Acheter son logement au Maroc relève de la prouesse. L'acquéreur potentiel doit supporter une série de contraintes financières. Taux élevés et dessous de table. Le Maroc est-il un pays qui encourage l'accès à la propriété ? À en juger par les taux d'intérêts pratiqués, la réponse est non. Ces derniers demeurent trop élevés compte tenu du niveau de vie et du pouvoir d'achat des citoyens. Chez pratiquement toutes les banques de la place qui accordent des crédits logements. Si vous avez les moyens de négocier, on peut vous enlever un petit quelque chose, un point ou un demi-point. Pas plus. Cela fait tout de même une traite mensuelle conséquente, une rubrique importante dans le budget familial. Aujourd'hui, il semblerait que le loyer du crédit immobilier va connaître une révision à la baisse. Une chose est sûre : la libéralisation des taux en la matière ne peut être que bénéfique pour tout le monde et sur tous les plans. Pour le moment, force est de constater que le Maroc reste en la matière très peu attrayant par rapport à beaucoup de pays. En France, le taux du crédit logement se situe autour de 6%. Au Mexique, il est de 4% sur une durée qui peut aller jusqu'à 40 ans. C'est-à-dire, le client peut être propriétaire de sa maison dès qu'il accède au monde du travail, à l'âge de 20 ans. Ce qui n'est pas le cas dans le contexte marocain où l'accès au logement, en plus des taux d'intérêt rédhibitoires, est bloqué aussi par les pratiques en vigueur dans le secteur de la promotion immobilière. Le phénomène le plus pénalisant à cet égard est ce que l'on appelle le noir ou les dessous-de-table. Tout acquéreur d'un appartement est obligé de payer au propriétaire une somme en liquide qui peut aller jusqu'à 20 % ou plus de la valeur du logement. Comme son nom l'indique, le propre du noir c'est qu'il ne laisse pas de traces. Cet argent va directement à la poche du promoteur sur lequel il ne paie aucun impôt. La banque, de même que les pouvoirs publics, n'est pas censée être au fait de cela. Cette pratique représente le non-dit du secteur immobilier au Maroc. Officiellement, elle n'existe pas. En fait, le montant réel du logement représente le crédit contracté par l'acheteur moins le fameux cash. Ce dernier contribue au renchérissement de la valeur immobilière au Maroc. Au jugé de cette situation, c'est le client qui paie l'addition, comme d'habitude. En plus des dessous-de-table, celui-ci doit fournir un apport personnel de 25% du montant du prêt étant donné que la banque en général, contrairement à ce qui se passe sous d'autres cieux, ne finance pas la totalité du montant de la transaction. Le parcours du combattant n'est pas encore fini. Le client-pigeon est invité encore à mettre la main à la poche pour régler les frais occasionnés par son projet à la conservation foncière et au service de l'enregistrement. Au total 3% du prix déclaré (le noir en moins bien sûr) de la maison. Après s'être installé chez lui, tout content de son espace vital, le co-propriétaire reçoit au bout de quelques années une lettre des services de l'enregistrement lui demandant de s'acquitter d'une somme fixée de manière forfaitaire. Sans aucun critère. Une espèce d'impôt de régularisation ou de redressement. Cela veut dire en termes clairs : Le prix déclaré par l'acheteur est inférieur au montant réel de la transaction immobilière. Autrement dit, cette taxe correspond au noir empoché par le promoteur et que l'acquéreur n'a pas signalé. Pour cela, il est doublement pénalisé. La logique des pouvoirs publics dans cette affaire pour le moins paradoxale est la suivante : tant pis si le consommateur perd mais l'État jamais. La logique voudrait que le service de l'enregistrement, qui dépend des Finances, impose le promoteur puisque c'est lui qui touche le fameux noir. Tout le monde le sait, mais chacun ferme les yeux. Autre incohérence, lorsque l'acheteur désire revendre son appartement, il doit payer la TPI (la taxe sur le profit immobilier) au receveur de l'enregistrement qui possède en plus le pouvoir discrétionnaire d'estimer le montant de la transaction sans tenir compte du prix affiché dans l'acte de vente. Et puisque le vendeur réalise une plus value ou pas, qu'il rentre dans ses frais ou non, il paie quand même la TPI en fonction de l'évaluation du receveur. La règle : ajouter jamais retrancher. Autre injustice, seule la personne physique, le citoyen marocain, est soumise à cette taxe. Pas la personne morale, les entreprises. Devant un tel état de fait, où l'hypocrisie le dispute à l'opacité, comment encourager l'accès à la propriété privée ? Comment pousser les citoyens à acheter dans des conditions optimales leur propre habitation ? Réussir à disposer de son propre logement dans un environnement pareil relève de la prouesse. Un environnement moins incitatif qui est pour quelque chose dans la multiplicité des bidonvilles et de l'habitat insalubre. Du côté du ministère de l'Habitat, on explique que la suppression du phénomène du noir est une question de civilisation et que l'informel dans le secteur immobilier est très puissant du fait d'un déficit de normalisation et de réglementation. Il est vrai que les contrôles auxquels doit être soumis l'immobilier au Maroc se trouvent en dehors du département de tutelle. Mais cette affaire, de par son importance, interpelle l'ensemble du gouvernement. La crise de l'immobilier au Maroc dans ce contexte de flou ne pourrait être que factice. L'immobilier rapporte. Mais à qui profite la pierre qui roule…?