Le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, affirme que son département est extrêmement sensible au problème des accidents de la circulation. ALM : Vous venez de rendre publique une circulaire sur les accidents de la circulation. Pourquoi en ce moment précis ? Mohamed Bouzoubaâ : Il faut tout d'abord rappeler la dernière réunion que SM Mohammed VI a tenue au sujet des accidents de la circulation et les ravages qu'ils causent sur le plan économique et social. Cette circulaire vient ainsi en exécution des directives royales. Le ministère de la Justice et le département du Transport ont par ailleurs préparé un projet de loi modifiant le code de la route. Ce texte se trouve actuellement chez le Secrétariat général du gouvernement qui se chargera de sa diffusion auprès de l'ensemble des départements ministériels pour sa discussion avant son adoption en Conseil de gouvernement. Que prévoit de concret votre circulaire ? Rappelons que les accidents de la circulation ont atteint en 2004 des niveaux alarmants. Nous avons dénombré 3.800 décès et pas moins de 84.000 blessés dont plusieurs ont été handicapés à vie. C'est un problème extrêmement préoccupant pour le gouvernement, surtout que ces accidents sont essentiellement dus à des erreurs humaines de non-respect du code de la route. C'est pour toutes ces raisons que nous avons décidé de prendre un certain nombre de mesures préventives. Donnez-nous quelques exemples de ces mesures préventives ? Tout d'abord, la police judiciaire est appelée à retirer le permis de conduire pour tout contrevenant, même pour des infractions minimes. Le permis sera immédiatement transmis au parquet avant que le contrevenant ne puisse payer l'amende. Par ailleurs, en cas d'accident un magistrat du parquet devra se déplacer sur place pour constater les dégâts et les responsabilités des uns et des autres. En d'autres termes, la procédure devra démarrer sur les lieux mêmes de l'accident. Evidemment, les déplacements d'un représentant du parquet se feront pour tous les accidents graves, où des pertes de vies seront enregistrées. En outre, nous avons désormais en notre disposition des alcotests. Des vérifications régulières et ciblées seront menées par les agents de la police judiciaire surtout au départ des cars et des camions. Cela se fera dans les stations de repos, dans les gares routières et tout au long des points noirs. Le but, là-encore, est de prévenir d'éventuels accidents de la route. Quel rôle va jouer la Justice dans cette campagne de lutte contre les accidents ? Nous allons tout faire pour préparer les dossiers des accidents de la circulation le plus rapidement possible. Ils doivent être jugés en priorité. En outre, et c'est le plus important, le parquet doit veiller à l'exécution de ces jugements et à la tenue des réunions régulières des comités régionaux de lutte contre les accidents de la circulation. Avez-vous expliqué la teneur de la circulaire aux magistrats ? Bien sûr. Je me suis réuni lundi dernier avec tous les procureurs de SM le Roi à travers le Royaume. Etaient également présents, des responsables de la Gendarmerie royale, de la Sûreté nationale et le secrétaire général du ministère du Transport. Le retrait des permis n'est pas prévu légalement dans le cas de simples infractions du code de la route. Comment pouvez-vous donc justifier ces retraits ? Effectivement, le retrait n'est prévu par la loi que pour les infractions graves. Mais si l'intérêt public l'exige, nous pouvons retirer le permis même pour des infractions minimes. La loi ne le prévoit pas, mais elle ne l'interdit pas. Le retrait est, en tout cas, dans l'intérêt du contrevenant lui-même. Il fera plus attention les prochaines fois. C'est également dans l'intérêt de tous les autres usagers de la route. Il n'y a donc aucun problème juridique sur ce point. En plus de l'alcotest, de quels instruments sont dotés les policiers et les gendarmes ? Nous avons acheté plus de 150 radars que l'on placera dans tous les points noirs. L'originalité de ces radars réside dans le fait qu'ils fonctionnent sans aucune intervention humaine. Une fois un dépassement de vitesse détecté, l'information tombe au niveau de la direction centrale, puis vers Barid Al Maghrib qui transmet la contravention par la poste au chauffard. La Gendarmerie royale s'est dotée, à son tour, de nouveaux hélicoptères qui survoleront les points sensibles et transmettront toute infraction aux barrages postés le long des routes. Il ne faut pas oublier que ces décisions sont prises au moment où des milliers de Marocains résidant à l'étranger regagnent le pays. Le trafic routier augmente, au cours du mois d'août, de l'ordre de 88%. Ne craignez-vous pas que cette circulaire donne lieu à des abus contre les conducteurs ? J'en suis tout à fait conscient. Et c'est pour cette raison que j'ai longuement insisté auprès des procureurs de SM le Roi qu'aucun abus ne doit être toléré. D'ailleurs, légalement, si le citoyen informe rapidement les autorités de la commission d'une corruption, il ne fait l'objet d'aucune poursuite.