«Le véritable problème est que les enfants ne connaissent pas leurs corps. L'enfant qui a été abusé sexuellement est parfois incapable de décrire ce qu'il lui est arrivé». L'Association meilleur avenir pour nos enfants (AMANE) s'attelle activement à lutter contre les violences sexuelles à l'égard des enfants. Depuis 2009, l'ONG se bat pour une meilleure prise en charge des enfants vulnérables et victimes de violence sexuelle dans le cadre d'un projet ambitieux. Celui-ci s'inscrit dans le cadre d'un programme régional mené parallèlement au Maroc, en Algérie, en Tunisie et au Liban. Ce programme vise non seulement à réhabiliter et réintégrer les enfants victimes de violences sexuelles mais également à former et informer les acteurs de la protection de l'enfance, et à mener des actions de plaidoyer et de prévention auprès de la société civile. En Tunisie, ce programme est resté inachevé en raison de la révolution de jasmin. Cela dit, ce projet qui s'achèvera en juin a permis la réalisation de plusieurs actions. A commencer par l'élaboration d'une étude d'identification des besoins en renforcement des capacités des acteurs de la protection de l'enfance. A travers des sessions de formation, plusieurs intervenants ont été formés sur les concepts de base des violences sexuelles. Mais l'un des principaux volets de ce projet consiste à apprendre aux enfants à s'autoprotéger face au danger. Ainsi, des travailleurs sociaux et enseignants ont reçu une formation spécifique et apprennent aux enfants les gestes à suivre face à l'abuseur. «Ce programme vise à faire connaître aux enfants leur corps. En situation de danger, il doit apprendre à dire non, à crier, à s'enfuir et à parler avec une personne de confiance. Ce programme vise tant les enfants que les parents», affirme Najia Bounaim, directrice de l'association. Les enfants sont ainsi sensibilisés sur ce type de violence à travers des outils ludiques notamment un spectacle de marionnette «Mina et Dbib». «Ce spectacle a connu un réel succès. Nous avons effectué une tournée dans plusieurs villes du Royaume au niveau de salles municipales, théâtres mais aussi dans les colonies de vacances. Au, total 3000 enfants ont été sensibilisés sur les manœuvres d'approche développées par les abuseurs et repérer les situations à risque grâce à ce spectacle. Deux représentations sont prévues prochainement à Chichaoua et Marrakech», indique Mme Bounaim, directrice de l'association. Et d'ajouter : «Le véritable problème est que les enfants ne connaissent pas leurs corps. L'enfant qui a été abusé sexuellement est parfois incapable de décrire ce qu'il lui est arrivé». D'autres problèmes subsistent notamment au niveau du cadre juridique. «La législation nationale pénalisant les violences sexuelles doit être revue pour assurer une meilleure protection de la victime. Le problème se pose au niveau de l'application de la loi. Les limites portent sur la procédure et le pouvoir discrétionnaire du juge. Dans bon nombre de cas, les sanctions sont sans commune mesure avec le délit perpétré à l'encontre de l'enfant. Il faut aussi relever que les cas de corruption chez les juges ou les familles de victimes ne sont pas monnaies rares. Certaines familles par peur ou en contrepartie d'une somme d'argent refusent de porter plainte», déplore Mme Bounaim. Pour la directrice de l'association, la lutte contre les violences sexuelles passe par l'implication des médias qui doivent informer le grand public sur les concepts de base, les conséquences psychologiques et physiques sur les victimes.