Selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 840 millions de personnes dans le monde continuent de souffrir chroniquement de sous-alimentation, principalement dans les pays en voie de développement. Mais, depuis quelques années, ces pays sont confrontés à un mal nouveau : l'obésité. Toujours durement touchés par l'insuffisance alimentaire, les pays les plus pauvres de la planète souffrent désormais également de son contraire, c'est à dire de l'obésité. La FAO estime que 95% des personnes victimes de sous-alimentation chronique vivent dans les pays en voie de développement. Le colloque organisé le 15 octobre à Paris sur le thème «Le monde peut-il nourrir le monde?» a présenté les politiques nationales et internationales susceptibles de remédier à ce fléau, ainsi que les questions sanitaires liées à la malnutrition et à la surnutrition. Pour l'un des intervenants, Francis Delpeuch , directeur de l'Unité de Recherche de nutrition, alimentation et société de l'Institut de Recherche pour le Développement, à Montpellier (France), l'obésité est un mal nouveau qui frappe désormais les pays en développement, et non plus seulement les pays riches et industrialisés (Europe et Etats Unis). Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on comptait environ 200 millions d'obèses dans le monde en 1995.Cette évaluation atteindrait aujourd'hui les 300 millions de personnes, dont 115 millions dans les pays en voie développement. Et ce chiffre devrait encore augmenter dans les prochaines années. A tel point que l'organisation n'hésite pas à parler «d'épidémie mondiale». Une évolution de la surcharge pondérale et de l'obésité alarmante dans les pays en voie de développement Rappelons que l'obésité, au sens clinique, est établie lorsque l'indice de masse corporelle (IMC) donne le chiffre de 30 et plus. Cet indice est calculé en divisant le poids par la taille au carré. L'état normal varie entre 18,5 et 24,9 et le surpoids commence à partir de 25. L'augmentation de la masse graisseuse entraîne de multiples problèmes de santé, tels le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les problèmes liés aux muscles et au squelette, ainsi que certains cancers. Cette évolution de la surcharge pondérale et de l'obésité est constatée dans toutes les grandes régions du globe . Au Maroc, une étude réalisée en 1999 a révélé qu'environ 11,4% de la population adulte, soit près de 300 000 personnes sont obèses ( IMC 30 ) et environ 8,1% de la population souffre d'un excès de poids (IMC entre 25 et 30). En Tunisie, le taux de surpoids est passé d'environ 28% à 42% en 1997. L'obésité frappe également l'Afrique subsaharienne, où vivent la plupart des populations sous-alimentées du monde (12,1%), et l'Egypte (33%). Cette maladie touche plus facilement les femmes que les hommes. Les nutritionnistes expliquent par ailleurs que les enfants insuffisamment nourris pendant leur enfance peuvent développer, lorsque leur alimentation devient plus riche, une pression sanguine plus élevée ou une obésité. Il n'est pas rare non plus de constater, dans une même famille, la cohabitation d'un enfant souffrant de carences alimentaires et d'un adulte atteint de surcharge pondérale. L'industrialisation de l'alimentation et le manque d'activité physique, associés à l'urbanisation, expliquent pour une grande part le développement de cette épidémie mondiale, que l'on rencontre surtout dans les villes des pays en voie de développement. Les populations passent alors d'un régime alimentaire traditionnel reposant sur les céréales, racines ou tubercules, comportant une faible proportion de lipides, peu de produits d'origine animale et une forte teneur en fibres, à une alimentation beaucoup plus riche en sucre, en lipides, en sel et, au total, en calories. Ce qui représente un changement considérable pour les populations qui ont, jusqu'à présent, surtout été confrontées à la pénurie. Une étude portant sur 133 pays en développement indique que la migration dans les villes peut entraîner jusqu'à un doublement de la consommation de plats gras et sucrés, peu chers et immédiatement disponibles, au détriment d'une nourriture traditionnelle plus coûteuse et nécessitant un temps plus long de préparation. Il a été constaté que l'accès faible à des huiles peu onéreuses a joué un rôle prépondérant en raison d'une production industrielle généralisée à bas prix. Ce qui a entraîné la multiplication par quatre de la consommation des huiles végétales par personne dans le monde au cours des quarante dernières années. A cela s'ajoute la diminution de l'activité physique. L'accès à des moyens de transports, la mécanisation du travail et la sédentarisation, l'augmentation des loisirs passifs, comme le cinéma et la télévision, jouent certainement un rôle dans les changements observés dans les pays en voie de développement. Malheureusement, seuls les milieux favorisés et plus éduqués sont capables de renverser cette tendance en prenant en compte cet aspect du problème dans leur vie quotidienne. Toutes ces données indiquent « que le problème de la malnutrition devient plus complexe et que les stratégies de lutte des pays et des organisations internationales devront s'attaquer au triple fardeau qui pèse désormais sur les pays en développement : les maladies infectueuses, les carences alimentaires et les maladies chroniques liées à la surcharge pondérale» a précisé Francis Delpeuch lors du Colloque "Le monde peut-il nourrir le monde?". • Source : Brand Experience