Pour pouvoir défier la grande Amérique, avec ses missiles, ses portes-avions, ses B52 et son alliance, il faut au moins avoir une mobylette qui fonctionne. C'est très important. Vous pensez bien que la fuite du Mollah Omar en moto n'allait pas nous laisser indifférent. C'est un fait remarquable dont il faut tirer les leçons sur le plan politique, culturel, sociologique et sportif. Un barbu borgne portant une gandoura et roulant à tombeaux ouverts sur une moto, ce n'est pas rien en ce début de troisième millénaire. Tout le monde sait que la foi fait courir, mais pas à ce point. Pas aussi vite, et pas en motocyclette. Un islamiste peut marcher sur le sentier de la vérité divine vers la lumière éclatante de la révélation absolue, mais on dit bien marcher. Se tirer en bécane, c'est autre chose. Ça doit être un stade suprême d'exaltation religieuse, une sorte de soufisme ambulant et pétaradant, que les croyants normaux comme nous ignorent. Cette piété-là n'est pas une affaire de piétons. Quand nous avons appris de sources motorisées que le Mollah Omar a pris la tangente, nous étions inquiets pour lui. Avait-il un casque ? Un accident est vite arrivé dans la banlieue rocailleuse de Kandahar. A-t-il pensé a renouveler l'assurance pour 2002 ? Les contrôles de police sont si fréquents ces derniers temps dans la région. Son réservoir était-il plein ? Une panne sèche n'est jamais drôle. A-t-il pris, sur lui, son coran de voyage? On n'est jamais à l'abri d'une crise de foi quand on est en déplacement. Maintenant, revenons aux leçons véhiculaires à tirer d'urgence de ce transport mystique. Un. Un taliban en fuite peut, s'il a les Américains aux trousses, enfreindre le code de la route. Ce n'est pas sûr qu'il portait un casque en dessous de son turban. Deux. Le Mollah Omar sait conduire une mobylette. Ceci nous rassure particulièrement parce que cela veut dire qu'il peut rapidement verser dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Qui conduit une moto peut naviguer sur Internet. Trois. Pour pouvoir défier la grande Amérique, avec ses missiles, ses portes-avions, ses B52 et son alliance, il faut au moins avoir une mobylette qui fonctionne. C'est très important. Voilà ce que nous pouvions dire sur ce fait d'arme extraordinaire du Motard Mollah Omar, l'inventeur d'un nouveau rite musulman fondé sur la vélocité de foi : l'Islam à moteur dont la nouvelle Mecque est certainement Le Mans, petite bourgade française bien connue pour ses 24 heures, du même nom, dédiés à la dévotion des pèlerins amateurs des deux roues. Finalement, ce qu'il faut retenir de ces deux zigotos que sont Oussama Ben Laden, un célèbre aviateur aux atterrissages spectaculaires, et Mollah Omar, un homme qui préfère la moto à la bicyclette, c'est qu'après avoir tué des centaines d'innocents à travers le monde, ils vont, avec leurs conneries, finir par nous tuer de rire.