Si on peut regretter quelques lieux commmuns servis par une animatrice très peu inspirée, le caractère creux aussi de certains discours officieux, l'émotion était au rendez-vous avec le lancement du 3ème Festival du court-métrage méditerranéen de Tanger. Le 3ème Festival du court-métrage méditerranéen a déplacé, samedi 10 septembre au soir, plus d'un millier de spectateurs. La mythique salle du cinéma Roxy, construite dans les années 30 du siècle précédent, et restaurée l'an dernier, a pour une fois montré ses limites. Il ne faut pas y voir un effet de "remplissage", fini le temps où "certains", abusant de leur pouvoir au sein du CCM, cherchaient des "invités" au sein de leurs familles, amis et proches. Les nombreux cinéastes marocains, qui ont été invités et pris en charge par le CCM, n'ont pas manqué de saluer ce beau revirement. Pas plus que d'autres amateurs du 7ème art, dont des écrivains, des personnalités du monde du spectacle, le tout rehaussé par la présence de deux ministres-intellectuels, MM. El Gahs (secrétaire d'Etat chargé de la Jeunesse) et Mohamed Achaâri (ministre de la Culture). Le ministre M. Nabil Benabdellah, lui, a été représenté par le secrétaire général du Département de la Communication. Nour-eddine Saïl, directeur général du Centre cinématographique marocain, a été, avec le président du jury du 3ème FCMT, Jean François Amiguet, le clou de la soirée d'ouverture. Bref, spontané et émotif, le DG du CCM a souligné que "nous n'aurions pas pu nous rencontrer hic et nunc (ici et maintenant) s'il n'y avait pas ce festival", avant d'enchaîner sur une remarquable note d'humilité: "Ce festival n'aurait pu exister non plus sans tous ces efforts collectifs déployés et particulièrement celui d'un ministre-poète". Mohamed Achaâri, puisque c'est de lui qu'il s'agit, sera invité par M.Saïl à "improviser" un mot. Pris au dépourvu, M. Achaâri a su trouver les paroles convenables pour saluer ce festival né de l'idée partagée de réhabiliter ce qu'il a appelé "la poésie du cinéma": le court-métrage. "Le court-métrage doit être traité sur un pied d'égalité avec le long-métrage, c'est-à-dire comme un genre à part entière", a-t-il plaidé. Echappant à la sacro-sainte loi marchande, le court-métrage reste en effet un haut-lieu de créativité. C'est ce choix artistique qu'entend d'ailleurs encourager le CCM, à travers l'impulsion d'un esprit d'émmulation (compétition du festival de Tanger) et, -fait inédit-, le lancement d'une initiative consistant en la prise en charge à partir de cette année des jeunes créateurs qui désireront réaliser leur premier court-métrage. Un appel vient justement d'être lancé par le CCM sur le site www.ccm.ma/concours.html. Une initiative qui trahit un a-priori politique très édifiant, à savoir optimiser la production mais aussi et surtout donner aux jeunes talents la chance, nous dit M. Saïl, "de concrétiser leur rêve". Simplement, il reste à revoir, constatent quelques cinéastes, un certain critère selon lequel il faut avoir réalisé trois courts-métrages pour pouvoir décrocher sa carte professionnelle auprès du CCM. "Si cette carte reste une sorte de passeport pour exercer la profession, il ne faut pas qu'elle soit perçue par quelques "intrus" comme une fin en soi", nous a dit le réalisateur Ahmed Boulane. Les courts-métrages, qui ont été présentés en ouverture du festival, nous ont heureusemment montré l'inverse. On pense d'abord à l'excellent "Cadre" qui porte la signature d'Abdelwahed Al Motanna, lequel a su brosser en très peu d'images le portrait d'une famille, en reconstituant son parcours du début à la fin. Pour la petite histoire, un homme envisage de se marier, la famille pose en photo, la succession de photos retrace son évolution (décès, séparations, distance, naissances...). "Mort à l'aube", réalisé quant à lui par Hicham El Jebbari, a inspiré une forte dose d'émotion. Un condamné à mort se prépare à passer au peloton. A l'aube de son dernier jour, avant de passer à la salle d'exécution, il est assailli de réminiscences douloureuses de sa petite fille. En attendant sa dernière heure, il nous croque à grands traits, sur le mur de sa cellule, le visage rayonnant de sa fille. Ce beau cycle sera couronné de la projection du court-métrage "Lunatika", réalisé par Hicham Lasri. L'histoire n'en est pas moins émouvante. Accommpagné d'un médecin, un jeune journaliste enquête sur Ati(k)a, une mystérieuse patiente qui souffre de troubles mentaux. Le journaliste, plongeant dans la fascination de ce personnage maître de son propre univers, va découvrir que le médecin lui a caché un détail d'une importance capitale... Ces courts-métrage, réalisés par trois jeunes cinéastes prometteurs, ont allié feeling et maîtrise des techniques de réalisation. Pour le reste, on peut regretter l'aspect dissertatif de l'animation (assurée par une ex-animatrice du côté de Dar Labrihi) et le retour d'une vieille-nouvelle manie que, paraît-t-il, on n'est pas encore prêt à laisser de côté: encore une fois, le discours officieux a failli gâcher une fête. Les spectateurs ont eu droit à plusieurs laïus galvaudés genre "Tanger, la mariée du nord". C'était compter sans la symbolique artistique que représente la ville-hôte du festival, destination privilégiée des artistes et écrivains les plus célèbres au monde: Kerouac (symbole de la Beat generation, Etats-Unis), Paul Bowles (le fou de Tanger, auteur du célèbre Thé au Sahara), Matisse, Delacroix et autres grands artistes plasticiens de renommée internationale... En abritant ce festival, c'est ce statut de haut-lieu d'inspiration que Tanger voudrait recouvrer. Heureusement qu'il y avait un Jean François Amiguet, président du jury, pour le rappeler. "Cela fait un an que j'ai commencé mon nouveau court- métrage, j'avoue que je ne l'ai toujours pas terminé. Tellement je suis resté bloqué. J'espère qu'en venant à Tanger je vais pouvoir être enfin inspiré pour achever mon court-métrage", a-t-il souhaité, devant un parterre qui l'a gratifié d'un tonnerre d'applaudissements.