a menée avec la darija. D'après lui, l'arabe dialectal est une langue de création. En effet, il a écrit et publié un petit livre en darija intitulé : « T9ar9ib nab » (verbiages) qui consiste en une galerie de 30 portraits de Marocaines et Marocains avec une tonalité sarcastique. « J'ai décomposé, et recomposé des personnages fétiches en leur changeant de corps, de têtes et ce, afin de combattre les idées fixes et pour sortir d'un cadre jugé trop institutionnel », a-t-il indiqué tout en précisant que l'emploi de la darija lui a facilité plus de faire part de ses idées. Le débat sur la question de la darija d'un point de vue sociolinguistique se poursuivra le 21 décembre. Des débats, des discussions et des recommandations sont donc prévus pour le 21 décembre afin de mettre en place des projets communs sur la langue darija au Maroc, en Tunisie et en Algérie.