“Kidtou Arah“ est la dernière création du dramaturge Abdelhak Zerouali. Cette pièce sera jouée mercredi 28 janvier au Théâtre Mohammed V de Rabat. Son auteur s'exprime sur son indéfectible attachement au one man show et sur la liste dans laquelle il est cité pour occuper le poste de ministre de la Culture. Aujourd'hui Le Maroc : Votre théâtre est inséparable d'une seule forme : le one man show. Certains vous reprochent de rester attaché au genre le moins dense du théâtre par intérêt… Abdelhak Zerouali : Mon expérience du one man show date de 1967. Elle a presque 40 ans! Connaissez-vous beaucoup de dramaturges marocains qui aient tenu aussi longtemps sans s'essouffler en route ? De nombreuses personnes se sont frottées à ce genre, mais l'ont vite abandonné. Moi, j'ai tenu bon, parce que je l'ai choisi. Parce qu'il me convient et que je l'exerce avec passion. Et si je suis encore là, ça veut dire que l'expérience correspond à des préoccupations enracinées dans mon être. Elle n'est pas le fruit d'une mode ou du temps qu'il fait. Ceux qui me reprochent de la pratiquer sacrifient à la facilité. Ils ne prennent pas le temps de regarder ce que je fais, de réfléchir sur mon art. J'ai réalisé 26 pièces de ce genre. Ce n'est pas rien ! Et par rapport au fait que vous aimez être seul sous les feux des projecteurs ? Je ne peux pas être créateur sans être narcissique. Il n'existe pas de modestie dans l'art. Ceux qui proclament le partage dans la création sont soit fourbes, soit de mauvais artistes. Mais dire que je suis narcissique ne signifie pas que mon ego est assoiffé de reconnaissance, sans être rempli d'art. Mon narcissisme est fondé sur l'art, sur la familiarité avec les œuvres. Je dirais même plus : c'est un narcissisme qui me pousse à tout instant à donner le meilleur de moi-même, à ne pas insulter mon public. Quel est le thème de la pièce qui sera jouée ce mercredi ? De façon très concise : la pièce pose des questions sur al kawn, alka'ine, almoumkine et almaknoune (l'univers, l'être, le possible et le caché). Ce sont les quatre constituants du monde et des grandes interrogations de ceux qui y vivent. Ma pièce est fondée sur les textes du grand maître soufi, Abdeljabbar Nassri, qui vivait au 11e siècle. C'est une question qui a préoccupé tous les penseurs parce qu'elle porte sur le visible et l'invisible. Qu'est-ce un homme au milieu de ces composantes ? Une infime particule que le moindre souffle peut envoyer aux quatre coins du globe ? Ou bien le souffle qui produit du sens sur ces constituants, voire les génère. Vous utilisez quelle langue dans cette pièce: la darija ou l'arabe classique ? Je reste fidèle à mon attachement à une langue arabe claire. Mes pièces se constituent de 70% d'arabe classique et 30% de darija. Et je dois préciser que les spectateurs communiquent amplement avec la teneur de mes textes. Le peuple comprend mes textes. Des analphabètes n'ont aucun mal à en saisir la teneur et la philosophie. La langue arabe trouve des échos chez des gens simples. Ils comprennent les fondements esthétiques de mon théâtre : la langue n'est qu'une tôle qui sonne creux sans le sens qu'elle véhicule. Et c'est ce sens qui m'importe avant tout. D'ailleurs, ma darija est si précise, si pertinente lorsqu'elle est introduite dans une pièce de théâtre, qu'elle ne heurte personne, pas même des spectateurs en Tunisie ou dans un pays du Golfe. Elle est juste, parce que c'est la situation qui m'en dicte à chaque fois l'usage. Votre avez été cité dans un journal parmi la liste des ministres du prochain gouvernement. Qu'en pensez-vous ? Je suis d'abord à la fois honoré et heureux de figurer sur cette liste. La nouvelle récompense des années d'efforts assidus, forcenés pour la promotion de l'art et de la chose culturelle au Maroc. D'ailleurs, je ne suis pas un artiste dévoué seulement au théâtre. J'ai été pendant neuf ans journaliste culturel. Mieux, j'ai travaillé pendant cinq ans au cabinet de Saïd Belbachir, un ancien ministre de la Culture. Ceci pour dire que je ne suis pas étranger au monde du management culturel. Par conséquent, si l'on juge que je suis valable pour occuper le poste de ministre de la Culture, je ne peux que me réjouir de servir mon pays.