Le Premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne mènent actuellement d'intenses discussions en vue de la conclusion d'un accord-cadre sur la création d'un Etat palestinien. Ces pourparlers achoppent sur la délicate question des réfugiés. La rencontre à Jéricho, le 7 août dernier, entre Mahmoud Abbas et Ehoud Olmert, était certes symbolique. C'était la première fois qu'un chef de gouvernement israélien acceptait de rencontrer le dirigeant de l'Autorité palestinienne dans une ville de Cisjordanie. Grâce aux informations publiées ultérieurement par leur collègue Shimon Shiffer dans Yediot Aharonot, les journalistes israéliens, palestiniens et étrangers qui couvraient ce sommet ont compris pourquoi les deux hommes s'étaient singulièrement montrés avares de commentaires, positifs ou négatifs, à son issue. Parallèlement à leurs rencontres protocolaires et aux entretiens menés par le Premier ministre palestinien Salem Fayyed avec plusieurs responsables israéliens, dont le ministre de la Défense Ehoud Barak et la ministre des Affaires étrangères, Tsippi Livni, Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas ont d'autres occasions, quasi-quotidiennes, de discuter. Avec quatre de leurs conseillers, ils négocient d'arrache-pied, depuis plusieurs semaines, la conclusion d'un accord-cadre portant sur la création d'un Etat palestinien et sur les «questions finales», à savoir le tracé des frontières, le statut de Jérusalem-Est et le problème des réfugiés. Le texte qui tiendrait, dit-on, sur un feuillet à la dactylographie très serrée, est d'ores et déjà en partie rédigé. Mais les négociations achoppent actuellement sur la question des réfugiés. Selon des sources proches de la Primature israélienne, Mahmoud Abbas se montrerait intransigeant, refusant systématiquement les propositions israéliennes sur une compensation financière même généreuse et la solution d'une dizaine de milliers de cas «humanitaires». Le blocage des discussions n'est pas sans inquiéter les Etats-Unis pour lesquels la conclusion de cet accord-cadre est indispensable afin d'assurer le succès de la Conférence internationale de paix, prévue pour novembre. La signature préalable de ce texte servirait en effet de catalyseur à la relance du processus de normalisation diplomatique des rapports entre Israël et le monde arabo-musulman et à la naissance de ce « nouveau Moyen-Orient » que l'administration Bush appelle de ses vœux. C'est la raison pour laquelle la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, se rendra début septembre en Israël et dans les territoires palestiniens pour contraindre Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas à lever leurs ultimes désaccords. Et, éventuellement, pour les mettre en garde contre les solutions alternatives auxquelles les deux hommes continuent à réfléchir chacun de son côté. Car c'est bien là le problème, souligné par les meilleurs analystes de la presse israélienne : «Pour arriver à un accord, il faut d'abord que quelqu'un y croie de tout son cœur et y pousse de toutes ses forces. Or, le dialogue entre Olmert et Abou Mazen est malheureusement un dialogue de non-croyants», écrit l'un d'entre eux. Leur scepticisme les incite à rechercher des solutions de rechange qui suscitent l'inquiétude de l'administration américaine. Mahmoud Abbas menace ainsi de « passer la main » et de céder son fauteuil présidentiel à Ahmed Ranim, alias Abou Maher, un ancien haut responsable militaire de l'OLP, connu pour s'être opposé en son temps aux Accords d'Oslo. Car il pourrait reprendre, sous certaines conditions, le dialogue avec le Hamas. Et il serait, pour les Israéliens, un partenaire moins commode et moins sûr que l'actuel dauphin présumé d'Abou Mazen, Marwan Barghouti, dont le prestige peut rallier à un accord de paix la « rue palestinienne ». Mais encore faut-il qu'il soit libéré par les Israéliens ! Les rumeurs sur Ahmed Ranim, colportées par une partie de l'entourage d'Abou Mazen, sont une réponse à l'inquiétude suscitée dans les rangs palestiniens par la perspective d'une réouverture du dialogue entre Israël et la Syrie, Washington ayant levé son veto. Certes, depuis plusieurs semaines, tant à Damas qu'à Tel-Aviv, la presse distille quotidiennement des informations alarmistes sur les risques de guerre entre les deux pays, mais aussi les déclarations faites en sens contraire par leurs dirigeants, le président Bachar Al Assad comme le Premier ministre Ehoud Olmert. Pour les Palestiniens, il s'agit d'un écran de fumée. Ils craignent que les Israéliens, comme ils l'ont fait à deux reprises dans le passé, ne soient tentés de jouer la «carte syrienne» au détriment de la carte palestinienne comme ils n'ignorent pas que Damas fera passer la récupération du Golan avant la solidarité avec les Palestiniens. Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas campent actuellement sur leurs positions, chacun étant persuadé qu'il dispose d'une carte secrète, qui pourrait le dispenser de la conclusion du fameux accord-cadre. En se rendant de manière imprévue dans la région, Condoleezza Rice entend les ramener à la raison et les contraindre à un accord avant la tenue de la Conférence internationale de paix. Elle sait qu'elle pourra invoquer le soutien à son initiative des pays arabes modérés pour lesquels l'absence de progrès dans le processus de paix est une menace pour leur stabilité même, une menace qui prime sur toute autre considération.