Une MRE en Italie a donné procuration à son frère pour réclamer le divorce moyennant compensation (Khol'e), sans que le mari ne le sache. Récit d'une machination où le faux et l'usage de faux ont été déterminants. Elle occupait avec sa famille une baraque à Aïn Harrouda, dans la région de Mohammédia. A vingt-six printemps, elle rêvait de rencontrer le plus tôt possible son chevalier servant. Depuis belle lurette, la routine rongeait sans cesse sa vie quotidienne, vu qu'elle avait quitté les bancs de l'école au niveau du primaire et était restée chez elle à effectuer les tâches domestiques. Elle n'avait jamais pensé à apprendre un métier ou à chercher du travail. Il faut dire qu'elle n'avait jamais été encouragée à travailler, bien qu'elle soit issue d'une famille indigente, qui a besoin du moindre sou en plus. En un clin d'œil, tout a changé. Il n'y a plus de routine dans sa vie, ni dans sa famille. Un changement qui a suscité la curiosité de tous leurs voisins et proches. Quelque chose se préparait ! Qu'était-ce au juste ? Les curieux les interrogeaient pour le savoir. Elle ne leur cachait rien. Elle leur confiait les raisons de ce changement avec joie. «Mon mariage sera célébré pour bientôt…», affirmait-elle à tous ses proches qui demandaient de ses nouvelles. Qui est le futur mari ? Dans quelles circonstances a-t-elle fait sa connaissance ? Avait-elle auparavant une liaison avec lui ? L'avait-elle croisé dans son bidonville ou ailleurs ? Seuls les proches connaissaient les réponses. Ils savaient que la mère du futur mari connaissait la mère de la jeune fille. Une connaissance qui deviendra plus étroite après que la mère du mari soit présentée pour demander la main de la fille pour son fils Ahmed. La trentaine, ressortissant marocain en Tunisie, celui-ci préparait son immigration légale vers l'Italie. C'était son rêve après avoir passé quelques années à veiller sur un entrepôt d'une société de confection en Tunisie. En rejoignant sa famille à Casablanca, lors de l'été 2003, il a découvert que sa mère lui avait déjà trouvé sa future épouse. Il a accompagné celle-ci à Aïn Harrouda pour rencontrer sa promise. Après quoi, il a décidé de convoler aussitôt en justes noces. Il ne voulait pas attendre jusqu'à l'année suivante. Et, en une journée, les deux personnes étaient mariées. Ahmed est retourné en Tunisie et sa femme, Malika, l'a rejoint une semaine plus tard, le temps de louer une maison pour l'accueillir. Quelle chance ! Une semaine après l'arrivée de Malika en Tunisie, une autre bonne nouvelle pour Ahmed. Une joie qu'il a partagée avec sa femme. Quelque semaine plus tard, le couple emballait ses affaires pour Torino, en Italie. Et un nouveau parcours de vie a été entamé. Au fil des jours, Malika a appris à se balader dans les ruelles et les boulevards de la ville italienne et a commencé à rendre visite à quelques membres de sa famille qui y résident. Ahmed ne l'empêchait pas d'aller chez eux, à condition de ne pas trop tarder. Sept mois plus tard, Malika est allée rendre visite à un cousin de sa mère. Seulement, elle n'a plus donné signe de vie. Ahmed a rendu visite à tous les membres de leurs familles et leurs proches qui séjournent en Italie. Mais en vain. Elle n'était nulle part. Il est allé dans les hôpitaux, les morgues et les commissariats de police. Toujours sans résultat. Son identité n'était affichée sur aucun de leurs registres. A-t-elle été kidnappée ? Et si oui, qui l'aurait enlevée et pourquoi ? Pour de l'argent ? Personne ne lui a téléphoné pour lui réclamer une rançon. S'agit-il d'une fugue ? La question l'a perturbé au point qu'il a tenté d'y penser. Tout est possible. À la maison, il a cherché un peu partout pour avoir un indice montrant qu'elle l'avait abandonné. En cherchant à gauche et à droite, il s'est aperçu de la disparition des documents de sa femme, ainsi que leur acte de mariage. Où se sont-ils évaporés ? Il a téléphoné à sa famille et à sa belle-famille. Personne ne l'a vue, ni à Aïn Harrouda, ni à Casablanca. Que faire ? Il s'est adressé aux autorités pour déposer une déclaration de disparition. Et une enquête a été ouverte. Quelques mois plus tard, il l'a rencontrée dans une ruelle de Turin. D'un reproche à l'autre et d'une question à l'autre, elle a brandi devant ses yeux un document officiel, portant l'entête du tribunal, signé par des juges. Le document signale que Malika a bénéficié d'un divorce moyennant compensation (khol'e). « Mais je n'ai jamais été convoqué par le tribunal», s'écria-t-il. Sans lui répondre, elle a repris son chemin avec son bébé. Elle a même refusé de lui laisser voir son propre enfant. Qui l'a aidée à obtenir le divorce moyennant compensation, et dans quelles circonstances ? Pour avoir une réponse, il est rentré au Maroc, où il a porté plainte. Une enquête a été diligentée par les éléments de la Gendarmerie de Aïn Harrouda. Le résultat ? Quand Malika a téléphoné à son frère pour lui demander de l'aider à obtenir son divorce moyennant compensation, celui-ci n'a pas hésité. Il a été convaincu par les raisons qu'elle avait avancées. Mais comment faire pour entreprendre une procédure de divorce moyennant compensation ? Le hasard a parfois des mains invisibles. Le frère de Malika gardait chez lui un récépissé pour l'obtention de la carte d'identité nationale d'Ahmed, son beau-frère. Avant de partir vers l'Italie, la dernière fois, il le lui avait laissé pour qu'il se rende au commissariat de police et retirer sa CIN qu'il voulait renouveler. L'occasion était trop belle, il fallait en profiter. Le frère de Malika a retiré la carte d'identité et a fait appel à un ami, Abdellah, pour lui demander de se présenter devant le tribunal comme étant le mari de Malika, qui lui a fait une procuration pour réclamer le divorce moyennant compensation. Après avoir changé la photo d'identité du mari par celui d'Abdellah, le frère de Malika a réclamé le divorce pour sa sœur. Ahmed, qui a empoché une somme de mille dirhams, a été convoqué et c'est Abdellah qui s'y est présenté. Les jeux étaient faits et la décision a été prise par le tribunal : divorce moyennant compensation au bénéfice de Malika. Pourquoi ? la plaignante a déclaré dans sa plainte que son mari l'incitait à fréquenter les boîtes de nuits et les maisons closes pour se faire de l'argent. Le frère de Malika et son ami, Abdellah ont été arrêtés et traduits devant la justice à Casablanca. Et Malika ? Elle sera arrêtée une fois rentrée d'Italie.