La démocratisation du régime espagnol a permis l'adhésion en 1986 de l'Espagne à l'Union européenne. On peut considérer cette dernière date, comme le démarrage de son fulgurant développement économique et social. En effet, l'Espagne a dû satisfaire à beaucoup de conditions pour entrer dans l'Union européenne. L'Espagne a connu ces dernières années un développement remarquable. On se rappelle tous de l'Espagne des années 60, qui était encore peu développée, mal équipée et aux mœurs surannées. L'Espagne d'aujourd'hui dispose d'un PIB par habitant de 23.000 euros, soit l'équivalent du PIB de l'Europe à 25. Son économie est florissante, grâce à un produit intérieur brut de 837 milliards d'euros en 2004, composé à 60,5% par les services, 14,3% par l'industrie, et seulement 3% par l'agriculture. Cette structure du PIB correspond à celle d'un pays développé. Les points forts de l'économie espagnole sont les services, et notamment le tourisme (53 millions de touristes en 2004), et un industrie diversifiée et performante, qui a exporté en 2004 l'équivalent de 215 milliards d'euros de biens et de services. Les raisons de l'essor de l'Espagne sont de plusieurs types. D'abord le régime franquiste (1939-1975), tout en étant autoritaire et peu respectueux des droits de l'Homme, a apporté au peuple espagnol la discipline, l'intégrité morale, l'éducation, et le goût du travail. Il fut suivi par une large démocratisation du système politique après l'accession au trône du Roi Juan Carlos. En effet, la nouvelle Constitution espagnole de 1978 élargit considérablement le champ des libertés et des droits du citoyen. Elle définit et fixe les prérogatives des principales institutions : le Roi qui règne mais ne gouverne pas, le gouvernement qui dispose de très larges prérogatives, le Parlement, la Justice, et consacre de nombreuses dispositions aux communautés autonomes. La transition démocratique s'est passée dans de bonnes conditions, ne s'attardant pas sur les erreurs du passé, mais regardant plutôt l'avenir, et intégrant l'alternance gouvernementale. La démocratisation du régime espagnol a permis l'adhésion en 1986 de l'Espagne à l'Union européenne. On peut considérer cette dernière date, comme le démarrage de son fulgurant développement économique et social. En effet, l'Espagne a dû pour entrer dans l'Union européenne, satisfaire aux conditions d'adhésion, en mettant au standard européen sa législation dans tous les domaines. Elle a aussi bénéficié d'une importante aide technique et financière de l'Union européenne, pour mettre à niveau son économie. L'Espagne a compris que son avenir et sa prospérité sont liés à l'Europe, et c'est pour cela qu'elle a toujours défendu la construction européenne. La preuve en est l'adoption de l'euro en lieu et place de la Peseta, et le vote positif au référendum concernant le Traité Constitutionnel de l'Europe. L'Espagne a mis au point également un système éducatif généralisé et de haut niveau, aussi bien dans le public que dans le privé, fournissant aux secteurs productifs des cadres bien formés et motivés. On peut se poser la question suivante : est-ce que le modèle espagnol est transposable au Maroc ? Sur le plan économique, oui. Notre pays a, en effet, tout intérêt à se rapprocher de l'Europe pour des raisons géographiques et historiques. Feu le Roi Hassan II avait d'ailleurs demandé l'adhésion du Maroc à l'Union-Européenne. Nous avons tout intérêt, comme l'Espagne, à moderniser notre agriculture, développer notre tourisme, diversifier notre industrie, promouvoir les investissements étrangers et les exportations. Le partenariat entre le Maroc et l'Espagne devra dans l'avenir se renforcer davantage, dans l'intérêt bien compris de nos deux pays. Sur le plan politique, je ne pense pas que le modèle espagnol est transposable dans notre pays dans l'immédiat. Nous avons un taux d'analphabétisme de 42,7%, et la pauvreté touche encore 14,2% de notre population, selon le dernier recensement réalisé par le Haut Commissariat au Plan en 2004. D'autre part, nous avons une pléthore de partis politiques, dont la plupart ne sont pas structurés. Aussi, faut-il d'abord s'atteler à relever le niveau d'éducation de notre peuple, éradiquer la pauvreté, structurer notre champ politique et promouvoir les réformes. Il est indispensable que la nouvelle loi sur les partis politiques, adoptée par le Parlement, soit mise en application dans les meilleurs délais. La monarchie jouit dans notre pays d'un prestige considérable, et joue un rôle décisif. C'est un garant de l'unité de notre pays, qui est multi-ethnique et multiculturel. Elle constitue un garde-fou contre toute dérive extrémiste. Elle est capable, alliée aux forces progressistes de notre pays, de promouvoir les réformes politiques, économiques et sociales. Rappelons-nous le rôle décisif qu'elle a joué dans la récente réforme de la Moudawana. Notre pays peut atteindre à moyen terme un système politique, où règneraient la démocratie, le respect des droits de l'Homme, l'Etat de droit, l'alternance politique, la séparation et l'équité de la justice. Un pays où toutes les libertés seraient admises et respectées, où chacun peut choisir son style de vie comme il l'entend, dans le cadre bien sûr de la morale et des lois en vigueur. Un pays moderne, ouvert sur l'extérieur, où la pauvreté serait éradiquée, et où règneraient l'égalité entre hommes et femmes et l'égalité des chances. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, toutes les forces progressistes de note pays doivent se réunir et se mobiliser, approfondir les problèmes concrets de notre société, proposer des solutions, en mettant en œuvre les réformes structurelles indispensables. Elles doivent également conduire des actions de proximité, répondre aux besoins réels des populations, surtout les plus défavorisées. Il serait souhaitable que les leaders de la société civile créent de nouveaux partis, ou adhèrent à ceux existants, car en démocratie, c'est à travers les partis politiques que les idées peuvent être transformées en programmes politiques, et mises en application. L'échéance 2007 est proche, et il faut aller vite. • Par Jawad Kerdoudi Président fondateur de l'Institut Marocain des Relations Internationales