L'explosion de deux kamikazes, samedi matin à Casablanca, a provoqué un traumatisme psychologique chez de nombreux citoyens. ALM s'est rendu à l'hôpital Moulay Youssef pour les rencontrer. Hasna Mousaddak et Saâdia Bousaâd ont passé la nuit de samedi à dimanche à l'hôpital Moulay Youssef de Casablanca. Elles font partie des 23 victimes des actes terroristes qui ont secoué le centre de la métropole le samedi matin, à quelques mètres, d'ailleurs, de cet hôpital, au boulevard Moulay Youssef. Hasna et Saâdia ont été les seules à avoir été retenues par les médecins pour une nuit d'observation. Le choc qu'elles ont subi, la veille, hante leur esprit au point de les paralyser. Dimanche matin, allongées sur leur lit, à la chambre 8 du troisième étage de l'hôpital (service de chirurgie aile B), elles essaient de s'en remettre. Le Dr. Mohammed Najim, spécialiste en chirurgie générale, est là pour les aider à y arriver. «On essaie de réanimer la psychologie de la personne, de lui redonner espoir», affirme ce spécialiste qui reconnaît, cependant, que cette tâche est des plus difficiles : «Le problème psychologique est plus grave que le problème organique. Ce à quoi ont assisté les témoins des explosions des kamikazes a provoqué chez eux un état de panique qui dépasse leur pensée. Ces témoins souffrent d'une angoisse extrême qui entraîne un sentiment d'insécurité». En effet, les images terribles de ces deux kamikazes qui se sont faits exploser, l'un près du centre américain, et, l'autre près du consulat du même pays, restent indélébiles pour Hasna et Sâadia. Elles n'arrivent toujours pas à croire ce qu'elles ont vu. «Avant de me rendre au collège (Ibn Khaldoun), je suis allée au kiosque, qui se trouve dans le jardin sur le boulevard. Il était près de 8h50, lorsque j'ai entendu une grande déflagration. J'ai demandé au vendeur ce que c'était et il m'a répondu que cela pouvait être des travaux dans un chantier en construction», raconte Hasna, 18ans. Seulement voilà, il ne s'agissait pas de travaux et Hasna s'en rendra compte très vite en voyant les gens courir. Là la catastrophe : un kamikaze se fait exploser devant les yeux de cette jeune fille. «C'était à peine à quelques mètres de moi. J'ai vu cet homme en noir se déchiqueter. Ses membres inférieurs sont restés au sol, alors que ceux supérieurs ont projeté vers le haut par la violence de l'explosion», déclare Hasna. Elle passe ses mains sur son visage comme pour se calmer avant de poursuivre son récit : «Et tout de suite après, un homme qui était poursuivi par les gens m'a attrapée. C'était un autre kamikaze. Je pensais que c'était la fin de ma vie et je ne voulais pas mourir de cette façon. J'avais la peur au ventre, quand un policier en uniforme m'a poussée avec force pour me sauver. Je ne me rappelle, malheureusement, pas de son visage, parce que je me suis évanouie». Hasna a eu la vie sauve et elle n'y croit toujours pas. Elle s'en est sortie avec de simples contusions dues à sa chute sur le trottoir lorsque le policier l'a libérée de la bombe humaine qui aurait pu se faire exploser. Son état émotionnel, lui, doit être suivi. Moins lucide que Hasna,mais tout aussi courageuse Saâdia, employée dans une société d'avocats, travaillait ce matin-là lorsqu'elle s'est trouvée tête à tête avec cet homme avec la ceinture d'explosifs. «J'ai vu le premier kamikaze du balcon lorsqu'il s'est déchiqueter. Sa partie supérieure a atterri sur un palmier. C'était horrible ! Prises de panique, mes collègues et moi voulions quitter la société lorsqu'un homme s'est pointé devant l'entrée. J'étais devant lui et c'était lui le troisième kamikaze qu'on recherchait», dit-elle, bouleversée. Saâdia a été admise à la réanimation, à deux reprises. Ses jambes, elle les bouge très difficilement, car le choc les a presque paralysées. Il y a quelques heures, Saâdia avait même des difficultés à bouger ses mains normalement. Mais, ce matin, elle se remet peu à peu : «Le médecin m'a demandé de faire appel à ma foi, d'oublier la peur et de vivre pour demain», confie-t-elle. Ce soutien psychologique, ces témoins en ont besoin et grand besoin même, comme le souligne Dr. Najim : «On leur a donné, dès leur arrivée, de l'oxygène et des injections de valium et d'équanil pour les apaiser. La majorité des victimes qu'on a reçues, samedi, dès 9h30, souffrait d'un choc psychologique». Elles sont, au total, 18 sur 23, à présenter un traumatisme dû à la panique. A l'occasion, toute une équipe pluridisciplinaire, coordonnée par le directeur de l'hôpital, Dr. Fouad Jettou, a été constituée pour répondre aux besoins des victimes. Cinq visites médicales et psychologiques ont été effectuées de 9h30 à 17h. «Il est prévu que dans dix jours, l'ensemble des victimes reviendront pour un suivi et une orientation médicale», explique Dr. Najim. D'ici là, les victimes devront prendre des tranquillisants pour se soulager.