Depuis mardi dernier, le camp d'Aousserd est soumis à un strict quadrillage par le Polisario et l'armée algérienne. Les séquestrés, de nouveau, ont donné de la voix contre Mohamed Abdelaziz dont ils demandent le départ. Le camp d'Aousserd, l'un des quatre grands camps utilisés par le Polisario pour maintenir en séquestration plusieurs dizaines de milliers de Marocains sahraouis, est le théâtre d'une véritable révolte depuis samedi dernier. Ce jour-là, des manifestations ont éclaté pour protester contre la situation désastreuse dans les camps de Tindouf. Les séquestrés demandent à en finir avec un état de fait, imposé, voulant qu'on les utilise doublement : faire chanter le Maroc et engranger de substantielles aides internationales qui finissent dans les poches des dirigeants du Polisario. Selon plusieurs sources, les choses se sont corsées davantage, mardi dernier, dans le camp d'Aousserd (15.000 séquestrés). De jeunes séquestrés ont assailli les «avenues» de ce camp armés de banderoles pour dire leur ras-le-bol et celui des leurs. Des pratiques du Polisario, de son dirigeant « historique » et d'une non-vie à laquelle sont réduits des dizaines de milliers de personnes parquées contre leur gré dans l'un des coins les plus invivables de la planète. Les manifestants sont encadrés par de jeunes Sahraouis issus des tribus Laâroussyine et Toubalt. La fronde contre Abdelaziz et son «régime», apprend-on, est menée par un groupe d'étudiants sahraouis arrivés de Libye, de Mauritanie et de pays européens comme l'Italie où ils poursuivent leurs études. Les mercenaires du Polisario, face à la déferlante des manifestants, ont dû appeler leur gendarmerie au secours. Les éléments d'une unité de cette dernière n'ont pu venir à bout des mécontents et, finalement, c'est l'armée algérienne qui interviendra. Cette dernière, partie d'une base à proximité du camp «Laâyoune» a réussi à maîtriser la situation par un usage massif de la violence. Selon nos sources, cette intervention a fait des dizaines de blessés et il n'est pas écarté que des manifestants y ont laissé la peau. Le même mardi, Mohamed Abdelaziz présidait une réunion à Errabouni pour demander que les manifestations de la colère dans les camps soient «traitées avec toute la fermeté nécessaire». L'appel du geôlier en chef de Tindouf a trouvé plus qu'un écho «favorable». Le camp d'Aousserd a été bouclé par l'armée algérienne et les mercenaires et toute circulation entre les camps a été interdite. Toute circulation entre les camps, le reste de l'Algérie ou la Mauritanie a été également interdite. Aux dernières nouvelles, l'usage des téléphones est impossible depuis trois jours à Aousserd comme dans les autres camps de Lahmada et l'on y craint d'autres catastrophes. En effet, depuis mardi dernier, l'approvisionnement en marchandises depuis la Mauritanie est suspendu et ce sont les commerçants qui commencent à donner des signes de mécontentement. Le même traitement, « ferme », a été réservé aux autres camps concernés par les mesures de « punition collective » décrétées par une mafia sur le déclin. Selon nos informations, Abdelaziz et les siens craignent surtout de voir l'étincelle de la colère s'emparer des autres camps éloignés les uns des autres de 13 à 15 kilomètres dans le no man's land cédé au Polisario sur le sol algérien. Et de voir se répéter le scénario d'octobre 1988 et le soulèvement des séquestrés des camps. Pour Ramadan Ould Messaoud, président de l'Association sahraouie des droits de l'Homme, la Minurso doit envoyer ses représentants basés à Tindouf pour enquêter sur les graves dépassements dans les camps. Un appel a été lancé dans ce sens par cette association qui a d'ailleurs appelé les ONG européennes et notamment espagnoles à se rendre dans les camps pour s'enquérir du sort des aides qu'elles concèdent au Polisario et de la réalité sur le terrain. Ould Messaoud, ex-polisarien emprisonné au sinistre centre Errachid pour avoir osé s'exprimer et connaisseur de la réalité dans les camps, affirme que Abdelaziz et son mouvement sont dos au mur. « Pour l'écrasante majorité des séquestrés à Tindouf, la solution passe par le retour au Maroc dans le cadre d'une large autonomie respectueuse des spécificités sahraouies et de l'intégrité territoriale du Maroc ». Pour ce militant des droits de l'Homme, c'est cette perspective qui donne des insomnies aux polisariens. En plus de la grogne dans les camps, l'apprenti-dictateur (30 ans à la tête de ce qu'il prend pour un pouvoir) se trouve sérieusement contesté par une autre frange de jeunes. Ces derniers, constituant une « jeune élite », se sont réunis en août dernier à Malaga pour la constitution de ce qui est désormais appelé « Comité de réforme ». Selon un connaisseur des rouages du Polisario, ce mouvement, qualifié de radical, prévoyait de créer des cellules de 300 personnes chacune qui agiront dans les camps de Tindouf. La finalité est de pousser Mohamed Abdelaziz à la porte. Pour le moment, c'est ce dernier qui risque de se débarrasser de son « secrétariat national », un ensemble de 72 responsables sans réelle influence. Le fameux secrétariat a été créé justement après octobre 1988 pour remplacer le «comité exécutif» et ses sept membres.