Il est clair qu'à l'exception des verts et des communistes qui ont ouvertement demandé le rapatriement des soldats français, le reste de la gauche naviguait dans un gris clair qui en dit long sur la complexité de la posture. Le débat parlementaire français sur l'Afghanistan était plus destiné à évaluer le degré de préparation de l'armée française à évoluer dans un milieu hostile comme l'a montré la sanglante embuscade du 18 août qu'à trancher la validité de l'engagement militaire français dans les dangereuses montagnes de l'ancien antre d'Al Qaïda. Et même si le vote final de l'assemblée s'était conclu par une large majorité qui approuve le maintien des forces françaises par 343 voix contre 210, ce rapport de force arithmétique ne reflète pas la réalité politique du pays. Il est clair qu'à l'exception des verts et des communistes qui ont ouvertement demandé le rapatriement des soldats français, le reste de la gauche naviguait dans un gris clair qui en dit long sur la complexité de la posture. Noel Mamère, le député-maire de Bègles en Gironde avait sorti l'artillerie lustrée des grandes occasions pour fustiger cette aventure militaire française : «Nous refusons que soit versé le sang de nos enfants au nom d'une cause qui n'est pas la leur (…) Il faut se rendre à l'évidence, la coalition a perdu la guerre (…) Le président de la République et votre gouvernement doivent être considérés comme comptables de la mort de ces soldats, comme vous serez comptables de toutes les autres victimes civiles de cette sale guerre si vous maintenez nos troupes dans de telles conditions». Le gouvernement de François Fillon a opposé à cet argument l'impossibilité pour la France, membre permanent du Conseil de sécurité, présidente en exercice de l'Union Européenne de se dérober des ses responsabilités et d'ordonner le retour des ses soldats à la maison. Le ministre de la Défense, Hervé Morin, résume les conséquences d'une telle démarche : «Notre départ serait le signe dramatique de l'absence de volonté d'un pays alors que la communauté internationale toute entière est en train de combattre le terrorisme». Les députés socialistes avaient beaucoup de mal à clarifier leur approche. Même s'ils avaient voté contre la question du jour sur le maintien des soldats français en Afghanistan, l'argumentaire développé rajoute de la confusion. Le patron du groupe socialiste Jean-Marc Ayrault justifie le «Non» des socialistes par la volonté du PS, la dérive qui est à l'œuvre qui mène vers une «guerre d'occupation». Et de lancer cette affirmation qui donne du fil à retordre à tous les stratèges de la guerre en Afghanistan : «Nous ne votons pas contre la poursuite (de l'engagement français), nous votons contre une conception politique et militaire qui nous conduit dans une impasse». Cette position a été pointée du doigt par Hervé Morin, ministre de la Défense qui accuse les socialistes d'avoir «rompu avec l'unité nationale que nous avions depuis 2001 pour une seule et bonne raison (…) c'est que le PS est engagé dans un débat et un combat terrible en interne et que dans ce combat interne qui est le congrès de Reims, l'ensemble des problématiques nationales passent au second plan». En filigrane des critiques de la gauche en direction du gouvernement, les reproches faites à la politique de Nicolas Sarkozy de s'être aveuglement aligné sur le choix américain et de n'être qu'une force d'appoint sans aucune autonomie de commande ou indépendance de décision. Il est vrai que la crise afghane a été le grand théâtre d'opération sur lequel s'est tissée la grande réconciliation entre Américains et Français depuis l'élection de Nicolas Sarkozy. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner s'est proposé de démonter ce réquisitoire : «Vous dites que nous nous sommes alignés sur les Américains. Au contraire, nous sommes en train de définir une position commune des 25 pays européens engagés (en Afghanistan)…Toute la politique étrangère, ces temps-ci, que cela soit à Damas, à Tripoli, en Géorgie, c'est le contraire de l'alignement. Essayez de regarder les faits». Le débat français sur l'Afghanistan est en train de prendre des allures de débat américain sur l'Irak même si le premier est validé par une volonté internationale de combattre le terrorisme alors que le second est le fruit d'un coup de force illégal de l'Administration Bush.