Le prix du baril pourrait dépasser les 100 dollars. La hausse des cours aurait alors toutes les chances de se poursuivre en raison de la baisse de la production dans certains pays non membres de l'Opep. Les cours du pétrole, qui ont atteint mercredi pour la première fois 100 dollars le baril aux États-Unis, vont sans doute continuer à monter au cours des cinq prochaines années, sauf accident lié à un trou d'air économique, estiment nombre de spécialistes du secteur. La hausse des cours, enclenchée en 2002, devrait se poursuivre en raison de la baisse de la production dans certains pays non membres de l'Opep, d'une forte croissance de la demande des pays comme la Chine ou l'Inde et des tensions en matière de capacité de raffinage. La politique d'offre restreinte décidée par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole a contribué à faire monter les cours du brut américain de près de 58% l'an dernier, leur plus forte hausse en dix ans. Depuis 2000, les cours ont pratiquement triplé. «Le pétrole pourrait encore monter», estime Kris Voorspools, analyste chez Fortis à Bruxelles. «Il s'agit d'une simple question d'offre et de demande. La demande est en hausse et le secteur du raffinage a un problème structurel. Il y a une hausse de la demande pour des produits de meilleure qualité et les raffineries ne sont tout simplement pas capables de fabriquer ce genre de produits», explique-t-il. «Nous estimons difficile de concevoir un scénario qui n'intègre pas une hausse régulière des prix chaque année», renchérit Kevin Norrish, analyste chez Barclays Capital à Londres qui souligne que la demande se poursuit "malgré le niveau élevé des cours". L'Opep, source de plus du tiers du pétrole mondial, dit ne pas pouvoir faire grand-chose pour faire baisser les prix dans la mesure où la plupart des 13 membres du cartel produisent à leur capacité maximum. «L'Opep ne peut pas faire grand chose. La plupart des pays membres produisent à (pleine) capacité. À court terme, les pays consommateurs devraient baisser leurs taxes», a suggéré le président de la National Oil Corporation libyenne, Choukri Ghanem, joint mercredi par téléphone. «Si c'était lié à l'offre, nous pourrions agir, mais il s'agit de géopolitique. La spéculation est très forte. C'est un jeu pour spéculateurs», a confirmé le ministre qatari du pétrole Abdallah al Attiyah, joint également par téléphone. «Tous les facteurs qui nous ont fait monter au-dessus de 80 dollars sont en train maintenant de nous faire monter plus haut», constate Peter Beutel, analyste chez Cameron Hanover. «Aucun niveau de cours n'est à exclure tant que l'offre n'augmentera pas ou tant que la demande ne sera pas affectée». Pour l'instant, l'économie mondiale s'est accommodée de la flambée des cours de l'or noir. Le franchissement du cap des 100 dollars va-t-il mettre à mal cette résistance ? Les avis sont partagés. «On peut argumenter dans les deux sens», estime Nauman Barakat, chez Macquarie Futures USA, à la question de savoir comment allaient s'orienter les prix dans les trois à cinq années à venir. "Les prix pourraient monter beaucoup en raison de la forte demande du Brésil, de l'Inde et de la Chine, mais d'un autre côté, ils pourraient aussi fortement baisser dans la mesure où ces niveaux de prix pourraient entraîner une récession mondiale". De fait, la plupart des prévisionnistes tablent sur une poursuite de l'augmentation de la demande. L'agence internationale de l'énergie (AIE), dans les Perspectives énergétiques mondiales publiées le 7 novembre, a maintenu sa prévision pour un accroissement de 1,3% par an de la demande mondiale jusqu'en 2030, tout en révisant à la hausse ses estimations des prix de l'or noir. L'AIE n'exclut pas non plus la possibilité d'une offre insuffisante d'ici 2015 qui pourrait entraîner une véritable flambée des cours. «L'époque du pétrole bon marché est terminée», estime le Libyen Choukri Ghanem.