Des centaines de bébés, abandonnés par leurs parents biologiques, sont en attente de futures familles à la Maison d'enfants Lalla Hasna. Habiba Alaoui, présidente déléguée de l'association Al Ihssane, aborde ce problème social. ALM : Depuis 1989, l'association Al Ihssane assure la gestion de la Maison des enfants Lalla Hasna, qui accueille les bébés abandonnés à la naissance jusqu'à l'âge de la scolarité (six ans). Combien d'enfants ont été accueillis par l'association depuis sa création ? Habiba Alaoui : Depuis sa date de création en 1989, l'association Al Ihssane a accueilli 1977 filles et garçons dont près de1200 enfants ont été pris en charge par des familles par le biais de la Kafala. Près de 95 % sont pris en charge par des familles vivant au Maroc et près de 8 % par des couples musulmans non marocains. L'effectif actuel est de 306 dont 54 enfants handicapés mentaux. Quelle est la procédure de la Kafala à suivre pour prendre en charge un enfant? Et quels sont les critères requis pour les futurs parents ? Il faut noter tout d'abord que, contrairement à ce qui se dit, la procédure est simple. Elle se résume en quelques étapes. Au sein de l'association, il y a une commission qui s'en occupe. Nous effectuons un entretien avec le couple pour savoir s'il est capable de prendre en charge le bébé. Notre assistance sociale mène ensuite une enquête sur le terrain sur les futurs parents. La visite médicale de ces derniers est également requise pour s'assurer qu'ils n'ont pas une maladie contagieuse. La durée maximale pour recevoir une réponse autorisant une "Kafala" est de cinq mois. Ce qui est moins de 9 mois, durée de la grossesse. Par ailleurs, grâce à la nouvelle Moudawana, la femme célibataire ou divorcée a désormais le droit de prendre en charge un enfant abandonné. Ce qui n'était pas le cas auparavant. Concernant les critères requis, il faut que la future famille soit de confession musulmane. Pour ceux qui vivent en dehors du Maroc, il faut que le pays où ils résident reconnaissent la Kafala pour qu'il leur livre le visa pour l'enfant. Plusieurs pays d'Europe comme la France, la Belgique et l'Italie ne reconnaissent pas la Kafala mais uniquement l'adoption et, par conséquent, refusent de délivrer des visas aux enfants pris en charge. Quelle est la différence entre la Kafala et l'adoption de point de vue juridique ? La Kafala est une procédure différente de l'adoption. L'enfant pris en charge n'est pas inscrit dans l'acte de l'état civil du père comme c'est le cas lorsqu'il s'agit d'une adoption. Dans la religion musulmane, l'adoption est exclue. Auparavant, dans le cas de la Kafala, l'enfant ne portait même pas le nom du père. Actuellement grâce à une nouvelle loi inclue dans la Moudawana, l'enfant porte le nom du père adoptif, mais le prénom de celui-ci n'est pas inscrit dans le certificat individuel d'état civil de l'enfant. Vous avez organisé le dimanche dernier une table ronde sur "la Kafala des enfants privés de familles". Quel est l'objectif de cette rencontre ? En effet, nous avons tenu le dimanche 7 mai une table ronde sur ce thème. Les différents aspects religieux, juridiques et socio-psychologiques y ont été développés par d'éminentes personnalités. L'objectif était de lever le tabou sur la Kafala. Plusieurs personnes dans la société marocaine pensent que ces enfants abandonnés par leurs parents biologiques sont issus de la prostitution. Ils n'osent même pas s'en approcher. Et encore moins de les accueillir chez eux et en prendre soin. La société est impitoyable avec eux. C'est pourquoi nous visons à sensibiliser le grand public et à inciter les familles d'aider ces enfants à s'épanouir et à s'intégrer dans la société. Ces enfants sont innocents et ne sont pas responsables des agissements de leurs parents biologiques. De plus, nous ignorons l'histoire de ces parents. Nous ne pouvons pas les juger. Il faut noter que le nombre des enfants abandonnés va crescendo chaque année. Il est temps que les choses changent. N'oublions jamais ce que le Prophète a dit "Moi et le Kafil (la personne qui prend en charge un enfant) irons au Paradis".