Mohamed Moujahid, secrétaire général du Parti socialiste unifié, affirme qu'il est nécessaire d'agir en profondeur contre la corruption. Il estime également qu'aucune action commune avec l'USFP n'est à l'ordre du jour. ALM : Quelle est la position de votre parti concernant la polémique actuelle autour de la deuxième Chambre et les élections de vendredi prochain ? Mohamed Moujahid : Notre position est claire et elle reste toujours la même. Cette deuxième Chambre a été créée dans un contexte historique et politique particulier et au moment où le pouvoir avait besoin d'une sorte de base de repli ou de soupape de sécurité si l'on veut. Aujourd'hui, nous considérons que les conditions des années 1990 relèvent du passé et que cette Chambre n'a plus de raison d'être. Ceci d'autant plus que, d'un côté, elle constitue un frein au bon déroulement de l'action législative puisqu'elle se penche, presque avec les mêmes prérogatives, sur les mêmes textes discutés ou adoptés en Chambre des députés. D'un autre côté, les élections pour y accéder sont devenues une véritable aubaine pour les corrupteurs de tous bords. Ces scrutins offrent la triste occasion de traîner dans la boue l'image de tout un pays. Un courant au sein de votre parti a décidé de faire du 8 septembre une journée de protestation contre cette Chambre. Qu'en est-il de toutes les composantes du PSU ? Le courant auquel vous faites référence a proposé cela, mais la décision revient aux organes de décision du parti. Cela dit, nous partageons le même avis et nous dénonçons la corruption qui bat son plein actuellement à travers le pays. Pour rester cohérents avec nos positions, nous avons demandé à nos militants, dans les régions, de ne pas présenter leurs candidatures et de ne pas participer à ce scrutin. Toutefois, nous avons fait une exception en demandant aux militants du PSU de soutenir quelques candidats du Parti du progrès et du socialisme (PPS). Mais, là aussi, nous avons laissé toute la latitude à nos militants pour juger eux-mêmes de l'opportunité de le faire ou non conformément à l'opinion qu'ils se seront faite des candidats en question. Pour nous, il s'agit aussi de renforcer les liens avec les forces démocratiques de gauche, mais tout cela ne change en rien la position de principe de notre parti. Le gouvernement dit ne pas disposer de preuves accablantes pour sévir contre les contrevenants dans les cas de corruption soulevés par la presse. Qu'en pensez-vous ? La collecte de preuves pose problème un peu partout dans le monde, vu que pareils agissements se passent généralement en vases clos. Cependant, au Maroc, tout le monde sait exactement ce qui se passe et où cela se passe. Si le gouvernement, à travers ses départements compétents, a la volonté de dénicher les preuves contre les fraudeurs, il pourra le faire. Le problème est que la corruption devient un phénomène général et que, pour lutter contre elle, il faut un travail en profondeur et la mise en place d'une véritable stratégie pour l'ensemble du pays. On ne parle de corruption que lors de la tenue des élections alors que le phénomène est plus étendu aux rouages de la justice et de l'administration. C'est notre position et nous considérons qu'il est inacceptable qu'on se rende à une quelconque fatalité. Vous évoquiez tout à l'heure la gauche. Qu'en est-il des appels de l'USFP pour l'union des efforts en vue de l'émergence d'un grand pôle de gauche ? Ce sont des discours destinés à la consommation médiatique. Dans la pratique, c'est tout le contraire qui se passe et l'on ne peut évoquer la moindre collaboration. Pour le moment, l'USFP considère l'action commune comme étant une mise en concordance des points de vue. Ce parti ne réserve, de ce fait, aucune place à la divergence, au pluralisme et au respect de l'autre. Comment peut-on parler d'une quelconque union alors que la presse de ce parti ouvre ses colonnes à de graves attaques contre les symboles du PSU ? Pour ce qui est de la Koutla, ils ont pris la décision de nous en exclure en affirmant que nous étions un nouveau parti. C'est une grave falsification de l'histoire car, comment oublier que l'OADP (Organisation de l'action démocratique et populaire, NDLR) dont nous sommes les héritiers a été fondatrice de la Koutla. La réalité est que le PSU dérange beaucoup de milieux par son indépendance. Le processus d'union que nous avons initié avec les autres forces de la gauche dérange également. L'USFP, qui est adepte de méthodes inacceptables pour nous, s'est fait le principal défenseur du seuil de 7 % des suffrages pour la répartition des sièges après les élections de 2007. Pire, ce parti défend le seuil de 3 % des voix obtenues en 2002 pour se porter candidat sans devoir quémander des centaines de signatures. En clair, l'USFP veut nous exclure du scrutin de 2007 et mettre à l'écart 70 % des partis. C'est contraire à l'éthique et aux règles de démocratie les plus élémentaires. Pour revenir à un fait qui a suscité une grande polémique, quel a été l'objectif des réunions de membres dirigeants du PSU, dont vous-même, avec Fouad Ali El Himma ? La presse en a fait ses choux gras. Moi, je peux vous affirmer qu'il s'agissait d'une rencontre normale avec des responsables gouvernementaux. Nous sommes un parti qui a des fondements et des principes et, en même temps, nous aspirons à contribuer aux réformes nécessaires au Maroc. Je ne vois pas pourquoi on veut nous interdire d'entrer en contact et de nous concerter avec d'autres acteurs qui travaillent aux mêmes fins. Cette affaire a été grossie plus qu'il ne le fallait. Des centaines de rencontres, par exemple, sont tenues chaque année entre l'Exécutif et d'autres partis et personne n'arrive à être au courant. Nous sommes un parti transparent et nous ne cachons rien. Il n'est pas dans les traditions du PSU de travailler dans l'obscurité.