De 9h à 11h, chaque vendredi depuis trois ans, Alhassan Aït Belaïd, alem chevronné et prêcheur à la mosquée El Mohammadi du quartier Habous, parle à la radio de religion et de vie quotidienne. Vendredi, 11h. Alhassan Aït Belaïd, animateur sur Casa 103,1 FM de l'émission hebdomadaire «Din wa Mouaamalate», traduisez : Religion et Comportements, vient de boucler ses deux heures d'antenne. Mais pour lui, le contact direct avec les auditeurs n'est pas terminé. Sur son téléphone portable, les appels retentissent à la chaîne. Les questions, les confessions, les appels à l'aide et au soutien spirituel se poursuivent sans relâche jusqu'au moment où, arrivé devant la mosquée El Mohammadi du quartier Habous dont il est le prêcheur, Alhassan Aït Belaïd éteigne son GSM. Ce matin, comme d'habitude, M. Belaïd a eu son lot de conflits familiaux, de contestation d'héritages, de drames conjugaux, de questions de mœurs et de querelles de voisinage. Par exemple, le cas de ce couple qui se plaint de son voisin, homme de peu de foi, qui rentre chez lui à des heures très tardives et régulièrement ivre, s'en prend alors à sa femme et inflige à ses voisins les échos de violentes disputes agrémentées de jurons blasphématoires. Au micro, le alem s'empresse de déconseiller au couple importuné de se plaindre à la police. Il lui propose d'inviter plutôt l'homme à venir prendre le thé «même si c'est un alcoolique, choisissez le moment où il sera sobre...» pour le sensibiliser à l'indignité de son comportement… Cela fait trois ans maintenant que Casa FM diffuse la bonne parole d'Alhassan Aït Belaïd, ex-membre du Conseil scientifique des oulémas de la région de Casablanca, professeur d'instruction et études islamiques et prêcheur de la mosquée El Mohammadi du quartier Habous. Pas étonnant que son personnage ait fini par s'inscrire dans la mythologie populaire casablancaise. Pour autant, son public ne se limite pas à cette frange de Casablancais traditionnellement qualifiée de populaire. C'est ainsi que parmi les fidèles de ce alem radiophonique, on trouve par exemple Kawtar, marketicienne de 24 ans qui reconnaît sans fausse honte ne pas être musulmane pratiquante mais qui manque rarement ce rendez-vous hebdomadaire avec la religion abordée sous l'angle du comportement quotidien et de la tradition sociale marocaine. Kawtar qui s'est d'ailleurs sentie interpellée par l'un des sujets traités lors d'une précédente émission : le cas de ces hommes qui se remarient le soir même du décès de leur épouse et auxquels M. Aït Belaïd conseille «d'attendre au moins trois jours». «Sachant que l'homme n'est pas tenu par l'islam à la retraite légale comme c'est le cas pour la femme, fait observer Kawtar, on ne peut que féliciter ce aalem de tempérer ainsi les comportements de ces hommes qui se soucient davantage d'assouvir leurs appétits que de prendre soin de leurs enfants...». Il y a aussi Youssef, 37 ans, l'un de ces Casablancais très occidentalisés que l'on imaginerait plutôt branché sur France-Culture mais qui se trouve faire partie d'un cercle de prières soufi et qui apprécie énormément la lettre et l'esprit de cet imam véritablement proche des gens : «Ce sont des hommes de religion tels que lui, explique Youssef, qui nous permettront de résister collectivement à la contagion fanatique. Parce qu'il parle la langue simple et directe du peuple, qu'il ne juge pas, ne condamne pas, se soucie avant tout d'apaiser les âmes en peine et ne fait pas de prosélytisme». L'objectif de M. Aït Belaïd ? Il s'en explique très modestement : «Je m'efforce de faire sentir à quel point «la porte de Dieu» demeure ouverte devant tout un chacun, quels que soient son mode de vie ou ses fautes passées. J'essaie aussi, du mieux que je peux de rendre l'Islam agréable à ceux qui en auraient une image fausse ou déformée…». Et pour être certain de toucher tous les Casablancais, il anime également, de 17h à 18h30 chaque vendredi, une émission de même nature en langue amazighe intitulée «Anmouggar Nfifawine» ce qui signifie saison de lumière. On ne saurait mieux la qualifier.