Fès. La vengeance, dit-on, est un plat qui se mange froid. Pour le jeune A C., c'est du pur surgelé. Il a attendu quinze longues années avant de tuer à coups de couteau celui qui l'avait violé. Le 8 mars 2007, les services de police de Fès ont procédé à l'arrestation d'un jeune homme de 29 ans qui a tué un vieil homme âgé de 70 ans, en lui assénant plusieurs coups de couteau au niveau du cou. Aux enquêteurs, ce jeune chômeur a expliqué avoir été violé par sa victime alors qu'il n'avait que quatorze ans. Selon lui, ce viol l'a marqué à jamais et l'a en quelque sorte traumatisé. Le souvenir d'une enfance abusée le hantait en permanence et lui faisait passer des nuits blanches. Enfant, il vivait dans la même maison du quartier Klaklyienne où habitait son violeur. L'enfant devenu adulte a même quitté pour s'installer dans un autre quartier; Sidi Boujida, une agglomération populaire marginalisée et connue pour sa violence et son taux de criminalité élevé. Les années ont succédé aux années et le temps n'a pas, apparemment, dissipé la volonté ardente de vengeance qui habitait en permanence AC. Au début de l'année en cours, le hasard a voulu que le jeune homme croise son «violeur » dans le même quartier et c'est alors que resurgissent les images atroces du viol. C'est ainsi qu'il a commencé à guetter l'occasion propice pour mettre fin à la vie de son «agresseur» et laver son honneur bafoué et souillé. Le désir d'assouvir sa vengeance se faisait plus tenace. Selon certains habitants du quartier Klaklyienne, le jeune homme entretenait une bonne relation avec son violeur et certains pensaient même qu'il était son fils adoptif. Le jour «J», affirment des voisins, le jeune homme était chez le vieillard et en pleine discussion, il lui lança, calmement et mine de rien, un laconique «va faire ta prière car c'est ton dernier jour». Le septuagénaire qui n'a pas pris au sérieux cet avertissement, lui demanda même de lui apporter de l'eau pour faire ses ablutions. C'est le moment choisi par le jeune homme pour lui asséner trois coups de couteau au cou. Plusieurs voisins ont expliqué que le jeune chômeur était une personne « anormale, lunatique et coléreuse». «Il s'irritait facilement et était trop susceptible», confie un jeune homme du quartier. «Il manifestait souvent des signes d'hostilité mais aussi de repli et il fallait prendre des pincettes pour lui parler tout en ménageant sa fragilité», précise ce voisin qui rappelle qu'après avoir tué le vieil homme, il était entré «dans une hystérie indescriptible». Il est maintenant derrière les barreaux et attend de passer devant la justice.